Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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LA MISSION AMIANTE DE L’ASSEMBLà‰E

8 février 2007

Elle propose 51 mesures. Certaines sont excellentes, d’autres sont inquiétantes. Seront-elles mises en oeuvre ?



- Pourquoi une mission amiante ?
- Prévention : Des propositions très avancées pour améliorer la réglementation
- Indemnisation : Quelques améliorations proposées, un refus de la réparation intégrale des préjudices
- Acaata : Relever l’allocation pour les bas salaires
- Faute inexcusable de l’employeur : La supprimer ? Ce serait spolier les victimes
- Suivi Médical : Le scanner comme examen de référence
- Loi Fauchon : Respecter et améliorer la législation
- International : Législation européenne, interdiction mondiale
- Qui veut réhabiliter le CPA ?


POURQUOI UNE MISSION AMIANTE ?

Dix ans après le début du scandale de l’air contaminé, les rapports des missions amiante du Sénat et de l’Assemblée étaient très attendus.

Le premier a le mérite de dresser un bilan accablant des carences des pouvoirs publics : (« l’Etat a été anesthésié par le lobby de l’amiante ») et d’indiquer que des fautes pénales ont été commises. Il présente cependant de sévères lacunes et persiste à justifier la loi calamiteuse du sénateur Fauchon.

Le second considère avec une certaine indulgence les fautes passées des industriels et des pouvoirs publics. Mais il a le mérite de faire 51 propositions.

Beaucoup sont intéressantes, notamment en matière de prévention. D’autres sont discutables, voire très inquiétantes comme celle de redéfinir la notion de faute inexcusable de l’employeur.

L’Andeva demande aux parlementaires de concrétiser la mise en oeuvre des propositions favorables aux victimes, tout en les avertissant qu’elle s’opposera à tout retour en arrière.


PRÉVENTION :
Des propositions très avancées

Les mesures concernant la prévention du risque amiante dans les bâtiments reprennent bon nombre de propositions faites dès 1998 par l’Andeva. et le Comité anti-amiante de Jussieu. On retiendra notamment :

- la création d’un registre centralisé de diagnostics amiante des bâtiments facilement accessible,

- la généralisation de l’obligation de certification à toute la chaîne des intervenants dans la gestion du risque amiante : laboratoires de contrôle, opérateurs chargés du repérage, maîtres d’œuvre, entreprises effectuant le retrait d’amiante (y compris le non friable),

- l’abaissement du seuil d’empoussièrement rendant obligatoire les travaux,

- la formation et la sensibilisation de l’ensemble des ouvriers du bâtiment,

- la création d’un label « amiante » pour les entreprises du bâtiment,

- le renforcement des sanctions pesant sur les propriétaires ou leurs maîtres d’oeuvre pour les contraindre à respecter les impératifs de sécurité

La mise en oeuvre de ces propositions constituerait une avancée majeure dans la gestion du risque amiante. On doit aussi saluer l’objectif de faire de la santé au travail une priorité de santé publique, avec des propositions visant à :

- renforcer les moyens de la recherche sur la santé au travail

- unifier l’expertise des risques professionnels sous la tutelle de l’Agence française de sécurité sanitaire, environnementale et du travail (AFSSET), en renforçant ses moyens,

- créer un service public de santé au travail, regroupant les médecins du travail et garantissant leur autonomie,

- améliorer l’évaluation des risques en entreprise et l’efficacité du contrôle de la réglementation censée protéger la santé des salariés.


INDEMNISATION :
Quelques améliorations proposées, un refus de la réparation intégrale des préjudices

Concernant l’indemnisation par le FIVA, le rapport avance plusieurs mesures positives :

- Réaliser une « amélioration du barème du Fiva »

- « Augmenter le nombre des juristes du FIVA pour lui permettre d’intenter un plus grand nombre de recours subrogatoires, dont l’objet est de faire reposer le plus possible la charge de l’indemnisation sur les responsables quand ils peuvent être identifiés. »

- « Préciser que le champ géographique du FIVA s’étend à la Nouvelle Calédonie »

En revanche le passage à la réparation intégrale pour l’ensemble des risques professionnels n’a pas été retenu par les députés.

Dans son préambule, le rapport indique pourtant que « le drame de l’amiante a révélé les insuffisances du régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) », en « renforçant la contestation des modalités de réparation forfaitaire des AT-MP car la mise en place du FIVA a assuré aux victimes de l’amiante, et à elles seules, une réparation intégrale ».

La mission amiante fait donc le constat d’une injustice. On sait en effet que la Sécurité sociale n’indemnise les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles autres que celles dues à l’amiante que de façon forfaitaire. Sauf à démontrer l’existence d’une faute inexcusable de leur employeur devant un tribunal, elles ne pourront être indemnisées ni de leur préjudice moral, ni de leur perte de qualité de vie.

Les membres de la mission amiante ont renoncé à corriger cette injustice pour des raisons uniquement budgétaires.


ACAATA :
Relever l’allocation pour les bas salaires

La mission a fait les préconisations suivantes :

- relever l’Allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (ACAATA) pour les bas salaires ;

- ouvrir le dispositif sous les mêmes conditions aux travailleurs de l’amiante employés en intérim ou en sous-traitance dans les établissements figurant déjà sur les listes,

- instaurer une réciprocité entre les différents régimes de façon à ce que chacun d’eux puisse opérer le cumul de toutes les périodes d’activité susceptibles d’ouvrir droit à une allocation, 

- étendre l’allocation aux fonctionnaires et agents non titulaires de la construction et réparation navales du Ministère de la défense,

- créer un mode d’accès permanent individualisé au FCAATA au profit des personnes qui ont été exposées à l’amiante à l’occasion de leur activité professionnelle et qui sont les plus susceptibles de développer des pathologies liées à l’amiante,

-  créer au niveau régional des commissions chargées de recevoir, pendant un délai d’un an, puis de les instruire, les demandes d’inscription sur les listes ouvrant droit au bénéfice du FCAATA de tout ou partie d’établissement,

- faire servir l’allocation par les Caisses régionales d’assurance maladie.


FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR :
La supprimer ? Ce serait spolier les victimes

La proposition 42 prévoit de « revenir à une immunité civile de principe pour les employeurs », et pour cela de supprimer purement et simplement la « faute inexcusable de l’employeur » dans le droit de la sécurité sociale, pour la remplacer par une « faute d’une particulière gravité », afin de « conserver la possibilité de poursuivre les employeurs vraiment fautifs » (sic) Si cette proposition devait être reprise ainsi dans les textes, sans le passage à la réparation intégrale de droit commun, cela reviendrait à faire annuler le bénéfice de l’évolution de la faute inexcusable de l’employeur, obtenu par les victimes de l’amiante dans la série d’arrêts historiques de la Cour de Cassation en février 2002.

Les associations préviennent qu’une telle régression sociale, qui constituerait une véritable spoliation des victimes, serait proprement inacceptable.

Ceux qui tenteraient de s’engager dans cette voie s’exposeraient à de très vives réactions.


SUIVI MEDICAL :
Le scanner comme examen de référence

La mission propose de « généraliser, dans le respect d’un protocole médical, le recours au scanner thoracique ». Elle propose un suivi médical des épouses, l’envoi de courriers à des populations exposées à l’amiante, une entrée « libre » dans le dispositif (sans avoir besoin de produire une attestation d’exposition signée par l’employeur) ainsi qu’un accompagnement psychologique.


LOI FAUCHON :
Respecter et améliorer la législation

Les parlementaires de la mission amiante proposent dans leur rapport de modifier la loi Fauchon sur les délits non intentionnels en « supprimant les mots « de façon manifestement délibérée » afin que la violation, en soi, d’une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement suffise à engager la responsabilité de l’auteur indirect du dommage ».
Cette proposition va dans le bon sens, mais reste très insuffisante pour ce qui concerne les délits touchant à la santé publique.
Les victimes de l’amiante ne peuvent qu’inviter les parlementaires à entreprendre un vrai travail en profondeur d’adaptation du Code pénal pour que celui-ci puisse jouer pleinement son rôle dans les affaires de santé et de sécurité sanitaire.


INTERNATIONAL :
Législation européenne

La mission propose de :

- supprimer la dérogation pour les diaphragmes des cellules d’électrolyse (production du chlore) ;

- appliquer les directives protégeant les salariés aux travailleurs indépendants,

- rendre obligatoire le repérage de l’amiante dans les bâtiments

- empêcher les entreprises européennes d’exporter vers les pays tiers des pratiques interdites dans l’Union européenne,

- développer une filière technologique française des navires en fin de vie,

Interdiction mondiale

Elle propose d’agir pour l’interdiction de l’amiante dans le monde entier.


QUI VEUT RÉHABILITER LE CPA ?

La mission indique que le Comité Permanent Amiante a «  souvent été présenté comme le lobby des industriels de l’amiante ». Elle ne nie pas que ces derniers « aient essayé d’utiliser le CPA pour faire valoir leurs intérêts », mais estime que le CPA « a contribué d’une certaine manière à l’information et à la mise en oeuvre de mesures concrètes destinées à minimiser les conséquences dramatiques de l’amiante ».
Surprenante appréciation pour tous ceux qui connaissent l’histoire de l’amiante en France.

Créé en 1982, le Comité Permanent Amiante se présentait comme une « structure informelle d’expertise ». Il regroupait des représentants des ministères, des industriels, des syndicalistes et des scientifiques. Mais il était financé par l’industrie de l’amiante et avait son siège 10, avenue de Messine à Paris, à l’adresse du C.E.S., un cabinet conseil membre de l’Association française de lobbying, qui coordonnait son activité (il s’est fait depuis une spécialité de « vendre » à l’opinion publique les bienfaits de divers polluants industriels : cadmium, plomb, chlore). Cela ne s’invente pas...

Le CPA n’était pas un outil indépendant de prévention. Il a servi les projets du patronat de l’amiante qui souhaitait prolonger l’utilisation de ce matériau cancérogène. Il a milité publiquement contre l’interdiction quand elle a été envisagée par la C.E. en 1991. Des syndicalistes, des scientifiques ont servi de caution à cette entreprise. Il faut en tirer les leçons, sans réécrire l’Histoire.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°19 (avril 2006)