Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Prévention du risque amiante

18 mai 2018

- L’amiante détruit par des bactéries
- FREIX (Bonnetable) : Prison ferme pour un employeur irresponsable
- SAINT-BRIEUC : un an de prison avec sursis
- Dangereuses petites annonces : Plaques d’amiante-ciment en vente sur « Le Bon coin »
- Désamiantage d’une école à Noyon : L’Ardeva Picardie s’inquiète
- Les inspecteurs du travail à la rue
- L’Andeva rencontre la Direction générale du Travail
- Le désamiantage en chiffres
- Une « mer de déchets » dans les Yvelines
- Décharges sauvages : L’Adeva 72 sonne l’alerte
- ENDEL/ENGIE (Haute-Normandie) : Une victoire du CHSCT


Strasbourg : L’amiante détruit par des bactéries ?

Des chercheurs de l’université de Strasbourg ont travaillé sur un procédé « bio » inédit de destruction de l’amiante.

L’idée de base est d’attaquer la structure de l’amiante, avec des bactéries, qui en retirent le fer et le magnésium, produisant ainsi un déchet non toxique pouvant être traité comme dans une station d’épuration.

Leurs travaux avaient obtenu un financement public dans le cadre du « Plan Recherche et Développement Amiante ».

Ces recherches ont été menées en laboratoire avec des éprouvettes. Les deux chercheurs espèrent passer au stade du développement, avec des essais en réacteur de 5 kilos.

Il est encore trop tôt pour dire si ce procédé pourra être industrialisé. Si tel était le cas, il pourrait offrir une alternative à d’autres procédés tels que l’enfouissement (qui ne supprime pas les effets cancérogènes du matériau), la torche à plasma (qui a l’avantage de transformer l’amiante en matériau inerte, mais avec un coût et une concommation d’énergie importants) ou l’immersion prolongée dans un bain d’acide fort (qui implique une maîtrise du risque chimique).


FREIX (Bonnetable) : Prison ferme pour un employeur irresponsable

L’Adeva 72 espère que cette condamnation dissuadera d’autres employeurs de mettre en danger la vie de leurs salariés.

Le tribunal correctionnel du Mans a condamné l’ancien directeur à un an de prison dont six mois avec sursis ainsi qu’à une amende de 4 000 euros pour mise en danger de la vie d’autrui et infraction à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité au travail.

18 ex-salariés recevront chacun entre 500 et 1 500 euros de dommages et intérêts.

Freix était spécialisée dans les organes de friction (freins, embrayages).

En 2015, un salarié avait exercé son droit de retrait, s’estimant en situation de danger grave et imminent. Entre mai 2013 et mai 2016, date de la fermeture 18 salariés avaient été exposés à l’amiante, notamment au sein de l’atelier de dégarnissage.

A l’audience, le prévenu avait plaidé l’ignorance, prétendant qu’il ne savait pas et que - s’il avait su - il n’aurait « jamais envoyé ses ouvriers au casse-pipe. »
Dans ce dossier l’Adeva 72 et l’Andeva s’étaient portées parties civiles. Leur intervention a été jugée recevable.

Les associations régionales du Grand Ouest affiliées à l’Andeva et l’Adeva Centre s’étaient mobilisées pour les audiences.



SAINT-BRIEUC : un an de prison avec sursis

En janvier 2018, le tribunal correctionnel a sanctionné le patron d’une entreprise du BTP qui avait engagé plusieurs chantiers de désamiantage, dont ceux du centre Curie à Saint-Brieuc, sans avoir de certification.

Il avait d’abord obtenu une « pré-certification » fin 2014, mais la certification définitive lui avait finalement été refusée, suite au constat d’une kyrielle de graves anomalies par l’inspection du travail.

Malgré cela, le patron avait poursuivi les chantiers de désamiantage, l’entreprise continuant sans vergogne à se présenter comme un désamianteur patenté.
Des poursuites avaient alors été engagées contre lui pour « activités frauduleuses de désamiantage ».

A l’audience, le procureur a dénoncé un « comportement qui méprise l’intégrité humaine et la santé physique ».

L’avocat du prévenu a tenté de sauver les meubles en plaidant la bonne foi du prévenu.

Le patron a été condamné à 4000 euros d’amende (dont 2000 euros avec sursis) auxquels s’ajoute un an de prison avec sursis.

Les magistrats lui ont interdit d’exercer une activité de désamiantage pendant cinq ans.

L’entreprise est en redressement judiciaire depuis 2016.


Dangereuses petites annonces : Plaques d’amiante-ciment en vente sur « Le Bon coin »

L’Adeva Cherbourg et l’Aldeva Condé-Flers sont intervenues pour faire retirer ces annonces.

Tout se vend sur le site leboncoin.com. Tout, y compris des articles en amiante-ciment, 22 ans après l’interdiction ! Faites donc une recherche avec le mot « fibrociment » !...

« Je suis intervenu plusieurs fois, dit Pascal Canu, président de l’Adeva Cherbourg.

J’ai signalé que ce type d’annonce était frauduleux. J’ai rappelé que l’amiante fait énormément de malades et de familles endeuillées et que que la vente de matériaux contenant de l’amiante est interdite depuis 1997.

Ces plaques de fibrociment ne devraient plus être vendues, même de particulier à particulier. Leur seule destination possible, c’est désormais la déchetterie.

Les annonces ont été rapidement retirées... Il faudrait étendre cette démarche au plan national, y compris pour d’autres sites de vente par Internet. »

Jean-Claude Barbé, de l’Aldeva Condé-Flers, est lui aussi intervenu plusieurs fois avec succès auprès du « Bon coin ».

Comment en avoir le coeur net ?

« On peut savoir si une plaque de toiture contient de l’amiante, à quelle date et où elle a été fabriquée, explique Jean-François Borde qui a travaillé dans l’usine Eternit de Vitry-en-Charollais. Tout cela figure dans un code gravé sur la plaque. S’il y a la mention « NT » (nouvelle technologie) c’est une plaque sans amiante. »


Désamiantage d’une école à Noyon : L’Ardeva Picardie s’inquiète

A Noyon, deux écoles du centre ville (Weissenburger et Saint-Exupéry) doivent être désamiantées avant d’être démolies.

Marcel Lagant, le président de l’Ardevap, a pris les devant en écrivant au préfet de l’Oise, à l’inspection du travail, à l’inspection académique et à la maîrie de Noyon, maître d’ouvrage du chantier au nom de tous les membres de l’association frappés par l’amiante : « Nous sommes forcément inquiets pour les enfants, les enseignants et les habitants des maisons alentours. On veut s’assurer qu’un confinement hermétique et un système adéquat d’aspiration seront mis en place, car les particules peuvent facilement s’envoler.

Une maladie peut se déclarer 40 ans après. Ces problèmes-là, c’est notre boulot de bénévoles. Notre démarche n’est pas une attaque à l’encontre des autorités, mais une proposition d’aide par la prévention. »

Marcel Lagant propose d’envoyer un spécialiste de Ardevap sur le chantier pour vérifier les mesures de prévention et faire éventuellement des propositions.


Cité administrative de Rouen : La sous-préfecture dans le déni du danger

2880 fenêtres de la Cité administrative ont des joints amiantés. La plupart sont dégradés et tombent en morceaux.

Une affichette résume les consignes :
« Le mastic vitrier des fenêtres de ce bureau contient de l’amiante. Ne pas ouvrir les fenêtres, ne pas manipuler d’objet sur les rebords des fenêtres, ne pas intervenir sur les surfaces vitrées, ne pas toucher,
ne pas gratter les joints vitriers.
 »

L’intersyndicale a informé les salariés et interpellé les pouvoirs publics
(qui sont informés depuis 2013 !).

« Il y a de l’amiante, mais il n’y a pas de problème d’amiante, car il n’y a pas de fibres dans l’air.  » a dit Yvan Cordier, secrétaire général de la Préfecture.


Les inspecteurs du travail à la rue !

Le 23 février, les 48 agents de la Direccte (1) des Côtes-d’Armor ont quitté leurs locaux dont les joints de fenêtre amiantés s’effritaient.

Début avril, ils étaient toujours sans bureaux fixes ! Ils ont manifesté devant la préfecture pour alerter l’opinion publique sur une situation ubuesque, préjudiciable aux salariés.

La plupart font du télétravail chez eux, mais ne peuvent recevoir le public et ne peuvent plus accéder à leurs dossiers.

Des travaux d’encapsulage des joints auraient dû être effectués dans un délai d’un mois. Mais l’État n’a voulu débloqué les fonds nécessaires.

(1) Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.


L’Andeva rencontre la Direction générale du Travail

Dans la délégation de l’Andeva étaient présents des enseignants de trois établissements scolaires en lutte contre l’amiante ainsi que des représentants d’associations affiliées à l’Andeva : Adeva Cherbourg, Addeva 44, Aldeva Condé-Flers et Addeva 93.

Bilan et perspectives

Madame Sylvie Lesterpt a présenté un bilan des évolutions réglementaires et des projets jusqu’en 2020 (1). Elle a notamment abordé :
- le passage de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 100 fibres à 10 fibres par litre d’air (f/l) sur 8 heures,
- la définition de trois niveaux d’empoussièrement (100, 6000 et 25 000 f/l),
- la prise en compte des fibres fines d’amiante,
- l’extension de la certification aux entreprises intervenant au contact de l’amiante en place,
- la montée en charge de la base Scol@miante 2 de l’INRS (plus fiable que la base Evalutil) qui collecte les résultats de mesures d’empoussièrement.
- la dématérialisation des plans de retrait,
- une commission d’évaluation des innovations techniques pour la détection et le traitement de l’amiante (Cevalia) 3 apportant une aide publique à des projets de recherche et de développement concernant la prévention du risque amiante. Certaines de ces recherches portent notamment sur des outils d’analyse en temps réel de
l’empoussièrement en fibres d’amiante dans l’air, sur les procédés d’inertage de l’amiante et sur la robotisation d’opérations de désamiantage.

Madame Lesterpt présenta aussi les grandes lignes du plan d’action interministériel 2016-2018, commun aux champs travail, santé, environnement et logement.

Il prévoit notamment :
-  un portail interministériel internet dédié à l’amiante4,
-  trois diplomes professionnels pour le désamiantage (CAP, Bac pro, Agent technique),
-  des campagnes de mesures d’empoussièrement,
-  l’élargissement du dispositif d’arrêt de chantier par l’inspection du travail
- des notes d’interprétation de la réglementation.

Les problèmes posés par l’Andeva

La délégation de l’Andeva a salué ces évolutions, mais elle a souligné la nécessité d’un contrôle de la mise en oeuvre effective de la réglementation.

Les enseignants présents ont évoqué la difficulté à obtenir les dossiers techniques amiante (DTA), les erreurs et les incohérences relevés dans ces documents et le non respect des normes pour la réalisation des mesures d’empoussièrement.

La DGT a dit que certains problèmes relevaient principalement du ministère du Logement.

L’Andeva estime que les sanctions doivent être dissuasives. Des condamnations exemplaires ont été prononcées récemment pour mise en danger d’autrui. Les diagnostiqueurs ou les désamianteurs défaillants devraient savoir qu’ils risquent un retrait d’agrément.

Elle a souligné que les artisans étaient une population à la fois fortement exposée et fort peu sensibilisée au risque amiante, en demandant qu’un travail spécifique soit fait auprès d’eux.

1) Voir le site de la DGT : http://www.global-certification.fr/UserFiles/File/of-amiante-7juillet2017.pdf
2) scolamiante.inrs.fr
3) cevalia.fr
4) https://www.toutsurlenvironnement.fr/amiante


Le désamiantage en chiffres

Il y a aujourd’hui 1 083 entreprises de désamiantage et traitement certifiées contre (350 avant 2012)

Le désamiantage (« sous-section 3 ») occupe environ 35 000 salariés, contre 2 millions pour les interventions au contact de l’amiante en place (« sous-section 4 »).

180 organismes sont accrédités pour le contrôle de l’empoussièrement, disposant d’environ 250 microscopes électroniques (contre 20 en 2012).

En 2015, 25 000 opérations de retrait ou d’encapsulage d’amiante ont été déclarées à l’inspection du travail. Près de 130 000 tonnes de matériaux amiantés (MCA) ont été retirées.

80 % des chantiers déclarés concernent des immeubles bâtis, 12 % des installations industrielles, 5 % des travaux sur des canalisations de génie civil.

80 % des chantiers concernaient des matériaux en amiante-ciment, 23 % des plâtres, flocages et peintures, 1 % des enrobés routiers.


- Une « mer de déchets » dans les Yvelines

A Carrière-sous-Poissy, sur 330 hectares d’anciennes terres agricoles, s’est installée une immense décharge illégale. En quelques mois, 8000 tonnes de déchets se sont accumulés : . Des riverains ont décidé de porter plainte contre X et contre l’État.

Les riverains dégoûtés

Ici s’étendaient des parcelles maraîchères avec des légumes et des arbres fruitiers. Ces terres ont été polluées au plomb par des eaux usées arrivant de Paris. En 2000, la préfecture a interdit la culture et la vente de légumes. Puis le terrain a été occupé par des Roms qui ont été expulsés.

Aujourd’hui, le spectacle est hallucinant : une mer de déchets avec des gravats, des tôles, de vieux matelas, des plaques d’amiante-ciment...

La facture du nettoyage est estimée à au moins un million d’euros. Qui va payer ?

L’association Rives de Seine nature environnement (RSNE) a lancé deux procédures judiciaires : une plainte contre X au pénal et un recours contre l’État devant le tribunal administratif. Elle demande que le site soit clôturé et que l’accès aux déchetteries soit gratuit pour les artisans afin d’éviter des dépôts sauvages ailleurs.


Décharges sauvages : L’Adeva 72 sonne l’alerte

L’association a dit son inquiétude face à la multiplication des dépôts sauvages de déchets amiantés autour du Mans.

Depuis un an, les particuliers ne peuvent plus déposer gratuitement leurs plaques d’amiante à la déchetterie de la Chauvinière. C’est désormais l’entreprise privée Colas à Champagné qui collecte ces déchets, moyennant finance.

« ça change tout, dit Sonia Hertz, la présidente de l’Adeva 72. C’est 10 à 15 euros par plaque d’amiante. Plutôt que de sortir le porte-monnaie, certains préfèrent laisser ces déchets dans la nature  ».

Ces dépôts sauvages sont passibles d’une amende de 1500 euros.

L’Adeva 72 demande à l’agglomération Le Mans Métropole de prendre à sa charge une partie du coût de la collecte pour éviter ces dépôts sauvages. Elle lui demande aussi de rappeler aux particuliers qui transportent des plaques en amiante-ciment dans leur voiture qu’elles doivent être mises dans sacs étanches pour éviter l’envol des fibres pendant le transport et la contamination du véhicule.


ENDEL/ENGIE (Haute-Normandie) : Une victoire du CHSCT

Le 17 janvier, la cour d’appel de Rouen a enjoint Endel/Engie :

- d’établir des fiches d’exposition individuelles aux agents cancérogènes, mutagènes et toxiques la reproduction (CMR),
- de remettre les fiches non nominatives correspondantes au CHSCT, sous astreinte de 2 000 euros par infraction, passé un délai de trois mois,
- de faire des fiches d’exposition pour les 26 salariés de Lillebonne sur les rayonnements ionisants.

La CGT souligne l’importance de cette victoire qui permet :
-  « de tracer les expositions aux CMR »,
- « de créer la mémoire dans le dossier médical et de permettre une prise en charge des malades à venir par les soignants  »,
- de mettre un éventuel préjudice financier « à la charge de la branche AT-MP de la Sécurité sociale financée par les employeurs »,
- de bénéficier d’un suivi post-exposition et post-professionnel gratuits, de faire reconnaître leurs maladies et de demander le bénéfice de la faute inexcusable,

« Elle obligera l’employeur à faire de la prévention ».


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva No57