Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Comment apporter un soutien aux victimes de l’amiante ?

13 février 2007

- Yves (Adeva 76) "Une consultation de soutien et des groupes de parole"
- Henri (Addeva 93) "Les victimes trouvent un accueil chaleureux à l’association"
- Pierre (Ardeva 59-62) "Une formation à l’écoute pour les bénévoles"
- Un groupe de parole à Dieppe


YVES (Adeva 76)
« Une consultation de soutien et des groupes de parole »

Depuis trois ans une action de soutien psychologique a été mise en place par l’ADEVA 76 en Seine Maritime, avec le soutien financier de la Direction régionale des Affaires de la Sécurité Sociale (la DRASS) et le Fonds national prévention éducation information sanitaire de la caisse nationale d’assurance maladie (FNPEIS).

« Pour les entretiens individuels, les rendez-vous sont pris à l’association. explique Christine, la psychologue.
Certaines personnes ont un ou deux entretiens, après l’annonce d’une maladie par exemple, puis n’éprouvent plus le besoin de revenir.
Pour d’autres, la durée est plus longue. C’est souvent le cas lorsqu’il y a un deuil ou un accompagnement de fin de vie.
 »

Besoin de dire, besoin d’être écouté

« Les groupes de parole ont une autre dynamique que les entretiens., poursuit-elle. Ils répondent à un besoin de dire et d’être écouté. Ils permettent de passer d’une situation individuelle à une dimension plus collective. En même temps, ils permettent d’avoir des échanges et une entraide. »

Des situations souvent douloureuses

Des groupes de paroles existent depuis longtemps pour d’autres maladies : cancers, sida, cécité… Les victimes de l’amiante et leur famille rencontrent les mêmes difficultés que d’autres. Mais elles ressentent un très fort sentiment de colère et d’injustice car elles savent que cette maladie n’est pas due à la fatalité : elle aurait pu être évitée, si des industriels n’avaient pas fait passer leurs profits avant la santé...

Dans ces réunions on évoque des situations souvent douloureuses. Mais on se sent à l’aise avec des personnes qui ont vécu les mêmes souffrances.
La diversité des participants est aussi une richesse : on parle avec des gens qu’on n’aurait jamais rencontrés s’il n’y avait pas eu le drame de l’amiante.

« Il y a trois groupes de parole en Seine maritime, explique Yves Bordage de l’ADEVA 76, un au Havre, un à Rouen et un à Dieppe. Celui de Dieppe est très sollicité ».
(voir article page suivante)


HENRI (ADDEVA 93)
« Les victimes trouvent un accueil chaleureux à l’association »

« Les personnes que nous accueillons sont souvent frappées au plus profond d’elles-mêmes par la maladie ou le deuil., explique Henri Boumandil, le secrétaire de l’ADDEVA 93.
En venant à l’association elles trouvent un lieu où elles peuvent s’exprimer, se parler, échanger.
Elles savent que nous gérons plus de 300 dossiers et que nous pouvons leur apporter une aide technique. Elles savent qu’elles trouveront des personnes capables de les écouter, de les comprendre et de répondre à leurs attentes. Cela les met en confiance.
Il faut les accueillir simplement, sans les plaindre. Notre but n’est pas de les enfermer dans leur chagrin et leur souffrance, mais de les aider à s’en sortir.
Nous passons beaucoup de temps à parler avec les victimes et leur famille. Certains ont des plaques pleurales et pensent qu’il s’agit d’une maladie mortelle. Nous les aidons à comprendre leur maladie, avec des explications que les médecins ne prennent pas toujours le temps de donner.
D’autres ont une maladie très grave. Nous leur apportons un soutien moral jusqu’au bout. Nous accompagnons certains jusqu’à leur dernière demeure. Et puis nous faisons tout pour aider leur famille à dépasser la tristesse du deuil.
Des veuves reprennent peu à peu goût à la vie en se battant. Elles engagent une action en faute inexcusable de l’employeur au tribunal contre ceux qui ont empoisonné leur mari...
Il ne s’agit pas seulement d’une compensation financière. En les aidant à passer d’un drame individuel à un combat collectif, l’association leur donne un autre espoir, un autre avenir que celui de la tristesse et du deuil.
 »


PIERRE (ARDEVA 59-62)
« Une formation à l’écoute pour les bénévoles »

« Un stage de cinq jours a été suivi il y a trois ans par une quinzaine de bénévoles de notre association, raconte Pierre Pluta.
Cette formation à l’écoute avait été organisée pour les personnes qui assurent des permanences.
Cette formation était assurée par des spécialistes de l’accompagnement en milieu médical.
Elle a eu lieu sur plusieurs séances. Ce projet a été pris en charge financièrement par la Direction régionale de l’action sanitaire et sociale (la DRASS.)

Ce fut pour nous l’occasion d’une réflexion très positive pour essayer de trouver des réponses aux questions que nous pouvions nous poser :

- Comment savoir écouter une personne angoissée sans l’interrompre ?
Comment faire pour l’aider en évitant d’accroître cette angoisse ?

- Comment répondre à des questions très directes sur la gravité de la maladie ou sur le risque de mourir ?

- Face à une question difficile a-t-on le droit de répondre en disant simplement : « je ne sais pas » ?

- Comment gérer ses propres émotions face à une personne qui laisse couler ses larmes ?

- Faut-il être assez fort pour ne jamais craquer, ou assumer qu’on peut pleurer à son tour sans avoir à s’en excuser ?

- Comment faire après tant d’entretiens douloureux, pour rentrer chez soi le soir et continuer à vivre à peu près normalement sans se laisser submerger par toute cette souffrance ?

- Comment faire pour prendre du recul et ne pas imposer à sa famille le contrecoup de tout ce qu’on a vécu dans la journée ?

Tous les participants ont tiré un bilan très positif.
Trois ans après, un nouveau projet pourrait voir le jour suite à une proposition de la Maison de Promotion de la Santé.
Ce projet combinerait à la fois un soutien psychologique pour les victimes et leur famille et une formation à l’écoute pour les bénévoles..


UN GROUPE DE PAROLE À DIEPPE

Ici, chacun apporte son vécu, sa vérité.

Ils sont une quinzaine. Beaucoup se connaissent déjà et ont plaisir à se retrouver. Une femme raconte comment le dossier de son mari a été refusé par la caisse primaire. Atteint d’un épaississement pleural, il avait pourtant travaillé neuf ans dans la navale… Une expertise médicale a été demandée.

Une autre dit comment elle a accompagné son mari pendant un an et demi jusqu’à son décès. Avec l’association elle a mené son dossier jusqu’au bout. Elle touche aujourd’hui une rente, mais elle continue à venir pour témoigner et encourager les autres : « C’est très grave. Il ne faut pas se laisser faire… »

Une victime montre une lettre de son assurance, avec un avenant précisant que le risque amiante n’est pas couvert. Il est assuré depuis 1958… Les présents s’indignent. Que devient la confidentialité du dossier médical ? Comment réagir ?

La discussion roule toute seule, rebondit, prend des chemins de traverse. Chacun apporte son vécu, sa vérité. La psychologue intervient peu. Des questions techniques sont posées à un responsable de l’ADEVA 76 sur le risque amiante dans les HLM, les déchets, les explorations fonctionnelles respiratoires.

Un ancien salarié, qui touche l’allocation amiante, évoque la réflexion blessante d’une voisine : « mon mari travaille, lui… ». Poids du regard des autres. Humiliation d’être considéré comme un «  feignant », parce qu’on arrête de travailler plus jeune. Pourtant la cessation anticipée d’activité n’est pas un privilège ; elle est donnée à ceux dont l’amiante a réduit l’espérance de vie…

Plusieurs participants témoignent des conditions de travail scandaleuses qu’ils ont connues : « on travaillait sans masque, et pourtant les patrons savaient que c’était dangereux », « les protections contre la chaleur, les gants, les tabliers, étaient en amiante », « on découpait, on ponçait le Fibro », « on nettoyait nos bleus avec un tuyau d’air comprimé », « les patrons ont fait passer leur profit avant la santé des ouvriers ».

Une veuve dit ses difficultés à élever seule ses deux enfants de sept et neuf ans après le décès de son mari, mort de l’amiante à 45 ans. Elle a engagé une action en justice. Elle en avait discuté avec lui. C’était leur choix à tous les deux. L’entreprise a multiplié les chausses-trappes et les mensonges pour éviter de payer, mais sa détermination est restée intacte : quoi qu’il advienne, aller jusqu’au bout pour faire condamner les responsables.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°19 (avril 2006)