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Intervention de Daniela DEGIOVANNI, cancérologue, Casale Monferrato (Italie)COLLOQUE ORGANISÉ PAR L’ANDEVA ET MESOCLIN, "Cancers de l’amiante : écrire l’avenir Intervention de Daniela DEGIOVANNI, cancérologue, Casale Monferrato (Italie)Intervention de Daniela Degiovanni Bonsoir à tous et merci à l’Andeva, qui nous a invités. Merci pour l’amitié, pour votre attention et votre patience, car nos interventions seront faites en italien et traduites. Le mésothéliome est un cancer caractérisé par des symptômes physiques et psychiques dès le début de la maladie. En raison de ces particularités, il peut en outre provoquer des troubles psychologiques d’adaptation tant chez les patients et chez leurs proches. C’est pourquoi il est important de faire face à un stade précoce à la souffrance physique et mentale avec les traitements les plus appropriés. Partant de cette évidence fondamentale, il importe de consacrer du temps et des compétences aux relations humaines. Les symptômes les plus fréquents sont la dyspnée et la douleur. La douleur thoracique est un symptôme complexe, qui peut être difficilement contrôlable même avec des doses massives d’antalgiques opioïdes. La fréquence et l’intensité de ces douleurs augmentent avec la progression de la maladie. La dyspnée est un symptôme grave, invalidant, qui augmente avec la progression de la maladie. C’est l’un des symptômes les plus difficiles à traiter. Il n’est quelquefois contrôlable que par la sédation profonde. Mais, nous l’avons dit, la souffrance provoquée par ce type de cancer n’est pas seulement physique ; elle envahit aussi les domaines sphère psychologique, sociale et spirituel. On peut définir ce type de souffrance comme une douleur totale. La souffrance psychologique se caractérise par une anxiété, une peur, des insomnies, des crises de panique. Dans notre petite ville où tout le monde se connaît et où l’incidence du mésothéliome est dix fois supérieure à la moyenne nationale, ces problèmes sont fréquents non seulement chez les malades mais aussi chez les habitants en bonne santé qui ont peur de tomber malades à la première apparition de symptômes tels que la douleur ou la toux. On ne rencontre un tel ensemble de symptômes, avec ces caractéristiques et cette intensité, dans aucun autre type de cancer. Ce syndrome est aussi documenté y compris dans la littérature. Il existe une étude d’Antoniella Granieri, psychologue à l’Université de Turin qui a étudié les aspects psychologiques des malades de mésothéliome et de leurs proches à Casale. A Casale, ce type de souffrance psycho-somatique est bien connu. C’est pourquoi le monde médical a compris depuis longtemps qu’il ne suffisait plus de soigner mais qu’il fallait faire davantage : prendre soin des malades et de leurs familles. C’est ainsi qu’est né le modèle organisationnel dont a déjà parlé Federica Grosso, un modèle qui prévoit la prise en charge globale du patient au travers d’une assistance continue, intégrée et progressive entre traitement du cancer et soins palliatifs. Que signifie « prendre en charge » ? Interpréter les véritables besoins du patient, écouter son histoire, respecter ses refus et sa colère, respecter son corps malade, l’aider à se sentir encore soi-même, préserver sa dignité d’être humain, accepter sa différence. Partant de ses prémisses, nous avons constitué à Casale une équipe de soins palliatifs composée de quatre médecins, cinq infirmières expertes, spécialisées dans le mésothéliome, deux psychologues, deux kinésithérapeutes, une assistante spirituelle et quarante volontaires de l’association VITAS. Cette unité de soins du mésothéliome qui se nomme « UFIM » (Unité fonctionnelle inter-établissements pour le mésothéliome) accueille le patient dès le premier diagnostic en ambulatoire dans un espace où sont présents des oncologues, des médecins spécialistes des soins palliatifs, des infirmières et des psychologues qui débutent immédiatement la prise en charge du patient et de sa famille. Ce modèle organisationnel garantit une continuité entre l’hôpital et le domicile 365 jours par an, quel que soit le lieu où se trouve le patient (hôpital, domicile ou maison de repos) ? L’intégration des soins palliatifs dans le traitement oncologique est réalisée de façon simultanée et précoce. Car comme le dit Eduardo Bruera, un des meilleurs experts du monde en soins palliatifs, « les soins palliatifs commencent, lorsque commence la souffrance du malade et des membres de la famille. » Nous avons recueilli dans une base de données tous les renseignements concernant nos patients de janvier 2014 à décembre 2015. Il y a eu 109 patients. 80% de nos patients étaient parfaitement informés et conscients de leur diagnostic et plus de 95% des membres de leur famille étaient étaient informés et conscients de la maladie. Un des objectifs les plus important que l’aide que nous leur apportons est celui de permettre aux patients de décider, de choisir le lieu où ils passeront la partie finale de leur vie. 77% patients ont choisi de la passer à la maison, 5% ont choisi d’être hospitalisés, et 18% ont choisi d’être dans une maison de soins palliatifs. La volonté de tous a été respectée. La maison de soins palliatifs est un lieu d’accueil pour les patients qui présentent des symptômes extrêmement graves non contrôlables à domicile ou qui sont à un stade très avancé de la maladie. La maison de soins palliatifs de Casale Monferrato est intégrée dans un espace de grand espace de verdure fleuri où les patients peuvent passer une grande partie de leur temps, recevoir des visites de leurs proches et de leurs amis. L’intérieur ressemble beaucoup à l’une de nos maisons : canari à l’entrée, séjour, des volontaires qui préparent des déjeuners et des goûters. Les murs des chambres sont peints de couleurs douces. Des animaux tiennent compagnie à nos patients. Il y a des activités de thérapie artistique, des moments de spiritualité, de la musicothérapie. Notre objectif est donner vie aux jours, lorsqu’il n’est plus possible de donner des jours à la vie. Nous voyons chaque jour le fruit de notre travail dans les mains de nos patients qui serrent les nôtres, dans leurs yeux quand nous nous pouvons répondre à leurs besoins, et par-dessus tout à leur besoin de dignité des personnes que nous accompagnons sur ce chemin difficile. Nous savons que nous ne pouvons pas effacer la peur de l’inconnu mais nos patients savent qu’ils ne seront pas seuls sur ce chemin. Merci de votre attention. |