Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Témoignages sur les conditions de travail exposant à l’amiante à la RATP (2)

26 juin 2002

"Le travail terminé, je ressemblais à un bougnat..."

D’avril 1961 à mars 1963,
j’étais affecté au poste de
dépoussiérage à l’atelier
d’Italie. Le travail de dépoussiérage
s’effectuait en fosse pour le nettoyage des dessous de
caisses du matériel Métro de type Sprague ou MF 67.
Je faisais ce travail avec un balai de paille de riz et la
poussière voltigeait dans tous les sens. La seule protection
était le bleu de travail et la casquette. Il n’y avait
rien d’autre. Je devais passer le balai sur toutes les
timoneries et tous les organes où le balai pouvait passer.
Il fallait faire tomber toutes les poussières,
qu’elles soient visibles ou invisibles.

Le travail terminé, avec la figure toute noire
et les yeux pochés, je ressemblais beaucoup à un
bougnat, même après la douche, j’avais encore
des traces. Sans compter la poussière que j’ai
avalée par la bouche et le nez, et cela pendant des
années.

Aux ateliers d’Italie, il y avait tous les
jours 6 à 8 métros. Tous ces matériels
devaient être nettoyés avec mon balai.
C’était mon travail de tous les jours.

D’avril 1963 à août 1966,
j’étais affecté au poste de perchiste.
C’était un travail d’équipe avec le
conducteur d’atelier. Il fallait reformer par
éléments les rames de métro quand elles
arrivaient avec des défaillances techniques. Toutes les
rames devaient repartir le plus tôt possible.

Au poste de perchiste j’étais en
permanence à côté du conducteur, avec une
perche à la main et prêt à intervenir au plus
vite pour attraper le fil de la zone d’alimentation en
courant continu 750 volts sur les trolleys aériens.

Dans la cabine de conduite des motrices du
métro se trouvaient les fusibles d’alimentation. Mais
quand il y en avait un qui sautait (chose qui arrivait de temps en
temps), alors la poussière s’éparpillait dans
tous les sens.

Pour ce travail, aucune information ne m’avait
été donnée alors que j’étais dans
une zone de danger à côté des fusibles
bourrés d’amiante, chose que je ne savais pas.

De septembre 1966 à janvier 1974,
j’étais affecté au poste d’ouvrier
qualifié monteur visiteur. En premier, j’ai fais le
travail de monteur visiteur en atelier de Grande Révision
(GR), à Choisy. Ce travail consistait à mettre en
pièces les motrices et les remorques du matériel
Sprague ou MF 67. Tout était démonté,
gratté et passé aux bains pour être
décapé de toutes particules. En Grande
Révision, mon travail c’était les bogies et
tout ce qui touchait la mécanique du métro afin que
ce matériel reparte comme neuf pour de nouvelles
missions.

Je suis revenu aux ateliers d’Italie, où
j’étais monteur visiteur en Petite Révision
(PR). Ce travail se faisait en fosse. Je faisais la révision
et le réglage des freins, sabots de bois ou en fonte de 18
kg. Pour le travail de monteur visiteur (en PR et en GR), la seule
protection était des vêtements "kakis", bien plus
épais que les bleus, et la casquette en cuir. Même si
cela ne nous a pas été signalé,
aujourd’hui beaucoup d’ouvriers qui ont
travaillé dans les ateliers d’entretien du
ferré savent, comme moi, qu’ils étaient au
contact de l’amiante, surtout avec le matériel
Métro de type Sprague et le MF 67.

Le travail de monteur visiteur étant devenu
bien trop pénible depuis mon opération du coeur,
j’ai été muté en GR aux ateliers de
Choisy comme ouvrier qualifié.

Le travail de ce poste se faisait à
l’établi. Les pièces qui nous passaient entre
les mains devaient être révisées et remises en
état. Le premier travail, c’était le coup de
soufflette pour y voir un peu plus clair, alors que se
dégageait une poussière qui nous passait devant le
nez et la bouche. Pour ce travail, il fallait se servir de la
perceuse, de la meule et pour finition, de la sableuse qui fuyait
de tous les côtés, et pourtant les réclamations
avaient été faites.

Pour ce travail il fallait enfiler les gants de
caoutchouc qui faisaient partie de la sableuse, et regarder son
travail de très près, le nez presque collé au
hublot. Bien sûr, ce qui sortait pas les fuites me rentrait
par le nez et la bouche. Aucune information ne m’avait
été donnée alors que j’étais
sûrement dans une zone où la poussière
d’amiante voltigeait dans tous les sens. A ce poste nous
faisions la révision pour le matériel Métro,
MF 67 et MP 55.

Après quoi, et par décision
médicale, j’ai été muté
après avoir été reconnu inapte
définitif à mon emploi statutaire, en février
1974.

Jean C.

"Des pièces amiantées arrivaient sans emballage et sans étiquetage..."

Je suis arrivé au magasin de Choisy juste
après m’être qualifié en 1998 et je me
suis occupé de la mise en place de la GMAO, qui est en fait
un outil informatique pour le suivi des organes montés sur
le matériel roulant, et je m’occupe également
de la réception des pièces.

J’ai pu constater, à mon arrivée,
qu’il y avait encore des pièces amiantées qui
arrivaient des AMT (Ateliers de Maintenance des Trains) sans
emballage, à l’air libre, même pas
nettoyées et sans étiquetage ni affichage. Ces
pièces amiantées étaient en règle
générale des pare-étincelles, des
cheminées de DET (Disjoncteur Equipement Traction) et des
rhéostats traction.

Je suis intervenu, étant ancien
délégué du personnel, auprès des
élus du CHSCT pour leur faire constater et signaler les
dysfonctionnements. J’ai demandé à avoir, comme
dans les autres équipes, un affichage des organes
recensés amiantés pour que tout le monde soit plus
vigilant lors de l’arrivée de pièces douteuses.
Et en ce qui concerne les équipements de protection
individuelle, je me suis pris en main et j’ai commandé
directement au magasin général de LOG ce qu’il
nous fallait. Il est clair que l’information sur le risque
lié à l’exposition aux fibres d’amiante
ne nous est connue que depuis environ quatre ans. Avant, on
n’en savait rien, on ne prenait aucune précaution.

L’affichage avec le point amiante
n’existait pas dans ce magasin avant fin 1999 début
2000. En plus de l’amiante dans le magasin, il y a un autre
souci au niveau de la déchetterie. La benne destinée
aux déchets amiante n’est plus vidée depuis
plusieurs mois et on ne sait pas quoi en faire. Les déchets
sont stockés ici et n’en repartent plus.

En ce moment, il est procédé à
l’échange des DET par des ATM sans amiante, mais les
pièces mises au rebut nous arrivent non ensachées,
pas nettoyées. Alors là, on se prend par la main, on
s’équipe de masque, on ensache les pièces avec
l’affichage qui convient et on les met à la benne
amiante.

Max D.

"Je n’ai jamais vu un magasinier travailler avec un masque sur le nez..."

J’ai travaillé à la
réception du magasin de Choisy de décembre 1988
jusqu’à début 1998. J’ai connu
Gérard B. qui était déjà là
lorsque je suis arrivé et jusqu’à sa maladie on
a travaillé au magasin de Choisy, environ une dizaine
d’années.

A la réception, on recevait des
pare-étincelles, des boîtes de soufflage qui
étaient en amiante, c’était marqué sur
le plan (ISOLEX 162). Nous n’avions aucune protection
respiratoire ou autre à l’époque. Il y a une
dizaine d’année, nous ne savions pas du tout que
c’était dangereux pour la santé,
d’ailleurs on n’en parlait absolument pas donc il nous
semblait logique de ne pas mettre de protection.

Ces pièces arrivaient de chez un fournisseur.
On les déballait à la réception. Les
pièces n’étaient pas emballées
individuellement puisque l’amiante ne représentait pas
de danger connu et, pour nous, il n’y avait pas de raison que
le fournisseur ensache ces pièces.

Nous effectuions un contrôle dimensionnel et
qualitatif des pièces contenues dans chaque carton. Le
contrôle dimensionnel était réalisé par
un agent de maîtrise et le contrôle quantitatif,
c’est moi qui le faisais, à l’époque. On
a donc tous manipulé ces pièces dès
l’arrivée des cartons jusqu’à la mise
à la poubelle des protections de papier qu’il y avait
autour des pièces.

Pour faire le contrôle quantitatif, on enlevait
toutes ces protections que l’on jetait à la poubelle,
donc là, on en prenait plein le nez, on avait après
à compter toutes ces pièces. Il fallait donc
qu’on les sorte toutes du carton pour les remettre soit dans
un autre carton, soit dans le même que l’on donnait
ensuite au collègue qui était chargé de les
ranger dans les cases où elles étaient
destinées à arriver. Elles étaient
rangées sans aucune protection, mais en plus, à
l’époque, je n’ai jamais vu dans les magasins,
un magasinier travailler avec un masque sur le nez.

Malgré le fait des protections de papier dans
les cartons, il est néanmoins arrivé que des
pièces soient cassées à
l’intérieur. On les mettait alors de côté
pour indiquer la casse au fournisseur (qui était "SERCI"
à l’époque) et donc recommander le nombre de
pièces manquantes. Soit le fournisseur nous disait de les
jeter, soit on les lui renvoyait. Elles étaient parfois
détruites, c’est tout à fait logique que dans
un transport, il y ait parfois de la casse.

Encore aujourd’hui, il arrive que des
pièces en "REFRAVER S" (produit de substitution de
l’amiante) soient cassées, j’espère juste
que ce ne soit pas aussi dangereux que l’amiante parce que
ces nouvelles pièces ne sont pas plus ensachées que
ne l’était l’amiante à
l’époque et on ne nous fait pas porter de masque
puisque apparemment ce n’est pas dangereux. Lorsque
l’on a une palette de plus de 400 pièces on sent une
forte odeur qui en ressort.

Toutes les pièces qui contenaient de
l’amiante et qui étaient stockées au premier
étage passaient obligatoirement par la réception,
puisqu’elles arrivaient de chez le fournisseur et passaient
par la réception pour les contrôles. Ensuite, elles
étaient stockées principalement au premier
étage.

Dans le magasin on a également eu
l’occasion de donner la main aux collègues du PCR. En
effet, nous étions détachés du
département LOG (Logistique) avec pour tâche la
réception-stockage des pièces neuves et leur
distribution dans les sous-ensembles. Dans les mêmes murs, en
1993, des collègues du département MRF jouaient le
rôle de magasiniers auprès des AMT (Atelier de
Maintenance des Trains) pour assurer l’échange des
pièces cassées, usées des AMT et les
pièces de rechange que nous leur donnions ou qui venaient de
révision.

Tous les organes transitaient dans le hall
d’entrée du magasin, que ce soit pour nous, à
LOG, ou pour le PCR. J’ai même eu souvent
l’occasion de voir des organes, à destination du PCR,
joncher le sol sans aucun emballage, à l’air libre. Il
est clair qu’avec les courants d’air qu’il y a
dans ce hall, la poussière a pu se propager partout. Et
même pour ceux qui n’ont pas eu à toucher ces
pièces amiantées, il n’en demeure pas moins
qu’ils ont dû en respirer tout comme les
collègues du PCR.

Je n’ai jamais vu personne faire des analyses
d’air durant ma présence au magasin
(possibilité d’analyses pendant mes congés), il
n’y a qu’environ deux ans que des analyses ont
été réalisées et encore, juste au
premier étage. Nous ne sommes inscrits au suivi
médical spécifique amiante que depuis 1996.

Bruno H.

"On prenait de la poussière plein le nez..."

J’ai bien connu monsieur Gérard B.,
puisque je suis arrivé au magasin, à la
réception des pièces, en 1987. Cette activité
consiste à déballer les cartons de pièces
neuves pour d’une part vérifier leur état, les
compter et, d’autre part, les stocker dans le rayonnage du
premier.

Quand nous avions affaire à des
pare-étincelles en amiante, à l’époque
nous ne savions même pas que c’était de
l’amiante, on prenait plein de poussières dans le nez.
Les pièces étaient juste protégées les
unes des autres par des bandelettes de papier qui servaient juste
à protéger les pièces des petits chocs et on
en mettait partout.

Après avoir fait le contrôle quantitatif
et qualitatif, on donnait les pièces, amiantées ou
non, qu’on remettait en vrac dans les cartons sans aucune
protection parce qu’on ne savait pas que c’était
dangereux, à Gégé (Gérard B.) qui lui,
s’occupait plus particulièrement de les ranger dans
les rayonnages du premier étage.

Il est clair que parfois des pièces
étaient cassées dans les cartons, il est même
arrivé que des cartons soient éventrés en
arrivant au magasin. Les pièces amiantées que nous
avons manipulées, c’était surtout des
pare-étincelles, mais il y avait aussi des joints et bien
d’autres dont je ne connais pas les noms parce qu’ici
on fonctionne avec des numéros.

Pour le nettoyage, j’utilisais le chiffon
mouillé (heureusement pour moi) de façon
innée. Je me protégeais de toute manière, je
n’aime pas la poussière. Je me suis
auto-protégé sans le savoir et encore, avec des
masques de protection qui ne sont pas adaptés ni aux fibres
d’amiante ni aux barbus comme moi.

Et encore maintenant, tout n’est pas clair. Pas
plus tard qu’il y a une quinzaine de jours, on a eu une
remontée de pièces amiantées qui venaient de
l’atelier de Boulogne, en vrac sur un chariot, sans
emballage, à l’air libre. Il s’agissait de
pare-étincelles de disjoncteurs traction et de
cheminées de DET, des pièces relativement lourdes. Il
a fallu que mon collègue s’équipe (masque,
combinaison...) pour pouvoir reconditionner ces organes avant de
les mettre dans la benne destinée aux pièces
amiantées.

C’est complètement inadmissible que des
choses comme cela arrivent encore, alors que la direction dit
qu’il n’y a plus de risque. J’ai eu
l’information officielle sur le risque amiante courant 1997,
c’est au moment où l’on a pris conscience du
danger, surtout lorsqu’il a fallu passer les visites
médicales spéciales amiante.

Gilles B.

"Nous ne savions même pas que c’était de l’amiante..."

Je suis arrivé en mars 1997 au magasin,
j’étais là en remplacement de monsieur
Gérard B., je m’occupais des entrées et
sorties, à l’étage et au
rez-de-chaussée, des pièces du magasin avec mon
collègue, Gille B., qui lui était là du temps
de Gérard.

Peu de temps après mon arrivée, avec
mon collègue Gilles, je suis resté au premier
étage et lui s’est occupé du
rez-de-chaussée, c’était un accord avec
lui.

La première chose que ma hiérarchie
m’a dit de faire, c’était de faire du rangement,
les inventaires et de regarder au premier si les organes
amiantés étaient emballés. Et on a
gardé ces pièces pendant près de deux ans, on
n’avait pas l’accord de l’encadrement pour nous
en débarrasser, ces pièces comptaient dans nos
stocks.

Vers le mois de mai ou juin 1997, je suis venu,
accompagné d’un agent de maîtrise, un samedi
pour nettoyer les sols et les dessus des placards, les rayonnages
du premier étage. Le chef m’a dit de mettre un masque
et que je fasse très attention parce qu’il y avait eu
des pièces en amiante stockées qui n’avaient
pas été emballées à
l’époque, elles l’on été juste
avant que j’arrive au magasin, au moment où l’on
a appris le danger que représentait l’amiante.

Le jour de ce grand nettoyage et bien que mon agent
de maîtrise m’ait bien expliqué les
opérations à réaliser en prenant les
précautions de rigueur et de mettre le masque
adéquat, il n’avait pas réussi à avoir
d’aspirateur amiante, j’ai dû aspirer tout le
premier étage à l’aide d’un aspirateur
industriel ordinaire, qui n’avait pas de filtration
absolue.

Je pense que, vue toute la poussière
qu’il y avait et bien qu’il n’y ait plus eu de
pièces en amiante à l’air libre, la
poussière était certainement amiantée. Ce
n’est que lorsque je suis arrivé au magasin
qu’on m’a informé du risque amiante, c’est
aussi à cette époque que j’ai eu la visite
médicale amiante.

Nous avons toujours nettoyé nos postes de
travail avec un balai tous les vendredis comme cela se fait un peu
partout. Et il faut voir la quantité de poussières
qu’on ramasse.

Rolland L.

"Des questions posées aux réunions de délégués du personnel..."

Ayant un mandat de délégué du
personnel depuis 1983, j’atteste qu’à de
nombreuses reprises, des questions concernant les conditions de
travail, l’hygiène et la sécurité de
l’équipe bobinage des ateliers RATP de Fontenay s/s
Bois ont été posées, par mon
intermédiaire, par les agents de cette équipe et en
particulier par monsieur Salomon S. Ces questions (concernant aussi
bien l’utilisation des produits et matériaux divers,
en particulier l’amiante, que des problèmes
d’enfumage dus à des manques évidents
d’extraction, ventilation, aspiration) ont été
l’objet de plusieurs réunions mensuelles de
l’institution délégués du personnel. Ces
questions ont été traitées par écrit,
avec réponses, pendant des années sans que des
changements notables aient été apportés aux
conditions de travail de cette équipe.

J’atteste également que, bien que les
problèmes étaient connus jusqu’au plus haut
niveau du département, pendant une très longue
période et jusqu’à ces dernières
années, à aucun moment les agents n’ont
été alertés, ni eu la possibilité
d’utiliser des protections et équipements individuels,
d’ailleurs inexistants dans l’entreprise.

Cette équipe est aujourd’hui en attente
de travaux, qui doivent être (sans gommer la
responsabilité des années travaillées hors
normes, avec ses conséquences) pour les agents, enfin
l’occasion d’améliorer considérablement
leurs conditions de travail et, à contrario, diminuer les
risques. Nous y seront attentifs.

Denis C.

"Pas de masques, pas d’aérateur ni d’aspiration..."

Je suis entré aux ateliers RATP de Fontenay
sous Bois (94), rue Jean Jacques Rousseau, le 02 décembre
1963 comme manoeuvre en Petite Révision (PR). Je
nettoyais l’intérieur des voitures de métro
ainsi que la cabine du conducteur et je faisais le nettoyage
extérieur des voitures jusqu’en 1965.

De juillet 1965 au 31 janvier 1970,
j’étais ouvrier qualifié, monteur visiteur aux
ateliers de Choisy (Porte d’Italie) en Grande
Révision. Les châssis des boggies étaient mis
sur fosse, je retirais avec le pont les gros moteurs de traction du
Sprague avec leur carcasse. On les mettait sur le transbordeur et
on les déposait au dépoussiérage moteur.
Après, je grattais les châssis tout sales de
poussière et de graisse. Je vérifiais les
pièces usagées ainsi que les roues, les ressorts
à lames, etc... On n’avait pas de masque ni de
chaussures de sécurité. Le 23 septembre 1965,
j’ai eu un accident avec un ressort à lames qui a
rebondi sur le dos du pied. Après, on nous a donné
des chaussures de sécurité.

Il n’y avait pas d’aérateur ni
d’aspiration. On respirait tout ce que l’on grattait
et, à cause du balayage à sec, ça volait
partout. Il y avait déjà de l’amiante à
Choisy mais nos chefs ne nous ont jamais parlé du danger de
ce produit.

Il y avait le bobinage à Choisy. Les bobineurs
réparaient les gros et les petits moteurs. Le chef
était monsieur V. J’avais demandé à
l’Ingénieur en Chef des ateliers de Choisy s’il
m’était possible de préparer le concours de
bobineur RATP. Il m’a été accordé
d’aller à l’atelier du bobinage. Monsieur
Gérard J. me prêtait ses outils pour
m’entraîner sur les induits. Il y avait monsieur S.,
monsieur D., monsieur B. et d’autres bobineurs qui me
montraient comment faire les petits moteurs.

La direction de la RATP ne nous a rien dit du danger
de l’amiante.

En 1970, je suis revenu, comme bobineur, au vieux
bobinage des ateliers de Fontenay sous Bois. Quand je suis
entré dans cet atelier, ça sentait très
mauvais. Les ouvriers bobineurs démontaient et
décortiquaient de A à Z les gros moteurs de Sprague
qu’ils soufflaient avec une soufflette à air
comprimé. Tous les ouvriers en prenaient plein la
figure.

Les gros et petits moteurs étaient
démontés au chalumeau, à
l’établi, à côté des autres
bobineurs qui respiraient la fumée du démontage et
les déchets d’amiante. Il n’y avait ni masque,
ni aérateur, ni aspirateur. Il y avait deux gros
ventilateurs dans le fond de l’atelier, sans filtre et le
plus souvent en panne.

Comme tous les ouvriers au bobinage, les bobineurs
marchaient sur les déchets d’amiante et autres
isolants, à leur place de travail (monsieur W., monsieur G.,
monsieur T., monsieur R., monsieur M., monsieur M., monsieur T.,
monsieur C., monsieur S., monsieur R., monsieur D., monsieur R.,
monsieur L., monsieur P., monsieur B., monsieur S., monsieur G.,
monsieur M., monsieur N., monsieur R. et moi-même monsieur S.
et d’autres ouvriers que j’ai oubliés).

Monsieur Jean C. coupait les grandes plaques
d’amiante de différentes longueurs. Il les donnait aux
bobineurs et mécaniciens pour isoler les moteurs et
emplacements de démontage pour ne pas brûler le mur ou
l’établi. Ces grandes plaques étaient mises
dans le bobinage à côté des ouvriers, dans un
casier ouvert à l’air. On respirait l’amiante,
les solvants, l’acétone, l’alcool à
brûler, le vernis, la peinture anti flash, etc... Le balayage
des déchets à sa place de travail se faisait à
sec. Toutes les poussières volaient dans l’atelier et
il y en avait plein sur les établis. Tous les ouvriers
respiraient les poussières d’amiante. Dans la
journée, on se mouchait plusieurs fois. Le mouchoir
était tout noir. Le soir, on mettait les bleus de travail
avec les vêtements propres dans le vestiaire. On emportait
chez soi, dans les vêtements de travail, des déchets
et des poussières d’amiante. Ma femme lavait mes bleus
de travail à la maison.

Au vieux bobinage, je faisais les gros moteurs de
Sprague. Je décortiquais au chalumeau les sections et
isolants de ces vieux moteurs. Il y avait beaucoup d’amiante.
Je mettais une grande plaque d’amiante quand je brûlais
les sections, pour protéger le mur et
l’établi.

Après, j’ai fait les moteurs D2 que je
démontais de A à Z. Dans la cour, à
côté du bobinage, il y avait 3 grandes tôles
pour nous protéger de la pluie et de la neige. Là
aussi, je mettais une grande plaque d’amiante le long du mur
pour éviter de le brûler avec le chalumeau.
J’allais demander à monsieur Jean C. les plaques
d’amiante. Je démontais les sections des encoches et
isolants d’amiante. Je respirais tout, on n’avait pas
de masque de protection ni aucune ventilation pour aspirer la
fumée et la poussière du démontage.

Quand je faisais les moteurs D2, je les faisais
à neuf avec des isolants et de l’amiante. Quand je
demandais à mon chef de faire des modifications à mon
poste de travail il répondait qu’il y aurait
bientôt un nouvel atelier de bobinage. En attendant, on
travaillait dans de mauvaises conditions.

Il n’y avait pas de palan pour soulever les
moteurs, dehors. Il fallait les soulever tout seul. Des fois, un
ouvrier m’aidait à le mettre sur les tréteaux.
Le 21 septembre 1971, en voulant soulever mon moteur D2, j’ai
eu très mal au dos. Monsieur Simon R., bobineur, m’a
aidé à mettre ce moteur sur le tréteau pour
décortiquer les sections et isolants d’amiante.
J’ai fait une déclaration d’accident de travail
le lendemain matin à mon chef, monsieur M. J’avais
très mal au dos. Après mon accident, ils m’ont
mis à faire des sections de TA et T8 de gros moteurs.
J’étais avec monsieur R. Je formais les sections sur
une forme en acier. Après, j’avais une enrubanneuse.
Je passais les sections, une par une, dans le trou de la machine
avec du mica et samica. Le ruban tournait avec la machine autour de
la section. Il fallait bien le mettre et serrer avec les doigts sur
la section. Après, je rassemblais plusieurs sections
ensemble. Je badigeonnais avec du vernis mélangé
à l’alcool à brûler et de
l’acétone. Là encore, on n’avait aucune
protection. On respirait toute la journée ces odeurs de
solvants, cette poussière d’amiante et la fumée
du démontage des moteurs.

Quand on est entré dans le nouveau bobinage de
Fontenay sous Bois, vers 1974, les problèmes étaient
les mêmes car les aérateurs d’aspiration du fond
de l’atelier ne fonctionnaient pas bien. Il y avait souvent
des pannes et l’atelier était enfumé. Les
bobineurs démontaient les gros moteurs de Sprague. Il y
avait de l’amiante dedans. Les petits moteurs étaient
aussi démontés et brûlés au gros
chalumeau, à l’établi. On était en
ligne.

Quand je me plaignais à mes chefs de respirer
la fumée et les poussières d’amiante, ils me
répondaient que dans le privé, les ouvriers
respiraient la fumée et les poussières et
qu’ils ne disaient rien. Je leur ai répondu que je ne
voulais pas mourir. Je faisais 3 bronchites par an depuis que
j’étais au bobinage.

Quelques années plus tard, quand les
responsables du CE sont venus avec le CHSCT, le docteur M.
m’a répondu que mes bronchites étaient
peut-être dues à tous les produits employés et
à la fumée dans l’atelier. Je continuais
à enrubanner les sections T8 avec monsieur R. On
n’avait toujours pas de protection ni de hotte aspirante
à notre place.

Quand les bobineurs de Choisy sont venus à
Fontenay sous Bois, quelques mois après nous, monsieur D.
faisait les sections de GLM 300. J’ai fait ces sections.
Monsieur D. coupait ces sections à la dimension voulue.
Après, je les prenais une par une, je trempais les bouts
dans l’acide et les plongeais dans un bac
d’étain bouillant pour les étamer. Je sortais
ces sections et les essuyais avec un chiffon pour étaler
l’étain.

Quand je chauffais au chalumeau les sections et le
bac d’étain, je mettais une grande plaque
d’amiante au mur pour le protéger. Le poste de travail
se trouvait à côté de la porte où
était monsieur L. Il n’y avait aucune protection pour
les ouvriers. Pas de masque ni d’aération. Messieurs
D., M., D., G. et tous ceux qui travaillaient à ce poste
d’étamage respiraient la fumée qui partait dans
l’atelier. J’ai appelé plusieurs fois les
délégués du personnel qui sont venus avec le
CHSCT pour constater les faits.

Les mois sont passés et les forgerons sont
venus mettre des tôles sur les deux côtés et une
tôle en haut, jusqu’au toit. Ça n’aspirait
rien car le trou d’aspiration se trouvait à plus de 2
mètres de haut. Quand j’étamais les sections,
je respirais les vapeurs d’acide et la fumée de plomb
entre le poste de travail et le trou d’aspiration
situé à plus de 2 mètres de haut. En 1984 et
1985 j’ai demandé à mes chefs de faire mettre
un tuyau avec un aspirateur à la hauteur du bac où je
travaillais. Rien n’a été
amélioré.

Le 2 avril 1990, j’ai prévenu mes chefs
que j’avais respiré les fumées
d’étain et d’acide. La nuit du 2 au 3 avril,
ça me brûlait dans les poumons. Le 3 avril, j’ai
demandé à mes chefs les papiers pour faire une
déclaration d’accident de travail. Ils ont
refusé de me la donner. Je suis allé voir
l’ingénieur en chef et je suis parti à Bercy
voir le Conseil de Prévoyance qui a
téléphoné au chef de Fontenay sous Bois. Mon
chef m’a remis les papiers d’accident de travail le 4
avril 1990 et j’ai été voir le docteur N. qui
m’a donné un arrêt de travail. J’ai repris
mon travail le 14 avril 1990, sur une enrubanneuse, toujours sans
aucune protection.

Quelques années après, on a eu des
petites hottes qui n’aspiraient pas très bien. Une
bonne partie des vapeurs d’alcool et de solvant passait
toujours par le nez et par la bouche et partait dans tout
l’atelier. J’ai fait des bobines d’inducteurs et
je n’ai jamais eu de protection. On devait faire des essais
de masques en caoutchouc, mais comme ça ne convenait pas, on
n’en a plus jamais entendu parlé. Monsieur B. qui
était directeur est venu en 1989 aux ateliers du bobinage.
Je lui ai montré avec quelle merde de ruban samica je
travaillais pour l’enrubannage des GLM 300. Il m’a
demandé qui commandait ces isolants. Je lui ai dit que
c’était mes chefs et, depuis ce jour-là, ils ne
pouvaient plus me voir car je demandais l’amélioration
des différents postes où je travaillais.

Le 30 janvier 1993, j’ai envoyé une
lettre au Président Directeur Général de la
RATP. Cette lettre était pour discuter des problèmes
du bobinage de Fontenay sous Bois. J’attends toujours
l’entretien avec mon employeur, la RATP. Je suis en retraite
depuis le 1er juillet 1993 et je n’ai jamais eu de
réponse.

Je signale que je n’ai jamais eu, de la part de
mes chefs au bobinage, de fiches ou de feuilles de travail. Les
ordres étaient donnés de façon verbale. Si
j’avais eu des ordres écrits, je les aurais
gardés.

Je tiens à donner les noms de mes
collègues de travail dans le nouveau bobinage.
Jusqu’à mon départ à la retraite,
messieurs G., W., T., R., D., S., B., S., R., M., R., P., L., M.,
S., R., G., T., L., S., P., B., D., P., M., G.,. G. et
d’autres personnes dont je ne me rappelle plus le nom.

Si mes chefs directs (au vieux et au nouveau
bobinage) m’avaient écouté pour
l’amélioration des postes de travail, il n’y
aurait pas autant de malades de l’amiante à la RATP.
Je suis aujourd’hui atteint de plaques pleurales. Mon
employeur, la RATP, est responsable d’avoir souillé
mon corps et mon être avec l’amiante. Mon employeur ne
m’a jamais dit le danger de ce produit. Sachant que
j’avais quelque chose sur la plèvre, le corps
médical de la RATP ne m’a jamais fait passer de
scanner alors qu’en 1976 et 1988, les plaques pleurales se
voyaient sur mes radios thoraciques.

Salomon S.

"De l’amiante en feuille et en poudre ..."

Je certifie que monsieur S. Salomon a
travaillé avec moi à l’atelier de bobinage de
la RATP de Fontenay s/s Bois de 1970 jusqu’à ma
retraite. Nous avons travaillé dans la fumée en
utilisant de l’amiante en feuilles et en poudre.

Henri T.

"Nous ne disposions pas de masques à amiante..."

Je suis arrivé à Fontenay s/s Bois,
début 1975, comme électricien-ajusteur, dans
l’équipe bobinage où travaillait monsieur S.
comme bobineur. A son poste de travail, il formait et enrubannait
des sections avec du ruban mica pour le type d’induits GLM
300. A proximité, des agents bobinaient des induits
auxiliaires du type WD3, CP78, etc. Ces induits étaient
isolés avec de l’amiante. Nous ne disposions pas de
masque à amiante. D’autres démontaient des
induits à l’aide de chalumeaux, dans le local de
décorticage, mal ventilé. Ce qui provoquait des
odeurs de fumées dans l’atelier. Monsieur S.
étamait les bouts des sections dans des bains
d’étain et coupait des plaques d’amiante au
massicot, plaques d’amiante supprimées vers 1977.

Bernard G.

"Dans les moteurs, des morceaux d’amiante en coupe et en poudre..."

Je certifie avoir travaillé avec monsieur
Salomon S. dans le vieux bobinage de Fontenay s/s Bois - avant son
déménagement fin 1973 - où étaient
confectionnés des moteurs du Sprague et des moteurs "D2"
"D3" que monsieur S. démontait et refaisait à neuf.
Dans les moteurs il y avait des morceaux d’amiante en coupe
et en poudre. Les conditions de travail étaient
précaires et nous inhalions des poussières
d’amiante, de mica, de vernis et de solvants. Il n’y
avait pas de protections respiratoires individuelles et
collectives. Notre employeur, la RATP, ne nous a jamais
informés sur les risques encourus pour la santé du
personnel. Nous marchions sur les déchets d’amiante et
les bobineurs soufflaient les moteurs dans l’atelier,
à côté des autres ouvriers. Il y avait
également de la poussière d’amiante sur les
établis et nous respirions toute cette atmosphère
viciée toute la journée. Quand on demandait à
notre chef, monsieur M., des mesures de protection respiratoire, il
nous répondait que la direction de la RATP ne voulait pas
faire de travaux car il allait y avoir un nouveau bobinage.

Dans le nouveau bobinage, on était
enfumé sans aucune protection individuelle ou collective.
Monsieur S. faisait de l’étamage pour les GLM 300 et
il n’y avait pas de hotte aspirante. Il respirait des vapeurs
d’étain et d’acide, il faisait aussi des
inducteurs pour gros moteurs. Je suis parti du bobinage vers
1976.

Maurice G.

"Pas de protections individuelles ou collectives..."

En tant qu’employé à la section
bobinage de l’atelier RATP de Fontenay s/s Bois de 1972
à 1976, j’atteste que monsieur S. a travaillé
dans de très mauvaises conditions puisqu’il
n’existait pas de protection individuelle ou collective
capable de garantir hygiène et sécurité de
manière fiable et efficace. Alors que la RATP taisait les
dangers encourus, il utilisait des matériaux dangereux
contenant amiante, mica, fibres de verre et subissait
également des émanations de fumées et vapeurs
nocives : démontage au chalumeau, étamage, vernis,
solvants, etc.

Jean-Claude R.

"Nous profitions des fumées, poussières d’amiante, de mica, de fibres de verre..."

Je certifie avoir travaillé avec monsieur S.
Salomon dans l’atelier du nouveau bobinage à Fontenay
où nous utilisions de l’amiante en feuille et en
poudre avec du vernis. Dans le démontage, nous
brûlions les moteurs pour les démonter et nous
"profitions" des fumées, poussières d’amiante,
de mica et de fibres de verre.

Depuis 1995, peu de choses ont changé, il
n’y a plus d’amiante depuis cette date mais toujours
des fumées et des poussières de verre et de mica, de
porcelaine, etc.

Jean-Claude P.

"Nous utilisions ce produit en ignorant les dangers..."

Sur la demande de monsieur Salomon S., je
témoigne sur les conditions de travail que nous avions au
service Bobinage de la RATP situé rue JJ Rousseau à
Fontenay sous Bois.

En effet à cette époque,
l’amiante n’était pas connu produit
cancérigène et c’est toute la journée
que nous travaillions dans cette atmosphère.

Notre métier étant de rebobiner des
induits et de fabriquer des sections, l’amiante nous servait
dans tous les domaines où une isolation thermique devait
être.

C’est sous la forme de plaques, de ruban, de
poudre, etc. que nous utilisions ce produit en ignorant les dangers
relatifs à l’inhalation de celui-ci. Les protections
utilisées étaient inadaptées, quand protection
il y avait.

Je tiens à signaler le fait que de
manière à ce que les collègues touchés
par cette maladie puissent réclamer leurs droits et
être reconnus en maladie professionnelle.

Jean-Pierre P.

"les gros moteurs Sprague contenaient de l’amiante..."

Je suis témoin que monsieur S. Salomon
démontait au chalumeau les gros moteurs de Sprague qui
contenaient de l’amiante et qu’il a fait des moteurs et
démontait ses moteurs dehors, sans aérateur. Il
mettait une plaque d’amiante au mur de l’atelier pour
le protéger et respirait les fumées du
démontage de moteurs qui contenaient de l’amiante et
isolants. Au nouveau bobinage il se servait de plaques
d’amiante pour protéger le mur quand il faisait de
l’étain et les bobines inducteurs. On respirait toutes
les fumées et les poussières d’amiante.

Abel R.

"Des conditions déplorables..."

Je certifie que monsieur S. a bien travaillé,
comme moi-même, dans des conditions déplorables,
à savoir : amiante, fumée nocive, odeurs diverses,
poussières, fibres de verre, mica...

Bernard D.

"Les agents travaillaient sans masque..."

Je suis dans le centre de Flandre depuis le mois
d’octobre 1980, dans lequel j’effectuais les travaux de
peinture. J’ai donc bien connu le local où a
travaillé monsieur Aimé G., ainsi que d’autres
collègues. Dans ce local s’effectuait la rectification
des segments de frein, à l’aide d’une machine
rotative verticale à bande abrasive. Je me souviens de cet
endroit comme un lieu mal éclairé, exigu et
poussiéreux. A l’époque nous ne savions pas le
risque que l’amiante représentait pour nous. Les
agents travaillaient sans masque et, en fin de journée, ils
dépoussiéraient la machine à l’aide
d’un pinceau et balayaient leur zone de travail. J’ai
vu de nombreuses fois monsieur G. Aimé à ce
poste.

Michel M.

"La rectification des tambours de freins des bus..."

Je, soussigné monsieur Nestor D.,
rentré à la Régie en 1983, travaillais avec
Aimé de 83 à 96. Mon travail consistait à
effectuer la rectification des segments et tambours de freins des
bus durant la période 1987 jusqu’à 1991, en
remplacement au dépôt de Flandre. J’ai
remplacé monsieur G. Aimé à ce poste de
travail. Ce travail consistait à rectifier les tambours de
frein en acier et de dériveter les segments de frein,
à l’époque, amiantés ainsi que les
freins de parc dans un local fermé, sans hotte aspirante et
sans ouverture sur l’extérieur.

Le dérivetage des freins était
effectué à l’aide d’un burin pneumatique,
ce qui faisait énormément de poussière
d’amiante. A cette époque, on ne nous a jamais
donné de protection individuelle, ce qui fait qu’on en
avait partout, même sur les vêtements. Aucune
information sur les matériaux et sur les dangers encourus ne
nous a été donnée. En fin de journée,
on nettoyait le poste de travail et le local à l’aide
d’une soufflette d’air installée sur
l’établi pour nettoyer ce poste et on balayait la zone
de travail, ce qui faisait autant de poussières. Même
après le nettoyage, il y avait de la poussière sur
les murs et sur les meubles de rangement. Nous n’avons jamais
eu connaissance ni affichage des résultats d’analyse
d’air. Les pièces de frein amiantées
n’étaient jamais emballées et on les installait
dans les casiers.

De 1983 à 1997, je n’ai jamais
été suivi médicalement pour les radios
amiante, en dehors de la visite périodique visite annuelle
du travail). Ce n’est qu’à partir de 1997 que
l’on m’a indiqué que je devais passer la visite
annuelle plus la visite amiante.

Nestor D.

"Un coup de soufflette pour nettoyer le poste de travail..."

J’ai bien connu monsieur G. Aimé au
dépôt du Hainaut. Nous étions OS,
manoeuvres. Tous les matins, nous balayions les zones de
travail plus les annexes (fosses de travail), à sec. Je me
rappelle l’ancien tour qui était avec bande abrasive.
Le local n’était pas très grand. Les gens
ramassaient les rivets à la main et le soir nous donnions un
coup de soufflette pour nettoyer le poste de travail - qui
générait beaucoup de poussières - sans
protection car personne ne nous disait que c’était
dangereux (l’amiante). Vers 1997, nous avons eu des radios
plus poussées pour l’amiante. Avant, on passait une
radio tous les 2 ans. Aimé, je l’ai vu travailler aux
segments, je l’ai vu changer des roues qui avaient des
segments amiantés, sans aucune protection individuelle. Il
n’en existait pas.

André A.

"Nous n’étions pas informés de la présence de ce poison..."

Je certifie avoir vu monsieur G. Aimé
travailler au contact de l’amiante. Les conditions de travail
entre 1990 et 1998 étaient sans aucune protection. Nous
n’étions pas informés de la présence de
ce poison dans les différentes pièces du bus et tous
les ouvriers travaillant sur de l’amiante étaient au
contact direct avec les autres agents. Aucune mesure de
poussière d’amiante dans l’air n’a
été communiquée aux agents avant 1998.

Il arrivait fréquemment sur les segments de
frein SC10 et PR100, que nous soyons obligés de rectifier
les garnitures et de souffler les poussières dans les
tambours de roues pour pouvoir rentrer les tambours.

Les risques concernant l’amiante n’ont
été pris en compte réellement
qu’à partir de 1997, sur réclamations des
ouvriers, en entendant les méfaits de cette matière.
Ce n’est qu’à cette période que sont
apparues les tenues de protection individuelle.

Philippe R.

"Ni protection respiratoire, ni combinaison..."

J’ai eu l’honneur de connaître
monsieur Aimé G., de ma date d’entrée, le 18
juillet 1989, à son décès. Les divers travaux
qu’il faisait étaient les segments tambours, les roues
ainsi que la station service. Sur ce, j’atteste sur
l’honneur qu’à aucun moment notre encadrement
local ne nous a informés de la toxicité des produits
et matériaux et, hormis une paire de gants, nous
n’avons jamais eu ni protection respiratoire, ni
combinaison.

Stéphane C.

"Je balayais les poussières d’amiante..."

Je suis entré à la Régie
Autonome des Transports Parisiens le 26 novembre 1973 en
qualité d’ouvrier spécialisé au
dépôt du Hainaut. A l’époque, mon travail
consistait au nettoyage des bus (intérieur-extérieur)
et à l’entretien du centre. Ainsi,
jusqu’à mon départ à
l’armée au mois de décembre 1974, et de janvier
1976 au mois de juin 1976. Je balayais les fosses de travail
à l’atelier. Les sols des fosses de travail
étaient constitués de cales de bois inégales,
ce qui obligeait à insister dans les endroits les plus
profonds à l’aide d’un balai. Nous
n’avions aucune protection individuelle, hormis notre bleu de
travail. Et pourtant, je l’ai appris bien plus tard, je
balayais également des poussières
d’amiante.

Les bus étaient de marque SAVIEM, BERLIET,
RENAULT de type PGR. Ils contenaient de l’amiante notamment
les systèmes de freinage et de calorifugeage.

Je travaillais également au lessivage des
châssis de bus. Cette opération très salissante
nous projetait des boues sur les vêtements et nous
étions obligés de nous changer souvent.
L’atelier n’était pas séparé du
reste du hall de remisage, ce qui, lors de la mise en route et des
déplacements des bus, générait
énormément de poussières et de gaz
d’échappement qui s’évacuaient petit
à petit par des lanterneaux. Ce dépôt
était situé rue du Hainaut, dans le
19 ème arrondissement de Paris et implanté
dans une zone fortement urbanisée. Les rejets de
poussières d’amiante et de gaz
d’échappement n’étaient pas
traités. Par conséquent, ils
s’évacuaient dans l’atmosphère, à
même les fenêtres des habitations.

A l’atelier, il y avait un poste
particulièrement exposé aux poussières
d’amiante. Il n’était pas isolé, mais
ouvert sur tout l’atelier. Ce poste, c’était la
rectification des segments de freins. La machine à rectifier
était dotée d’une bande abrasive en toile
émeri. L’agent qui était en poste prenait les
segments de freins à base d’amiante et venait les
appliquer contre la bande abrasive, son visage n’étant
qu’à quelques centimètres de la pièce.
Je puis certifier qu’à l’époque, il
n’avait aucune protection respiratoire (pourquoi se serait-il
protégé, dès lors qu’il n’avait
pas connaissance des dangers que pouvait représenter
l’amiante ?). Cette opération provoquait
énormément de poussières, à la fois sur
la machine, le sol, les vêtements... Il n’existait
aucune extraction mécanique et aucun système de
captage des poussières sur la machine, pas plus dans
l’atelier. J’ai appris bien plus tard que ce
collègue, monsieur René B., était
décédé en 1988 d’un cancer
broncho-pulmonaire. Je l’ai appris par la bouche même
de son frère, monsieur Moïse B., agent RATP reconnu en
décembre 2000 en maladie professionnelle due à
l’amiante. Il est décédé lui aussi
d’un cancer broncho-pulmonaire, le 27 janvier 2001.

L’atelier du Hainaut ne disposant pas de locaux
sociaux, nous étions nombreux à demeurer dans
l’atelier, ce qui a contribué grandement à
l’exposition de l’ensemble des salariés (de
l’ouvrier spécialisé au gradé),
y-compris les conducteurs de bus qui venaient chercher leurs
véhicules. Ce dépôt n’existe plus, il a
été détruit.

En juin 1976, à la suite d’un concours,
j’ai été muté au centre de Pleyel,
à Saint-Denis, en qualité d’ouvrier
qualifié stagiaire. Mon travail consistait à de la
mécanique sur les bus. Au tout début,
j’étais en " double " avec un formateur, un
collègue de travail plus âgé qui
m’apprenait mes tâches. J’ai appris par la suite
que celui-ci, monsieur André D., aujourd’hui
retraité, a été reconnu victime de
l’amiante. Il est atteint d’asbestose avec un taux
d’IPP de 30%. Mon poste de travail était
particulièrement exposé puisqu’il impliquait,
entre autres, une dépose et repose complète des
systèmes de freinage des bus.

Le parc d’autobus était composé
de PGR et de bus de marque RENAULT SC 10, toujours en service en
2001. Aujourd’hui, je sais que ces systèmes de
freinage étaient en amiante (je ne le savais pas en 1976).
Il existait de l’amiante dans les freins (freins de service
et freins de parc), dans la plupart des joints (joints de culasse,
joints d’échappement, joints de paliers...), dans
les gaines de chauffage et surtout dans les calorifugeages de tubes
d’échappement.

J’ai travaillé sur fosses à
Pleyel jusqu’en 1987, lorsqu’on manipulait de
l’amiante ; jamais on ne m’a informé des
dangers que cela représentait. Jamais on ne m’a
proposé de protections individuelles, jamais de masque
respiratoire (la RATP serait d’ailleurs bien en peine de
fournir des factures d’achat de protections individuelles),
il n’y en avait pas à la disposition des
salariés. J’affirme qu’à cette
époque, et jusqu’en 1997, jamais un seul agent RATP
des ateliers n’en a porté.

A Pleyel, il y avait également une machine
à rectifier les segments qui fonctionnait dans les
mêmes conditions qu’au Hainaut, dans l’atelier.
Idem pour les conditions de travail des ouvriers
spécialisés et ouvriers qualifiés. Ceci est
valable pour l’ensemble des dépôts de bus ;
Asnières, Aubervilliers, Belliard, Charlebourg,
Créteil, Croix-Nivert, Flandre, Fontenay aux Roses, Ivry,
Lagny, Lebrun, Lilas, Malakoff, Maltournée, Montrouge,
Nanterre, Pavillons sous Bois, Pleyel, Point du Jour, Saint-Denis,
Saint-Maur, Thiais et ceux qui ont fermé ; Hainaut,
Malsherbes, Puteaux, Le Raincy, qui fonctionnaient de la même
manière.

Les matériaux amiantés
n’étaient pas étiquetés comme tels et
n’étaient jamais protégés. Je
travaillais dans les tours de roues. Il y avait plein de terre
accumulée et il fallait nettoyer l’intérieur
après avoir démonté les roues pour commencer
à travailler. Cela provoquait énormément de
poussières. Ensuite, on enlevait les tambours de roues. On
avait accès aux segments de freins quand on extrayait les
tambours. On respirait la poussière d’amiante qui se
dégageait. Après le travail, on mouchait dans des
chiffons et on se faisait la remarque de tout le " noir "
qui se déposait.

En 1976, tout le personnel ouvrier (2 800
salariés) du département MRB (à
l’époque RT - RM) n’était pas
classé " suivi amiante ". Nous n’avions pas
de visite médicale particulière : radiographie
face-profil des poumons ainsi que des explorations fonctionnelles
respiratoires. Ce n’est que bien plus tard que cette question
a été résolue (en 1995).

Notre travail de mécanicien nous amenait
également à réaliser les changements de joints
de culasse des bus (joints en amiante). Nous étions
obligés de gratter, à l’aide d’un
grattoir, les joints collés sur le bloc moteur et les
culasses. Nous travaillions sous les véhicules.
L’amiante nous tombait sur le visage sans que nous puissions
nous protéger.

Un autre travail extrêmement polluant
consistait au remplacement des tubes d’échappement des
bus. Ceux-ci mesuraient environ 2 mètres. Ils étaient
gainés en amiante (nous l’avons appris en 1995). Cet
amiante était particulièrement délabré
et partait en lambeaux du fait de la chaleur dégagée,
des conditions de fonctionnement du bus, notamment quant ils
étaient gorgés d’eau. Pour cette
opération de démontage des tubes, nous étions
deux ouvriers car l’accès était
extrêmement difficile. A chaque mouvement le tube touchait le
châssis du bus et dégageait des poussières et
des lambeaux d’amiante. Nous respirions cette
poussière à pleins poumons. A la fin des travaux, un
collègue balayait la zone de travail. Lui non plus
n’avait pas masque.

Une autre intervention consistait à changer
l’embrayage des bus (amianté). Pas d’information
particulière concernant l’amiante contenu dans les
disques d’embrayage. Du fait de leur friction, ils
généraient de la poussière que nous enlevions
à l’aide d’un chiffon (toujours sans
masque).

Nous changions aussi les garnitures de frein de parc
(également en amiante) sans aucune protection individuelle
ni information sur la dangerosité des matériaux.

En 1987, je quitte le centre de Pleyel pour
intégrer celui de Pavillons sous Bois, en qualité de
mécanicien d’entretien, jusqu’à ce
jour.

J’ai poursuivi mon activité, j’ai
toujours été affecté aux travaux les plus
salissants et en contact avec l’amiante (certainement du fait
de mon activité syndicale).

Je suis intervenu sur l’amiante sans aucune
protection lors du remontage de segments amiantés sur ordre
de ma hiérarchie. Nous faisions une amorce à la toile
émeri. Nous avions le visage à 50 centimètres
des segments et nous soufflions dessus. Jamais on ne nous a
correctement formés et informés sur les risques.

J’ai vu, et tous mes collègues peuvent
en témoigner, que pour commencer à travailler, des
copains (la plupart jeunes) grattaient tout
l’intérieur des tours de roues. J’ai vu tous les
collègues, au poste de rectification des segments de frein,
travailler au burin pneumatique pour enlever les rivets en cuivre
des segments et ensuite les récupérer dans les amas
de poussière à l’aide d’un tamis. Ils
passaient ensuite à la soufflette d’air
comprimé tout le poste de travail sans qu’aucun chef
n’y trouve à redire. Une soufflette d’air avait
même été adaptée spécialement
pour nettoyer le poste de travail.

En 1997, j’ai été affecté
à des travaux sur amiante (voir dossier ci-joint) et mon
encadrement m’a refusé l’attribution de
protections individuelles. J’ai utilisé mon droit de
retrait suivi d’un droit d’alerte du CHSCT de MRB. A
l’époque on m’a refusé ces protections
pour deux motifs : Premièrement, le coût (environ
20 francs l’unité) et deuxièmement, le
fait que cela allait entraîner une perte de temps dans
l’activité (voir le procès-verbal du
CHSCT).

Un constat ; c’est à la suite de ce
dossier que sont apparues à MRB les notices de montage et
démontage des organes amiantés.

Philippe D.

"Nous utilisions l’amiante à mains nues..."

Je suis rentré à l’atelier
central de Championnet en septembre 1973 en qualité de
mécanicien en carrosserie automobile. A cette époque,
notre première mission était de transformer les
autobus équipés avec deux postes (machiniste et
receveur) en un seul poste (celui de machiniste).

Nous utilisions de l’amiante en plaques et en
filin pour plusieurs phases de travail. Dans le cadre de la
réparation, l’amiante en filin était un
" produit miracle " pour lequel je n’avais jamais
eu d’information sur ses caractéristiques techniques
qui nous permettait de l’utiliser dans de nombreuses
circonstances : isolement des pièces de la chaleur,
bourrage d’orifices, nivellement...

Ce matériau n’existait pas dans la
formation que j’ai reçu à l’école
d’apprentissage par contre il était utilisé
comme " matière à tout faire ".
Exemple : colle + filin d’amiante pour fixer les vis
type " Parker ".

Quand j’ai travaillé comme carrossier
puis électricité des capots des autobus type APVU
l’amiante en plaque servait à isoler le capot qui
était à la droite du machiniste et sur lequel
s’appuyaient de nombreux voyageurs dans les cas
d’affluence ; c’est pour cela que nous les
isolions.

Le filin d’amiante nous servait aussi à
faire des " pansements " ; pots
d’échappement, durits, joints, etc.

Nous l’utilisions à mains nues, nous
l’effritions au besoin des réparations sans en
connaître les conséquences ni la prévention
qu’il aurait fallu puisque nous n’avions aucune
information.

J’ai ensuite travaillé comme
électricien à l’équipe K93. Nous
essayions des démarreurs au banc d’essai pour
connaître le couple, ce qui demandait une usure de la bague
de freinage qui était en amiante.

Les poussières provoquées par cette
manipulation se retrouvaient sur les organes, dans les caisses de
stockage. Après nos interventions sur le bus, quand je
travaillais au dépôt de Puteaux, je peux affirmer
qu’après nos réparations et manipulations, nous
ne prenions pas les précautions de nettoyer les
débris d’amiante qui se trouvaient autour du poste des
machinistes. Les machinistes prenaient leur service souvent dans le
dépôt, sur le bus qui venait d’être remis
en état de fonctionnement.

Bernard C.