Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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CMMP (Aulnay-sous-Bois) : un rapport accablant de l’InVs sur l’usine d’amiante

19 octobre 2007

Les événements se sont brusquement accélérés dans le dossier du CMMP, cette usine qui a broyé de l’amiante pendant 50 ans en pleine zone résidentielle à Aulnay-sous-Bois. Les associations ont dénombré à ce jour 70 victimes dont 34 sont décédées


- Un rapport accablant de la Cellule inter-régionale d’épidémiollogie (antenne de l’InVs en Ile-de-France)
- Un communiqué de la Direction Générale de la Santé
- Une réunion en préfecture
- Un communiqué des associations


Un rapport accablant de la CIRE

La Cellule interrégionale d’épidémiologie (CIRE), antenne de l’institut national de veille sanitaire (InVs) a enfin rendu public son rapport sur les contaminations professionnelles, domestiques et environnementales dues à l’activité de cette usine d’amiante.

Il comporte trois volets :
- un volet historique, qui analyse l’implantation de l’usine, les modes opératoires, les volumes de production, les conditions de travail des salariés, les niveaux d’empoussièrement dans l’usine et au voisinage, etc.
- une étude des cas de contaminations professionnelles, domestiques et environnementales, qui valide l’alerte sanitaire lancée par les associations
- un essai de modélisation de la zone de dispersion des poussières autour de l’usine.
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Les deux premiers ont été réalisés par Emilie Counil.

Ce document de 300 poages met en lumière les responsabilités d’un employeur qui a contaminé de no !mbreux salariés et riverains, mais aussi sur celles des pouvoirs publics qui ont laissé faire malgré les plaintes incessantes des habitants du quartier pendant plusieurs décennies

Cette étude n’aurait jamais pu voir le jour, sans le combat engagé par Gérard et Nicole Voide après le décès de Pierre Léonard, frère de Nicole, mort d’un mésothéliome à 49 ans, qui avait été contaminé à l’école voisine alors qu’il était enfant. Ce combat s’est élargi. Il est porté aujourd’hui par six associations : le collectif des riverains, l’Addeva 93, Ban Asbestos, Aulnay Environnemnt et deux associations de parents d’élèves.

L’étude de la Cire est exemplaire à plus d’un titre. C’est la première fois en France qu’un rapport officiel valide une contamination environnementale par l’amiante. Elle est le résultat d’une collaboration fructueuse entre les scientifiques qui l’ont portée et les associations qui ont fourni une masse considérable de documents et pu - sous réserve du consentement des intéressés - les mettre en contact avec des victimes et des témoins directs. Les associations ont également fait part de leurs observations et critiques sur le document dans sa phase d’élaboration.

La rigueur et l’originalité de sa méthodologie méritent d’être saluées. Les données médicales et des données d’exposition ont été validées par deux collèges d’experts. Les sources associatives ont été croisées avec d’autres données fournies par le Fiva et par les magistrats du pôle Santé qui ont en charge l’instruction des plaintes pénales en cours. L’étude combine une approche quantitative (données métrologiques, nombre et nature des maladies) et une approche qualitative (longs entretiens avec des victimes ou des témoins sur la réalité vécue des conditions de travail et de la contamination)

Consulter ou télécharger ce rapport en ligne sur le site de lInVs.


Un communiqué de la Direction Générale de la Santé

Le 19 octobre, la Direction générale de la Santé publie un communiqué de presse

Elle prend acte des conclusions du rapport de l’InVs : "L’étude sanitaire conclut que l’activité du CMMP a engendré une exposition environnementale à laquelle on peut rattacher de façon totale ou partielle 11 cas de maladies liées à l’amiante (dont 4 cas de mésothéliome ou cancer de la plèvre et 7 cas de plaques pleurales"

Elle informe que le ministère de la Jeunesse et des Sports a décidé la mise en place d’un numéro d’appel téléphonique afin de permettre aux personnes ayant habité, de 1938 à 1975, à proximité de l’usine du Comptoir des Minétaux et Matières Premières d’Aulnay-sous-Bois et qui ont pu être exposées aux poussières d’amiante, d’obtenir des informations complémentaires ainsi que tout renseignement sur les démarches à suivre. Celles-ci peuvent appeler ce jour à partir de 12 heures le numéro vert suivant : 0800 13 00."

Elle annonce qu’une "information des médecins est en cours par messagerie et par la mise en ligne, sur le site du ministère, d’un document d’information".

Elle signale enfin que "le Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports met en place un groupe de travail réunissant des experts scientifiques afin de déterminer les études complémentaires qui, le cas échéant, devront être mises en oeuvre."

Rappelons que le Ministère a été, depuis des années, alerté à maintes reprises par les associations, sans résultat jusqu’ici. La reconnaissance officielle de la réalité de la contamination environnementale autour du CMMP et l’ouverture d’un numéro vert sont donc des avancées.


Une réunion à la Préfecture de Seine-Saint-Denis

Les conclusions de l’étude de la Cire et le contenu du communiqué de la Direction générale de la Santé ont été présentées par le Dr Hubert Isnard lors d’une réunion à laquelle participaient notamment des représentants du préfet, des six associations, de l’ancien exploitant, de l’actuel propriétaire et de la Direction régionale du travail.

Les associations ont rendu hommage à la qualité du rapport de la Cire. Elles ont réclamé une procédure de signalement systématique des cas, une recherche active de cas, et un suivi médical pour toutes les personnes qui le souhaitent.

Concernant la dépollution-déconstruction du site, le représentant du préfet a indiqué que suite à l’arrêt rendu par le tribunal de Cergy-Pontoise, la dépollution de l’ensemble des bâtiments du site incombait à l’ancien exploitant et sa déconstruction au nouveau propriétaire.

Il a précisé que les documents détaillant les modes opératoires pour ces deux opérations (plan de retrait et permis de démolir) devront être présentés simultanément avant toute intervention sur le site.

Il a également indiqué que les avant-projets seraient soumis en amont à l’aval des trois ministères concernés (travail, santé, environnement), puis transmis pour avis aux différentes parties et aux associations, avant le déclenchement de la procédure administrative officielle.


Un communiqué des associations

Dans un communiqué de presse, les six associations intervenant sur le CMMP (Collectif des riverains, parents d’élèves, Addeva 93, Ban Asbestos, Aulnay Environnement) analysent la situation et font des propositions.

Sur l’étude de la CIRE

Les associations soulignent que cette étude est une première en France. Elles notent que "les dégâts mortifères sur les ouvriers au contact direct de l’amiante étaient déjà connus, comme pour cette usine, mais ce qui est nouveau c’est la reconnaissance officielle du lien entre la pollution de l’usine et les malades ayant résidé, étudié ou travaillé au voisinage"

Les conclusions du rapport sont en effet sans ambiguité : « Le signal sanitaire d’origine environnemental détecté par les associations de victimes au voisinage du CMMP est donc solidement validé. L’identification de cas d’affections spécifiques de l’amiante ayant eu une exposition uniquement ou majoritairement environnementale au voisinage du CMMP signe la dangerosité de la pollution liée aux activités de broyage et de stockage de l’amiante de cette entreprise pour la population riveraine de l’époque » … « La sévérité des critères retenus garantit la validité des résultats obtenus ».

Les associations estiment que ce rapport "est le fruit d’une mobilisation citoyenne issue du mouvement associatif ayant donné l’alerte il y a plus de 9 ans. Elle est accablante et met en lumière la responsabilité de l’employeur qui a contaminé les travailleurs et les riverains, mais aussi celle des pouvoirs publics qui ont laissé faire malgré les plaintes incessantes des habitants du quartier."

L’historique de l’activité sur ce site met en évidence "l’importance de la production de farine d’amiante par centaines de tonnes, un empoussièrement massif dans les ateliers (allant jusqu’à 930 000 particules par cm3 d’air à certaines époques), la quasi-inexistence de dispositifs d’extraction des poussières, au mépris des règles les plus élémentaires d’hygiène, l’échappement massif des poussières vers l’extérieur, au mépris des prescriptions officielles pourtant extrêmement précises"

Le communiqué précise qu’à ce jour "les Associations recensent plus de 70 malades (dont 35 décès) ; la moitié a été contaminée au simple fait d’avoir demeuré à proximité de l’usine et 20 y ont travaillé. Ce bilan n’est que la face visible d’une catastrophe sanitaire restant à évaluer. 25 plaintes sont en cours d’instruction au pôle Santé du Tribunal de Paris."

Sur le communiqué du Ministère de la Santé

Les associations saluent la reconnaissance (tardive) de la pollution environnementale comme une avancée . Le numéro vert, s’il est largement diffusé, "peut aider des victimes à se faire connaître". Mais elles demandent "une recherche active de victimes" (anciens écoliers, anciens ouvriers de l’usine en France et en Algérie, habitants du quartier...), un dispositif de signalement systématique des nouveaux cas "comme cela se pratique pour les maladies contagieuses" ainsi qu’un "suivi médical des personnes exposées dans un cadre professionnel et environnemental qui le souhaitent", suivi qui doit être "gratuit et de qualité".

Toutes les personnes contaminées par le CMMP doivent être recherchées, retrouvées et informées sur leurs droits. C’est un devoir auquel les autorités qui n’ont pas su les protéger ne peuvent se soustraire.

Sur le désamiantage-déconstruction du site

"Après leur intervention volontaire dans le jugement du Tribunal de Cergy Pontoise, les associations notent avec satisfaction que les avant-projets soumis aux Ministères (travail, santé, écologie) seront discutés ensuite avec les différentes parties dont les associations."

Elles en appellent au "strict respect de la réglementation sur le retrait de l’amiante friable.soit :

- Un repérage exhaustif de l’amiante avant démolition, incluant des sondages destructifs, ce qui n’a pas été fait pour l’extérieur des murs et à cœur, ni du sol, ni du sous-sol

- La construction d’une enveloppe étanche autour des bâtiments durant toute la période des travaux

- Le travail à l’humide et le port d’équipement de protection individuelle avec adduction d’air"

- Le traitement de la toiture dégradée en amiante-ciment comme de l’amiante friable compte-tenu que les plaques sont fragilisées et libèrent des fibres."