Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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La plainte fondamentale au pénal (1996)

14 octobre 2001
Auteur(e) : 

A Monsieur le Doyen des Juges
d’Instruction près le Tribunal
de Grande Instance de BOBIGNY

PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE
PARTIE CIVILE

1 - L’ASSOCIATION
NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE
L’AMIANTE (ANDEVA), dont le siège est à
75015
PARIS - 3 Rue Sainte Félicité.

Représentée par son Président
Monsieur Marcel ROYEZ,
domicilié au siège de l’Association.

Ayant pour Avocat  :

Maître Jean-Paul TEISSONNIERE, Avocat au
Barreau de la SEINE SAINT DENIS, 5 Rue du 19 mars 1962 93000
BOBIGNY, téléphone : 01 48 30 60 61.,
télécopie 01 48 30 87 99., toque A 440.

SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES
Maître Michel LEDOUX, Avocat au Barreau de PARIS

SCP LEDOUX - PEROL & ASSOCIES
10 Rue Portalis 75008 PARIS,
téléphone 01 42 93 99 82,
télécopie 01 42 93 97 28., toque P 321.

Elisant domicile en leur cabinet,

ONT L’HONNEUR DE PORTER A VOTRE
CONNAISSANCE LES FAITS SUIVANTS :

1 - UNE CATASTROPHE
ANNONCEE

L’amiante provoque chaque année
plusieurs milliers de décès en FRANCE. Il est
à l’origine de plus de la moitié des cancers
professionnels.

Tous les Experts s’accordent à constater
une augmentation extrêmement rapide du nombre de pathologies
dues à ce matériau et certains
n’hésitent pas à parler à ce sujet
d’" épidémie ".

La croissance de la mortalité due à
l’amiante peut-être mesurée à partir
d’une pathologie particulière, le
mésothéliome, qui est un cancer spécifique de
l’amiante touchant la plèvre et le péritoine.
Toutes les données disponibles montrent un accroissement
continu et extrêmement alarmant (registre des
décès de l’INSERM, reconnaissances en maladie
professionnelle, registre national des cancers).

* L’INSERM enregistre sous le code 163 les
tumeurs malignes primitives de la plèvre, tumeurs qui sont
essentiellement des mésothéliomes : leur nombre a
triplé durant les 25 dernières années. De 320
décès par mésothéliome de la
plèvre en 1968, on atteint 902 décès en
1993...

* Le nombre de mésothéliomes
reconnus en maladie professionnelle augmente lui aussi
régulièrement depuis son inscription dans le tableau
30 des maladies professionnelles en 1976. Si en 1980, 20
mésothéliomes étaient reconnus en maladie
professionnelle, 89 l’étaient en 1993.

* Une étude réalisée
à partir du registre national des cancers, publiée
dans le numéro du 18 mars 1996 du Bulletin
Épidémiologique Hebdomadaire de la Direction
Générale de la Santé, a montré que le
nombre de cas de mésothéliome a augmenté en
FRANCE de 25 % tous les 3 ans entre 1979 et 1990. L’incidence
estimée par cette étude est d’environ 600 cas
par an pour la France entière.

Durant le mois de mars 1995, la revue britannique
" THE LANCET " a publié une étude de
l’épidémiologiste Julian PETO, de
l’Institut de Recherche sur le Cancer de SUTTON, qui
prévoit que la croissance du nombre de décès
par mésothéliome pourrait, compte tenu du temps de
latence de cette maladie, se poursuivre au même rythme durant
les 25 prochaines années pour atteindre environ 3 000
décès par an en GRANDE-BRETAGNE en 2020. Si
l’on ajoute à cela les décès par
asbestose et cancer du poumon, près de 10 000
décès par an en GRANDE-BRETAGNE pourraient être
provoqués par l’amiante à l’horizon
2020.

Ces données ne sont guère surprenantes.
La nocivité de l’amiante est connue depuis le
début du siècle. A cette époque on
enregistrait déjà un grand nombre de
décès parmi les travailleurs de l’industrie de
l’amiante. Le panorama complet des maladies dues à
l’amiante est connu depuis 1960, en particulier en ce qui
concerne son caractère cancérogène. Les
dégâts provoqués par l’amiante ont
été soigneusement étudiés et
dénoncés dès les années 1960, en
particulier par le Professeur SELIKOFF aux ETATS-UNIS, de telle
sorte que ni les industriels concernés, ni les pouvoirs
publics ne pouvaient les ignorer. Entre 1975 et 1980 un important
mouvement d’opinion se développa contre
l’amiante. Ce mouvement fut initié par le Collectif
Amiante de JUSSIEU et relayé par plusieurs médecins
qui prirent publiquement position contre l’amiante. Il
reçut un large écho dans les médias et le
Quotidien du Médecin pouvait titrer en juin 1976 :

" Amiante : le rôle
cancérigène est admis par tous ".

Sous la pression, les pouvoirs publics finirent par
édicter la première réglementation.

Ces textes bien insuffisants seront peu
modifiés jusqu’en 1995, année durant laquelle
les associations parvinrent à remettre au premier plan la
question de l’amiante et à mobiliser les
médias.

En juillet 1994, des veuves d’enseignants
décédés de cancers après avoir
travaillé dans un lycée de GERARDMER floqué
à l’amiante décident de porter plainte contre X
pour homicide involontaire.

En octobre 1994, se crée le Comité
Anti-Amiante JUSSIEU qui distribue, le 2 novembre 1994, un tract
intitulé " l’amiante à JUSSIEU :
l’air contaminé ".

C’est le début de la mobilisation
anti-amiante.

Fidèle à sa tactique, le Comité
Permanent Amiante - structure de lobbying créé par
les industriels de l’amiante - organise le 7 novembre 1994
une conférence de presse pour rassurer et essayer
d’étouffer l’affaire. Le journal
" Libération " traduit fidèlement le propos
en titrant " l’amiante n’est pas toujours
dangereux affirment des médecins et
industriels ".

Mais il est déjà trop tard... Le 8
novembre 1994, France Soir fait sa " une " sur
l’amiante en titrant " amiante :
alerte ! "
et consacre deux pages à la
situation du campus JUSSIEU.

Progressivement, l’ensemble des médias
s’intéresse à l’affaire de
l’amiante. Les images des faux plafonds de JUSSIEU provoquent
une prise de conscience générale. La mobilisation
s’organise dans plusieurs établissements
d’enseignement pour obtenir le retrait de l’amiante.

Le 21 mars 1995, le Comité Anti-Amiante
JUSSIEU organise un colloque " amiante : un problème
de santé publique "
avec la participation de
spécialistes internationaux, Messieurs PETO, NICHOLSON et
GUILLEMIN. Ces Experts font un constat alarmant, bien loin des
propos rassurants du CPA.

Le 30 mai 1995 plusieurs associations qui suivent ce
dossier depuis plusieurs années, l’ALERT (Association
pour l’Etude des Risques du Travail), la FNATH
(Fédération Nationale des Accidentés du
Travail et des Handicapés), la Ligue contre le cancer du VAL
D’OISE, avec le soutien de la Mutualité
Française, organisent une conférence de presse. Elles
y dénoncent " les méfaits de l’amiante
sur la santé des populations et demandent des mesures de
prévention et de réparation des victimes, ainsi que
le bannissement de l’amiante ".

Plusieurs journaux publient des articles de fond sur
le problème de santé publique posé par
l’amiante, en particulier Le Monde du 31 Mai 1995 qui titre
" L’héritage empoisonné de
l’amiante "
et le mensuel " Science et
Avenir " de juin 1995.

Interpellés par cette mobilisation, les
pouvoirs publics consentent enfin à agir, non sans
tergiversations.

Un projet de décret du Ministère de la
Santé est préparé pour le mois de septembre
1995. Il est cependant bloqué, et le Ministre de la
Santé, Elisabeth HUBERT, est remplacé lors d’un
remaniement ministériel. Il faudra attendre le jour de la
conférence de presse annonçant la création de
l’Association Nationale de Défense des Victimes de
l’Amiante (ANDEVA) , le 8 février 1996, pour que ce
décret soit enfin publié au Journal Officiel :
" hasard du calendrier ou cadeau de
baptême "
s’interrogea le journal Le
Monde.

Dans la conclusion de l’article du Bulletin
Epidémiologique Hebdomadaire du 18 mars 1996,
précédemment cité, les auteurs écrivent
" La large dissémination de l’amiante dans la
population générale et son pouvoir carcinogène
aujourd’hui reconnu, en font un problème de
santé publique qui appelle des réponses de la part
des Pouvoirs Publics ".

Dans le Monde, la journaliste, Laurence FOLLEA, a ce
commentaire : " les chercheurs dont les travaux sont
publiés dans le bulletin épidémiologique
hebdomadaire (BEH) de la Direction Générale de la
Santé interpellent rarement les autorités sanitaires
de la sorte. ".
Elle concluait " cette fois,
l’heure est grave. Quelle que soit la réaction des
Pouvoirs Publics à ces nouvelles statistiques alarmantes, la
publication au Journal Officiel du 8 février des
décrets et arrêtés organisant le recensement
des bâtiments isolés à l’amiante en
FRANCE et la protection des travailleurs exposés n’a
visiblement pas suffi à convaincre les
épidémiologistes que les mesures engagées
étaient à la hauteur du fléau. ".

Cette remarque pourrait résumer le constant
décalage entre les mesures de protection toujours
insuffisantes et toujours inadaptées prises par des Pouvoirs
Publics placés sous l’influence des industriels et un
savoir scientifique qui depuis le début du siècle
accumule les informations sur une catastrophe
annoncée...

Dès le début du siècle, en
effet, les compagnies d’assurance refusaient d’assurer
les travailleurs de l’amiante. En 1931, la GRANDE-BRETAGNE,
édictait les premières mesures de protection des
travailleurs de l’amiante. En FRANCE, il faudra attendre plus
de 45 ans et l’année 1977, pour voir apparaître
les premières réglementations en matière de
prévention. En fait les Pouvoirs Publics n’auront agi,
pour l’essentiel, que sous la pression des associations et
pour répondre à l’émotion de
l’opinion publique touchée par le témoignage
des victimes sur les conditions scandaleuses de leur contamination.
Cela se produira deux fois, en 1977-1978, puis en 1996.

Entre ces deux dates, nombre de pays voisins auront
complètement interdit l’amiante et traité une
grande partie de l’amiante en place dans les bâtiments.
En FRANCE, les Pouvoirs Publics, sous l’influence des
industriels de l’amiante organisés en groupes de
pression efficaces, ne prirent jamais la décision
d’interdire totalement l’utilisation de
l’amiante, et ne concédèrent que tardivement,
en 1996, la mise en place de réglementation qui
s’imposait depuis de très nombreuses
années.

L’inertie des Pouvoirs Publics va de pair avec
l’activité débordante des industriels de
l’amiante. Dans les années 1950, 1960 et 1970, ceux-ci
diffusèrent massivement un matériau dont ils
connaissaient parfaitement les dangers, dans tous les secteurs
d’activité, en des lieux même où son
emploi ne répondait à aucune nécessité.
A partir de 1975, ils s’opposèrent à la
mobilisation importante contre les dangers de l’amiante, en
organisant la désinformation avec l’aide d’un
cabinet de communication. Enfin, en 1982 ils créèrent
et financèrent une véritable structure de lobbying
qui distilla la désinformation auprès des Pouvoirs
Publics et les poussa à défendre la politique dite
d’usage contrôlé de l’amiante, dans
un contexte international où nombre de pays se dirigeaient
vers l’interdiction pure et simple.

2 - L’ANDEVA : SUR LA
RECEVABILITE DE SON ACTION :

La jurisprudence reconnaît (ordonnance de
référé du Tribunal de Grande Instance de PARIS
du 9 octobre 1984 : Ligue contre la violence routière)
qu’" une Association déclarée est
recevable à former une action civile destinée
à assurer l’accomplissement et la défense de
l’objet statutaire dont chacun de ses membres ou
adhérents, lui a confié la charge collective, et ce,
indépendamment du préjudice personnel subi par chacun
d’eux ou du préjudice social dont la réparation
incombe aux seules diligences du Ministère Public.

La conséquence nécessaire de la
collation légale de la personnalité morale à
une Association déclarée consiste en
l’ouverture d’une action judiciaire, seule mesure de
droit propre à assurer la réalisation effective des
droits pour la défense collective desquels un pacte social a
été spécialement conclu sur un objet
spécifique déterminé et
limité ".

Par arrêt du 14 janvier 1971 (" le
réseau du souvenir contre Le Pen "
), la Cour
de Cassation a retenu la recevabilité de
l’intervention de l’Association " le
Réseau du Souvenir... "
alors que la Loi
n’avait pas encore habilité les Associations de
résistants et de déportés à agir.

La Cour de Cassation indiquait notamment :
" que la recevabilité de son intervention
découlait de la spécialité du but et de
l’objet de sa mission "
.

Cette Jurisprudence a été
confirmée par la Cour de Cassation, Chambre Criminelle,
à propos de l’Association " Comité
National Français contre le Tabagisme "
(Cass.
Crim. 7 février 1984 n° 82-90-338 Bull. Crim. 7
février 1984 n° 82-90-338 n° 41 page 110).

L’importance et la gravité des crimes et
délits révélées par la présente
plainte, le caractère d’intérêt public
évident du but poursuivi par l’Association
requérante, rendent indispensable la reconnaissance de la
recevabilité de l’action entreprise par
l’Association.

4 - DEFINITION DE
L’AMIANTE ET PRESENTATION DES MALADIES QU’IL
ENGENDRE

4-1 L’AMIANTE (DU GREC AMIANTOS :
INCORRUPTIBLE)

Il s’agit d’un terme
générique qui regroupe l’ensemble des
silicates, minéraux naturels caractérisés par
leur aspect fibreux.

Les principales variétés
d’amiante sont classées en deux familles
minéralogiques :

- le groupe des serpentines qui comprend
essentiellement le chrysotile, réprésentant 95% de
l’amiante industriel,

- le groupe des amphiboles composé :

* de la crocidolite

* de l’amosite

* de l’anthophyllite

* de la trémolite

* de l’actinolite

L’amiante a longtemps été
considéré comme un objet de curiosité, de
superstition plus que comme un matériau d’usage
pratique.

Il faut attendre la deuxième moitié du
XIXème siècle pour que l’on
s’intéresse aux applications techniques de
l’amiante (vers 1800 en Italie).

C’est surtout à partir des années
1870, après la découverte de gisements au Canada, que
commence l’exploitation industrielle et commerciale du
minerai dans ce pays.

Il en sera de même en Italie, Russie, Afrique
et aux U.S.A.

Les principales propriétés de
l’amiante sont :

- l’ininflammabilité,

- l’incombustibilité,

- la résistivité thermique,

- la résistance aux micro organismes,

- l’élasticité

(in thèse pour le doctorat en médecine
 : Gérard LOIE " données historiques
générales sur les maladies provoquées par
l’amiante " Faculté de Médecine et de
Pharmacie de Rouen - 1984).

4-2 : LES MALADIES PROVOQUEES PAR L’AMIANTE

Depuis le début de l’utilisation
industrielle de l’amiante, il y a un siècle, on sait
que l’inhalation de ces poussières minérales
provoque des atteintes graves à la santé.

Des atteintes pulmonaires ont d’abord
été identifiées.

4-2.1 : La fibrose pulmonaire ou asbestose est
la conséquence d’inhalation très importante de
poussières d’amiante.

La transformation fibreuse du tissu pulmonaire
qu’elle entraine est lente.

Elle se manifeste plusieurs années
après le début de l’exposition mais est
irréversible.

Elle conduit à une insuffisance respiratoire,
invalidante, puis à une insuffisance cardiaque.

Le traitement n’est que palliatif.

Cette maladie a tué des centaines
d’ouvriers dans les usines au début du siècle,
à une époque où les expositions étaient
massives.

La maladie était susceptible
d’apparaître alors en quelques mois ou en quelques
années et pouvait aboutir rapidement au
décès.

En France, M. AURIBAULT, Inspecteur
Départemental du Travail à Caen, a
réalisé, dès 1906, une étude sur
" l’hygiène et la sécurité des
ouvriers dans les filatures d’amiante
", dont la
publication fut assurée par le bulletin de
l’Inspection du Travail de 1906 (pages 120 et suivantes).

Dans le vocabulaire technique et médical de
l’époque, il décrit avec une grande
précision le caractère pernicieux de l’action
de l’amiante sur l’organisme des ouvriers :

" ils (les cristaux
d’amiante) viennent éroder et déchirer le tissu
pulmonaire, provoquant par leur action pernicieuse une phtisie
spéciale ; leurs effets sur l’organisme humain sont
bien connus des hygiénistes et ont été
étudiés dans les fabriques de ciment et les chantiers
de taille de pierre meulière...

Les pneumoconioses y sont entrêment
développées...Cette accumulation, ce
dépôt constant de poussière minérale
dure, non résorbée, produit, par place,
l’induration du parenchyme pulmonaire ; Ces amas de
particules étrangères forment des noyaux
résistants, dépourvus
d’élasticité. Il existe alors une
véritable sclérose du poumon.

L’expectoration devient abondante et la
toux fréquente. L’anémie, la consomption ou
l’arrêt du coeur peuvent amener la mort après un
temps variable, suivant la résistance de l’individu
atteint ".

M. AURIBAULT cite à l’appui de cette
description une observation précise :

" un exemple frappant vient corroborer cette
déduction. En 1890, une usine de filature et de tissage
d’amiante s’établissait dans le voisinage de
Condé S/ Noireau (Calvados). Au cours des cinq
premières années de marche, aucune ventilation
artificielle n’assurait l’évacuation directe des
poussières siliceuses produites par les divers
métiers.

Cette inobservation totale des
règles de l’hygiène occasionnait de nombreux
décès dans le personnel ; une cinquantaine
d’ouvriers et d’ouvrières moururent dans
l’intervalle précité. Le Directeur,
précédemment propriétaire d’une filature
de coton à Gonneville (Manche), avait recruté 17
ouvriers parmi son ancien personnel ; 16 d’entre eux furent
enlevés par la Chalicose de 1890 à 1895...

Les usiniers s’empressèrent de
porter remède à cette situation, les cardes furent
ventilées par ascensum et par descensum, les effilocheuses,
isolées, et la mortalité diminua
considérablement ".

Si la fréquence et la gravité de
l’asbestose ont beaucoup diminué aujourd’hui,
200 à 300 cas sont encore reconnus chaque année au
titre des maladies professionnelles.

Une quarantaine de décès annuels sont
enregistrés dans les statistiques de mortalité de
l’INSERM comme étant dus comme cause principale
à l’asbestose.

4-2.2 : Le cancer broncho-pulmonaire

Les premières observations permettant de
suspecter le pouvoir cancérogène de l’amiante
date des années 1930, avec diverses publications dans les
journaux médicaux (cf. en particulier GLOYNE en 1933 et
1938, HORNING en 1938, KOELSCH en 1938, LYNCH et SMITH en 1935 et
1939, NORDMANN en 1938).

L’enquête réalisée par DOLL
en Angleterre en 1955 apporte la preuve
épidémiologique définitive de la relation
entre l’exposition à l’amiante et le cancer
broncho-pulmonaire.

On considère aujourd’hui que
l’exposition à l’amiante peut, dans certains
cas, multiplier par cinq le risque de cancer
broncho-pulmonaire.

4-2-3 Les fibroses
pleurales.

Elles se présentent sous forme
d’épaississements de la plèvre et de plaques
pleurales qui sont le plus souvent bilatéraux.

La première constatation radiologique remonte
à l’année 1955.

De nature bénigne, considérées
par les médecins comme " un marqueur
d’exposition " les plaques pleurales peuvent cependant
être responsables de douleurs et d’un retentissement
sur la fonction respiratoire.

Elles sont très courantes chez les
travailleurs exposés : " la moitié des
salariés dans le secteur de l’isolation, le tiers dans
l’amiante-ciment, 15% dans le domaine de la réparation
automobile etc... ".

Des pleurésies bénignes sont
également observées. Leur relation avec
l’amiante a été établie en 1964.

4-2-4 Le
mésothéliome

Le mésothéliome est un cancer primitif
de la plèvre, du péritoine et du péricarde,
qui est spécifique de l’amiante.

La responsabilité de l’amiante
dans la survenue du mésothéliome est clairement
établie depuis 1960 (études de WAGNER). Elle a
été confirmée par de nombreux travaux.

En France, le premier cas a été
décrit en 1965 par TURIAF.

Le mésothéliome est un cancer au
pronostic redoutable. La maladie est très douloureuse et la
survie moyenne n’excède pas deux années.

Il n’existe pas, à ce jour, de
traitement efficace. On ne connaît pas de cas de
guérison.

Or, selon les études, 75 à 95% des cas
de mésothéliome sont rapportés à
l’amiante, qu’il s’agisse d’expositions
professionnelles ou d’expositions environnementales.

On a identifié, en effet, depuis les
années 1960, de nombreux cas de mésothéliome
et de plaques pleurales, dans la population vivant à
proximité des mines ou usines d’amiante ou au contact
des travailleurs de l’amiante.

L’épidémiologie montre
qu’il n’y a pas de " dose seuil ".
L’excès de cancer apparaît pour des expositions
minimes.

Le temps de latence est important, 35 ans en
moyenne.

Cependant la moyenne d’âge des cas
relevés entre 1970 et 1980 n’était que de 60
ans.

En France, depuis 1979, le nombre de
mésothéliomes pleuraux augmente de 25% tous les trois
ans.

Environ 1000 décès par an sont
imputables à cette pathologie spécifique d’une
exposition à l’amiante.

Les enquêtes épidémiologiques
montrent que dans les populations exposées, le nombre de
cancers broncho-pulmonaires dus à l’amiante est en
moyenne de 1 à 2,5 fois le nombre de
mésothéliomes. Cela représente actuellement,
en hypothèse basse, de 1 000 à 2 500
décès annuels par cancer du poumon dû à
l’amiante.

4-2-5 Les autres cancers

Plusieurs études
épidémiologiques indiquent que l’amiante est
également responsable d’excès de cancers du
larynx et de cancers gastro-intestinaux (SELIKOFF 1964, MAC DONALD,
NEWHOUSE, NICHOLSON).

Ces excès sont moins nets que pour les cancers
du poumon et de la plèvre et sont discutés par les
spécialistes.

Néanmoins, ils sont suffisamment significatifs
pour que la Directive Amiante 83/477 de la Communauté
Européenne indique le cancer gastro-intestinal comme maladie
causée par l’amiante.

4-3 : LES VICTIMES :

Depuis la fin des années 1960, il est
indéniable que ce sont les pathologies cancéreuses
qui représentent le risque le plus grave.

En effet, comme pour tous les
cancérogènes, il est impossible de prétendre
qu’il existe une dose limite en-dessous de laquelle le risque
de cancer serait nul.

Ce constat est apparu très clairement
dès les premières données
épidémiologiques établies auprès des
populations touchées par le mésothéliome,
tumeur spécifique de l’exposition à
l’amiante.

La première étude de WAGNER en Afrique
du Sud, en 1960, relevait 18 victimes de mésothéliome
parmi les mineurs d’amiante pour 14 victimes de la même
pathologie, dans l’environnement de la mine.

Trois ans plus tard, en 1963, à
l’occasion du Congrès International sur la
santé en milieu de travail, le même auteur rapporte
plus de 120 cas de mésothéliome collationnés
depuis 1956. " Plus de la moitié de ces cas
n’avait jamais travaillé dans l’industrie de
l’amiante mais avait vécu dans le voisinage des mines
et moulins (d’amiante), ce qui révélait
l’importance des expositions environnementales (de
voisinage) " (In Sélikoff et Lee, " Asbestos and
disease, Academic Press " 1978 page 30 ).

Ces premières observations sur la relation
entre type d’exposition et mésothéliome
expliquent qu’aujourd’hui, à une toute autre
échelle, les enquêtes révèlent des
victimes dans toutes les professions, et même parmi les
personnes n’ayant eu qu’une exposition
d’environnement.

Environ 25% des victimes de cette pathologie
relèvent des professions du bâtiment : maçons,
électriciens, plombiers, chauffagistes, menuisiers,
peintres, couvreurs etc...

Dans la plupart des cas, les expositions dans ce
secteur sont des expositions sporadiques et brèves.

Le second grand secteur fortement
représenté chez les victimes est celui des chantiers
navals.

L’amiante y est largement utilisée dans
divers matériaux de construction des navires.

Au-delà, les victimes relèvent
d’un peu tous les secteurs industriels (chimie,
pétrole, métallurgie, transport etc...), y compris
bien sûr le secteur de l’industrie transformatrice
d’amiante.

Compte tenu des temps de latence très longs de
ces pathologies, il est trop tôt pour savoir dans quelle
proportion l’utilisation massive d’amiante dans les
années 1960 à 1970, pour les flocages des
bâtiments, va induire des cas de mésothéliomes
chez les simples occupants des immeubles floqués.

Le bilan ne pourra être avancé
qu’à partir de 2010, mais d’ores et
déjà des cas sont signalés chez de simples
occupants de ces immeubles.

5 - LA DIFFUSION DES
INFORMATIONS SUR LA TOXICITE DE

L’AMIANTE DANS LE CHAMP SOCIAL.

Mettre en cause l’importation, le travail de
l’amiante et la diffusion de matériaux contenant de
l’amiante n’est possible que si les connaissances sur
la toxicité ont été acquises en milieu
médical et qu’à la condition que ces
connaissances aient pu franchir les limites du domaine propre
à quelques chercheurs et médecins.

Au-delà de la rapide chronologie de la
découverte des méfaits de l’amiante
présentée ci-dessus, il est donc nécessaire de
donner des éléments d’appréciation non
seulement sur l’acquisition mais également sur la
diffusion des connaissances.

Cette démarche conduit à distinguer
plusieurs périodes historiques du début du
siècle à nos jours, périodes qui seront
successivement examinées :

- de 1900 à 1950 : un demi siècle sans
réaction significative face à l’asbestose,

- de 1950 à 1975 : un quart de siècle
de données acquises sur les cancers provoqués par
l’amiante,

- de 1975 à nos jours : 20 années de
dissimulation.

5-1 : de 1900 à 1950 : un demi
siècle sans réaction significative face à
l’asbestose.

Au plan international, l’essentiel des
connaissances médicales sur l’asbestose est acquise
depuis le début du siècle à partir
principalement des données anglaises, et pour la France, de
la publication d’AURIBAULT déjà
citée.

Aussi, en 1921, l’Association Internationale
des Travailleurs porte-t-elle plainte devant le Bureau
International du Travail (B.I.T.) qui vient de naître
à Genève.

Elle dénonce la maladie pulmonaire qui atteint
les mineurs d’amiante.

Après neuf ans de discussion, le B.I.T. fait
inscrire les dangers de l’amiante à l’ordre du
jour de la première Conférence Internationale
consacrée à la santé des mineurs.

Durant la même période, les
études se multiplient, en particulier en Grande
Bretagne.

La plus marquante est celle de MEREWETHER en 1930
(The Journal of Industrial Hygiene pages 198 - 222), qui montrait
que 80% des ouvriers de l’amiante, après vingt ans
d’activité souffraient d’asbestose.

La gravité de la maladie était
d’autant plus prononcée que le temps
d’exposition était plus long ou le niveau
d’exposition plus élevé.

Dans le prolongement de cette étude,
MEREWETHER, médecin inspecteur de l’industrie, et son
collègue PRICE, présentent un rapport au Parlement
établissant que : " l’inhalation de la
poussière d’amiante pendant plusieurs années
entraîne l’apparition d’un sérieux type de
fibrose des poumons ".

Ils indiquent le remède, en l’occurence
la suppression de la poussière.

De cette initiative résulteront en GRANDE
BRETAGNE les premières mesures de prévention pour les
travailleurs de l’amiante en 1931 et, les premières
mesures de réparation des pathologies dues à
l’amiante en 1933, mesures insuffisantes certes mais
significatives d’un premier enchainement positif entre les
études médicales et les décisions politiques
dans le champ de la santé au travail.

En FRANCE, à la même époque, le
Docteur DHERS publie successivement deux longs articles (in
" La Médecine du Travail " 1930 pages 147 - 172 et
pages 187 - 209), intitulés " Amiante et asbestose
pulmonaire ".

Tous les aspects du problème y sont largement
et remarquablement traités.

Il relève que depuis la fin de
l’année 1910 " les Compagnies
d’Assurances-vies canadiennes et américaines avaient
déjà pris l’habitude de refuser les
travailleurs de l’amiante, par suite des conditions nocives
de l’industrie pour la santé ".

La conclusion du second article du Docteur DHERS est
sans équivoque. Elle est toujours valable dans la mesure
où l’on ne sait toujours pas soigner une asbestose :
" l’adoption de mesures de prophylaxie contre les
risques inhérents à l’inhalation de
poussière d’amiante constitue à l’heure
actuelle le seul mode d’intervention efficace contre cette
maladie
".

Suivent ensuite plusieurs pages de recommandations
précises sur les mesures à prendre en milieu de
travail pour supprimer les poussières, mesures dont nombre
ne sont toujours pas appliquées dans certaines usines, en
1996.

Signalant, en matière réglementaire,
les discussions en cours à la Chambre des Communes à
Londres, le Docteur DHERS est bien embarrassé pour annoncer
une quelconque initiative en France...

Le seul écho qui lui soit parvenu sur ce sujet
est le suivant : " Je donne enfin, sous
bénéfice d’inventaire, l’information
suivante parue dans le Journal of the American Medical Association
du 10 Mai 1930 et d’après laquelle, en France, le
Ministère du Travail et le Ministère de la
Santé, émus par le nombre de cas d’asbestose
signalés dans certaines usines, ont ordonné
qu’une enquête soit effectuée sur les mesures de
protection qui pourraient être
instituées
".

Si l’information est exacte, il faut croire que
l’émotion n’a pas été violente,
puisqu’il faudra attendre quinze ans les premières
mesures en matière de réparation et 47 ans pour que
certaines mesures de prévention soient prises...

L’inclusion de l’asbestose, sans la
nommer, dans un tableau a été réalisée
par ordonnance en 1945. Ce texte reconnaissait enfin la silicose
comme une maladie professionnelle. Silicose et asbestose
étant deux fibroses, le législateur de
l’époque n’avait pas cru devoir distinguer les
effets de la silice libre d’une part et de l’amiante
d’autre part.

Les deux expositions étaient citées
comme à l’origine de la maladie reconnue.

Il faudra attendre 1950 pour que l’amiante et
l’asbestose apparaissent dans un tableau spécifique
(n°30). La causalité était pourtant unanimement
reconnue depuis 1930...

Le nombre de cas reconnus annuellement entre 1946 et
1968 n’a jamais dépassé une dizaine. Hier,
comme aujourd’hui, la grande majorité des cas
n’était pas déclaré.

En conclusion, cette première période
historique ne se termine que par une transposition très
partielle, dans le champ réglementaire, des données
médicales sur l’asbestose.

Pour l’essentiel, cette maladie et les malades
qui en sont atteints vont rester en marge de toute polique de
santé au travail.

5-2 : de 1950 à 1975 : un quart de
siècle de données acquises sur les cancers dus
à l’amiante . De l’accumulation des
connaissances (1950 à 1965) à l’accumulation
des risques (1965 à 1975)

Les 25 à 30 années d’après
guerre seront celles où tout s’est écrit sur la
relation amiante-cancer, du moins dans le champ qui nous occupe,
celui de la relation entre exposition et survenue des pathologies
tumorales.

Les premières publications sur la relation
amiante-cancer broncho-pulmonaire datent, nous l’avons
noté, des années 1930 puis 1940.

Au début des années 1950, le milieu
médical est acquis à l’idée que
l’inhalation d’amiante peut engendrer des cancers
pulmonaires.

Lors de la séance solennelle du 10ème
anniversaire de la Société de Médecine et
d’Hygiène du Travail, un rapport sur " substances
chimiques, agents de cancers professionnels " fut
confié au Professeur René TRUHAUT.

Sept dérivés minéraux dont
l’amiante furent alors mis en accusation (in " Archives
Maladies Professionnelles " 1954, PP 15, 6 431 - 468).

Dix sept références de publication sont
données par l’auteur... et pas une seule
référence française.

Comme dans la période antérieure, il
semble que les médecins et scientifiques français ne
produisent alors aucun résultat original d’une part
parce qu’il s’agit de sujet " à
risque ", compte tenu des réactions des entreprises,
et, d’autre part parce que les entreprises font obstacle
à toute enquête épidémiologique sur leur
personnel.

Un an plus tard, en 1955, DOLL, publie en Grande
Bretagne, les résultats de la première enquête
épidémiologique à partir du personnel
d’une usine de textile d’amiante, enquête qui
montre sans ambigüité le caractère
cancérogène du matériau.

L’entreprise en cause (TURNER AND
NEWALL)l’un des grands de l’amiante, tente alors
d’empêcher cette publication.

Les difficultés rencontrées par ce
chercheur pour faire connaître le risque ont
été divulguées il y a quelques années
dans la presse britannique (THE SCOTSMAN 25 Août 1993) et
dans diverses revues américaines et anglaises.

En fait, comme le révèle
l’étude de Lilien FIELD, en 1991 (in American Journal
of Public health, 80,6, 791-800) l’industrie de
l’amiante au niveau international avait déjà
financé depuis les années 1940 des études sur
l’animal montrant sans ambigüité le
caractère cancérogène de l’amiante.

Dès lors, la stratégie fut
d’imposer le silence.

La seconde vague de connaissance sur la relation
amiante-cancer fut celle relative aux mésothéliomes
(cancer de la plèvre, du péritoine et
péricarde).

C’est en 1960 que parurent simultanément
plusieurs enquêtes, dont celle de WAGNER, revélant le
rôle cancérogène de l’amiante pour ces
organes.

D’ailleurs, dès 1953, la relation avait
été signalée mais c’est tout au long des
années 1960 que les preuves s’accumulèrent.

En France, le Professeur TURIAF, membre
de l’Académie de Médecine, publie le premier
cas en 1965.

La conclusion de son article (La Presse
Médicale 22.09.65) mérite d’être
citée : " En France, le problème
asbestose-cancer ne parait guère avoir
préoccupé grand monde. La négation du pouvoir
cancérigène de l’amiante est une opinion fort
répandue qui, pourtant ne repose pas sur des études
contrôlables. Aucun grand inventaire, aucun travail
d’ensemble n’a été entrepris chez nous
pour apporter une vraie contribution à un aspect pourtant
singulier de la carcinose broncho-pulmonaire, pleurale ou
péritonéale, qui parait avoir partie liée avec
l’asbestose.Nous avons, quant à nous, tenté
d’ouvrir une enquête clinique pour essayer de retrouver
et de savoir ce qu’il était advenu des anciens
compagnons de travail de notre malade, de nous informer sur la
qualité et la provenance de l’amiante qu’il
avait manipulé. Nous n’avons pu aboutir. Les
dirigeants de la Chambre Syndicale de l’Amiante et les
employeurs directs où avait travaillé ce malade
pendant 40 ans n’ont pas estimé devoir nous
recevoir
".

Dès 1965, la stratégie
d’obstruction des industriels est en place.

Il n’est donc pas étonnant que les
données françaises soient rares.

La législation française ne
reconnaîtra ces deux pathologies cancéreuses dues
à l’amiante qu’à partir de 1976, et
encore avec de telles restrictions qu’aujourd’hui
encore, la grande majorité des cas n’est pas reconnue
en maladie professionnelle.

Dès le milieu des années 1960,
l’unanimité des milieux médicaux est faite sur
le caractère cancérogène de l’amiante.
Le mésothéliome est d’ailleurs
déjà reconnu comme maladie professionnelle en
GRANDE-BRETAGNE depuis 1966 ; le cancer broncho-pulmonaire (en
liaison avec une asbestose) est même reconnu depuis 1942
comme maladie professionnelle en ALLEMAGNE.

Cette unanimité souffre cependant quelques
exceptions chez certains médecins très liés
aux industriels. Tel est le cas du Docteur CHAMPEIX, cas exemplaire
de médecin s’étant fait le complice du maintien
de situations désastreuses dans l’industrie.

D’abord médecin du travail, puis
médecin chef d’une Association interprofessionnelle de
médecine du travail, puis Professeur de médecine du
travail à l’Université de Clermont Ferrand, il
a conservé la haute main sur la surveillance médicale
du personnel de la tristement célèbre usine
d’AMISOL jusqu’à la fermeture, en 1974, de cette
entreprise, transformatrice d’amiante.

Connaissant très bien la situation
réelle au sein de cette usine il n’hésite
cependant pas, en 1964, à accorder un satisfécit
public à l’industrie lors d’un congrés
médical.

Au sujet de l’asbestose, il déclare :
" En somme, la difficulté de poser des critères
de diagnostic engage à renforcer les mesures de
prévention. Il faut reconnaître d’ailleurs que
les industriels ont compris l’importance du problème
et les moyens techniques mis en oeuvre ont permis de réduire
considérablement la fréquence et la gravité de
cette maladie professionnelle " (actes du Congrès de
Caen, 1964).

Affirmant devant ce même congrès
qu’il n’est pas question de se baser sur les
renseignements fournis par la radiophoto, en raison de la
discrétion des images du début, il n’utilise
que cette technique pour le suivi médical des
ouvrières et ouvriers d’AMISOL...

Et, quand l’un de ceux-ci dépose une
demande de reconnaissance en maladie professionnelle, le directeur
de l’usine, M. CHOPIN, se fait appuyer par le Docteur
CHAMPEIX pour contester la réalité de la maladie ou
de l’exposition (Cf : copie des courriers dans
l’ouvrage " Danger amiante " : MASPERO, 1977).

L’action du Docteur CHAMPEIX ne se limitait pas
à Clermont Ferrand.

Il fut à cette époque un collaborateur
attitré des deux Chambres Patronales de l’amiante qui
le nomme secrétaire général d’une
association créée pour la circonstance (Le COFEREBA)
afin d’étudier les effets biologiques de
l’amiante.

Ses positions publiques, telles qu’elles
apparaissent dans un article en Mai-Juin 1971 (in
" Sécurité et Médecine du
Travail "), visent à remettre en cause la relation
amiante-cancer.

Cette pathologie n’est d’ailleurs
même pas citée dans le chapitre sur les risques
professionnels. Elle n’est considérée que comme
une éventualité restant à prouver lors de
l’examen des risques liés à
l’environnement.

Si la période 1950-1975, malgré les
blocages induits par le milieu industriel et l’inertie des
pouvoirs publics, a été celle de l’affirmation
des connaisssances en matière de risque de cancer, elle a
été, en même temps, celle d’une
accumulation des risques.

En effet, ce furent les années durant
lesquelles les importations d’amiante augmentèrent de
façon considérable. Une intense campagne de promotion
a alors permis de multiplier les usages de l’amiante en
particulier avec la technique du flocage qui date du début
des années 30 mais qui ne prend son plein essort
qu’avec le développement rapide des immeubles à
charpente métallique, à partir de 1959.

Si la France importait annuellement entre 15 à
17.000 tonnes avant guerre, le chiffre est doublé en 1950 et
passe à plus de 177.000 tonnes en 1974.

Depuis 1945, la France a importé 73
kilogrammes d’amiante par personne... et c’est un
matériau indestructible, qui s’est donc
accumulé au cours des années.

Ainsi, paradoxalement, plus les connaissances sur la
novicité de l’amiante s’affinaient, et se
répandaient, plus on importait d’amiante et plus on
exposait des populations de plus en plus larges.

Il faut cependant noter une exception
significative.

Prenant en compte les risques liés à
l’amiante, connus dans certains milieux du bâtiment et
en particulier dans les entreprises de flocage où l’un
des frères avait travaillé, les frères
BLANDIN, dès le début des années 1950 ,
développent une technique de flocage de laine
minérale qui remplace parfaitement les flocages
d’amiante.

Ils prendront successivement plusieurs brevets dont
" projection pyrolaine " et " procédé
pistofibre ".

De 1953 à 1965 leur procédé fut
employé pour environ 45% du marché, ce qui a permis,
par exemple que le nombre d’établissements
d’enseignement floqués à l’amiante soit
beaucoup moins important en France qu’en Grande Bretagne.

Jusqu’en 1971, les écoles de type
G.E.E.P. , par exemple, furent uniquement floquées à
la laine minérale.

Pour clore cette période, il nous semble
nécessaire de faire référence au rapport de la
Commission d’Expert réunie à Genève en
1973, sous l’autorité du Bureau International du
Travail (B.I.T.).

Ce rapport indique, en son point 8, :
" l’inhalation de fibres d’amiante peut causer
plusieurs types d’affection :

- l’asbestose : fibrose pulmonaire et affection
de la plèvre qui peut présenter des
calcifications,

- le cancer bronchique,

- le cancer de la plèvre
(mésothéliome diffus).

Des mésothéliomes diffus peuvent aussi
survenir dans le cavité abdominale
(mésothéliome péritonéal).

- certaines observations indiquent que des cancers
d’autres parties du corps peuvent parfois être dus
à l’amiante ".

En son point 18, le rapport des experts affirme :
" des matériaux de remplacement moins dangereux
devraient être utilisés dans toute la mesure du
possible ".

En son point 22, les experts recommandent, dans
l’état actuel des connaissances : " de
considérer le niveau de 2 fibres/cm 3 adopté par
certains états membres comme un objectif temporaire pour la
prévention des risques pour la santé des travailleurs
de l’amiante. Il a été reconnu que ce niveau
s’applique aux effets fibrogènes de l’amiante et
non à ses effets cancérogènes pour lesquels
aucune valeur n’existe actuellement ".

Plusieurs pages de prescriptions très
précises détaillent l’ensemble des mesures de
prévention à envisager pour les personnes pouvant
être exposées à l’amiante.

Enfin, dans sa conclusion : " la
réunion d’experts recommande à
l’Organisation Internationale du Travail (...)
d’adresser ce document aux Gouvernements de ses Etats Membres
et, par leur entremise, aux organisations d’employeurs et de
travailleurs, ainsi qu’à toutes autres institutions
intéressées, pour information et pour
action
".

Dans la dernière partie de la période,
1950-1975, aucune autorité publique ne peut donc dire
qu’il n’y avait pas eu transfert complet
d’information .
D’ailleurs plusieurs pays
avaient dès cette époque déjà mis en
place des mesures de prévention et limité les usages
de l’amiante.

5-3 : De 1975 à ce jour : comment
s’organise le règne du silence.

Ce qui fait l’originalité de cette
troisième période en son début, c’est
l’apparition dans le champ social d’une nouvelle
composante, soucieuse avant tout de diffuser l’information
sur les risques liés à l’amiante et
d’interpeller les pouvoirs publics sur la
nécessité d’une politique cohérente de
prévention.

Cette nouvelle composante fut le " Collectif
Intersyndical Sécurité du Centre Universitaire
JUSSIEU " à PARIS, groupe de bâtiments,
représentant 200 000 m² de locaux floqués
à l’amiante !

Ce collectif qui fut en général
désigné comme " le collectif amiante de
JUSSIEU " a été créé en 1974
à la suite de l’observation par quelques chercheurs de
la pollution de leurs locaux par l’amiante.

Dès le mois de janvier 1975, un premier tract
avertissait le personnel du campus de l’existence du
risque.

Durant le mois de mai 1975, une Assemblée
Générale du personnel était convoquée,
Assemblée qui fut la première d’une longue
série. Y participait un médecin spécialiste
des pathologies dues à l’amiante.

Dès ce mois de mai 1975, un premier dossier
conséquent sur les risques liés à
l’amiante était réalisé et largement
diffusé dans et hors JUSSIEU, en particulier auprès
des pouvoirs publics et des entreprises transformatrices
d’amiante.

En décembre 1975, une conférence
publique fut organisée avec le premier spécialiste
mondial, le Professeur SELIKOFF de NEW YORK et un certain nombre de
spécialistes français, en particulier les Professeurs
BIGNON et TURIAF.

La presse se fait alors, et pendant plusieurs
années, largement l’écho des dangers de
l’amiante. Le quotidien du médecin put titrer en 1976
 : " AMIANTE : LE ROLE CANCEROGENE EST ADMIS PAR
TOUS "
.

Qui plus est, la description des conditions du
travail dans l’industrie de l’amiante est
publiée dans la presse.

En effet, l’action du collectif de JUSSIEU
contribua à faire connaître la situation dans diverses
usines, celle de FERODO en NORMANDIE où les ouvriers
ressortaient de l’usine, blancs d’amiante et surtout
celle de l’usine AMISOL de CLERMONT FERRAND.

Cette entreprise, fermée depuis 1974,
était alors occupée par les ouvriers et
ouvrières qui ouvrirent largement leurs portes à la
Presse afin que puisse être constaté
l’état scandaleux des ateliers d’amiante.

Un livre édité par le collectif de
JUSSIEU en 1977 chez MASPERO (" DANGER AMIANTE ")
contribua également à une diffusion massive de
l’information.

Dès 1975 - 1976, toutes
les données pour construire une politique de
prévention complète étaient disponibles pour
tout un chacun .

Face à cette situation, la réaction des
deux principaux acteurs, pouvoirs publics et industriels de
l’amiante, que nous examinerons à la suite, fut sans
ambiguïté :

* Les pouvoirs publics
concédèrent en 1977 - 1978 la mise en place
d’une réglementation minimale, de toute
évidence insuffisante.

La protection des travailleurs mise en place
correspondait à celle qu’il aurait fallu imposer
quelques décennies auparavant pour les protéger de
l’asbestose, alors que le problème était devenu
à l’évidence celui du cancer. Quant aux risques
encourus par les professions du bâtiment ou les simples
occupants d’immeubles contenant de l’amiante, ils
n’étaient pas pris en compte.

Dans les années 1980 - 1990, les pouvoirs
publics se contentèrent de suivre, sans précipitation
excessive, les directives européennes, du moins celles qui
ne remettaient pas en cause d’importants
intérêts industriels.

Lorsqu’une directive européenne
d’interdiction de l’amiante fut proposée en
1991, la FRANCE, sous l’influence des industriels, s’y
opposa.

Ce n’est qu’à la suite de
l’action des associations ALERT, Comité anti-amiante
de Jussieu, FNATH et des médias que les pouvoirs publics se
décidèrent, en 1996, à réglementer de
nouveau.

* Les industriels eurent une
triple action :

- désinformation du grand public

- contrôle du discours scientifique et
médical

- contrôle de l’action des pouvoirs
publics au travers

d’une action de lobbying.

La désinformation fut organisée
dès les années 1976 et 1977 avec la diffusion des
brochures " AMIANTE, LA VERITE " et
" VIVRE AVEC L’AMIANTE, FIBRE DE LA TERRE ",
puis dans les années 1980 - 1990 avec la diffusion des
brochures du Comité Permanent Amiante.

On y retrouve toujours les mêmes arguments
destinés à rassurer et à minimiser les
risques, en ayant recours lorsque cela est nécessaire
à des contre-vérités.

Le temps de latence des maladies est
systématiquement utilisé pour mettre en doute le
danger des expositions actuelles. Le doute doit profiter aux
industriels...

Le contrôle du discours scientifique et
médical sera plus délicat à mettre en place.
Les industriels organisèrent à cette fin plusieurs
colloques scientifiques avec en perspective la création
d’un " Comité Scientifique ". La
tentative aboutit en 1982 à la suite du colloque de
MONTREAL.

De là naîtra le Comité Permanent
Amiante, structure qui intègrera non seulement des Experts
médecins, mais aussi des représentants des pouvoirs
publics et des syndicats.

Le Comité Permanent Amiante fut
précisément la structure qui contrôla
l’action des pouvoirs publics jusqu’en 1995.

La période 1975 - 1995 sera notablement
différente dans de nombreux pays européens. Des
politiques de prévention conséquentes, notamment en
ce qui concerne l’amiante en place dans les bâtiments,
se mirent en place. Les usages de l’amiante furent
progressivement limités pour arriver à une
interdiction totale au début des années 1990. Sept
pays européens ont actuellement totalement prohibé
l’amiante.

6 - CHRONOLOGIE DES TEXTES
REGLEMENTAIRES SUR L’AMIANTE

- Ordonnance N° 1724 du 3
août 1945

(JO du 03/08/45 et rectificatif JO du 18/08/45)

Intégration de la fibrose pulmonaire
provoquée par l’amiante au tableau n° 25 des
maladies professionnelles.

- Décret n°50-1082 du 31
Août 1950

(JO du 02/09/50)

Création d’un tableau spécifique,
le tableau n°30 des maladies professionnelles.

- Décret n°51-1215 du 3
octobre 1951

(JO du 21/10/51)

Modification du tableau n° 30

- Décret n° 57-1176 du 17
Octobre 1957

(JO du 23/10/57 et rectificatif JO du 01/11/57)

Modification des modalités d’application
du Livre IV du Code de la Sécurité Sociale relatives
aux affections provoquées notamment par les
poussières d’amiante.

- Loi 75-625 du 11 juillet
1975

Interdiction d’occuper les jeunes travailleurs
de moins de 18 ans aux travaux de cardage, filature et tissage de
l’amiante et de les admettre de manière habituelle
dans les locaux affectés à ces travaux (Art. R 234-20
du Code du Travail).

- Décret n° 76-34 du 5
Janvier 1976

(JO du 15/01/76)

Modification importante du tableau n° 30 qui
prend désormais en compte le cancer broncho-pulmonaire et
le mésothéliome
considérés comme
une complication de l’asbestose.

- Circulaire n° 47SS du 14
janvier 1977

Relative à l’application du
décret 76-1095 du 25 novembre 1976 (modifiant le
décret n° 57-1176 du 17 Octobre 1957).

- Arrêté du 29 juin
1977

Interdiction du flocage dans les locaux
d’habitation.

- Arrêté du 11 Juillet
1977

(JO du 27/07/77)

Organisation d’une surveillance médicale
spéciale des travailleurs exposés aux
poussières d’amiante.

- Décret n° 77-949 du 17
août 1977

(JO du 20/08/77)

Mise en application de mesures particulières
d’hygiène applicables dans les établissements
où le personnel est exposé à l’action
des poussières d’amiante.

- Arrêté du 25
Août 1977

(JO du 18/09/77)

Relatif au contrôle de
l’empoussièrement dans les établissements
où le personnel est exposé à l’action
des poussières d’amiante.

- Arrêté du 17 octobre 1977

(JO du 01/11/77)

Relatif au transport de l’amiante (consignes de
sécurité pour ce type de transport).

- Décret n° 78 du 20 Mars 1978

(JO du 23/03/78)

Relatif à l’emploi des fibres
d’amiante pour le flocage des bâtiments (interdisant
l’emploi des produits contenant plus de 1 %
d’amiante).

- Arrêté du 24 Octobre 1978

(JO du 11/11/78)

Prévoit les premiers agréments
d’organismes pour les prélèvements et comptages
de poussières d’amiante.

- Arrêté du 8 Mars 1979

(JO du 21/03/79)

Fixe les instructions techniques que doivent
respecter les médecins du travail assurant la surveillance
médicale des salariés exposés à
l’inhalation des poussières d’amiante.

- Circulaire du Ministère de la
Santé et de la Sécurité Sociale du 10
Février 1981.

Relative à la surveillance médicale des
travailleurs exposés à l’amiante.

- Circulaire DGR n° 1182-81 du 26 Août
1981

Relative à la surveillance médicale des
travailleurs exposés à l’action des
poussières d’amiante.

- Arrêté du 19 Février 1985

Fixe la liste des travaux pour lesquels il ne peut
être fait appel aux salariés des entreprises de
travail temporaire (travaux de déflocage et
démolition exposant aux poussières
d’amiante).

- Décret n° 85-630 du 19 Juin 1985

Modification du tableau n° 30 : le délai
de prise en charge des affections bénignes passe de 5
à 10 ans. Celui du mésothéliome passe de 5
à 15 ans. Le cancer du poumon est intégré au
tableau.

- Décret n° 87-232 du 27 mars 1987

Modifie le décret 77-949 du 17 Août
1977.

- Décret n° 88-466 du 28 avril 1988

Relatif aux produits contenant de
l’amiante.

- Circulaire DRT n° 88/15 du 8 août
1988

- Arrêté du 8 octobre 1990

abrogeant et remplaçant
l’arrêté du 19 février 1985

Interdit aux travailleurs salariés des
entreprises de travail temporaire et aux salariés sous
contrat à durée déterminées les travaux
de déflocage et de démolition exposant aux
poussières d’amiante.

- Décret n° 92-634 du 6 juillet 1992

(JO du 10/07/92)

Modifie le décret n° 77-949 du 17
août 1977 relatif aux mesures particulières
d’hygiène applicables dans les établissements
où le personnel est exposé à l’action
des poussières d’amiante.

- Arrêté du 8 mars 1993

(JO du 18/03/93)

Modifie et complète
l’arrêté du 25 Août 1977 (modifié)
relatif au contrôle de l’empoussièrement dans
les établissements où le personnel est exposé
à l’action des poussières d’amiante.

- Décret n° 94-645 du 26 Juillet 1994
 :

(JO du 28/07/94)

Modifie le décret n° 88-466 du 28 avril
1988 relatif aux produits contenant de l’amiante. Ce
décret bannit l’utilisation des amphiboles
(actinolite, amosite, anthophyllite, crocidolite et
trémolite) sur le territoire français.

- Circulaire DGS/VS3/94/N°70 du 15 Septembre 1994
 :

Relative aux procédures et règles de
travail à mettre en oeuvre pour procéder au
déflocage, au retrait et à l’élimination
de l’amiante ou de matériaux friables contenant de
l’amiante dans des bâtiments, sur des structures ou
installations.

- Arrêté du 28 février 1995 :

(JO du 22/03/95)

Fixe le modèle type d’attestation
d’exposition et les modalités d’examen dans le
cadre du suivi post-professionnel des salariés ayant
été exposés à des agents ou
procédés cancérogènes.

- Décret n° 96-97 du 07 Février
1996 :

(JO du 8/02/96)

Relatif à la protection de la population
contre les risques sanitaires liés à une exposition
à l’amiante dans les immeubles bâtis

- Décret n° 96-98 du 07 Février
1996 :

(JO du 8/02/96)

Relatif à la protection des travailleurs
contre les risques liés à l’inhalation de
poussières d’amiante.

- Arrêté du 4 avril 1996

Modifie l’arrêté du 8 octobre 1990
fixant la liste des travaux pour lesquels il ne peut être
fait appel aux salariés sous contrat de travail à
durée déterminée ou aux salariés des
entreprises de travail temporaire.

- Arrêté du 14 Mai 1996 :

(JO du 23/05/1996)

Relatif aux modalités du contrôle de
l’empoussièrement dans les établissements dont
les travailleurs sont exposés à l’inhalation
des poussières d’amiante.

- Arrêté du 14 Mai 1996 :

(JO du 23/05/1996)

Relatif aux règles techniques que doivent
respecter les entreprises effectuant des activités de
confinement et de retrait de l’amiante.

- Décret n° 96-445 du 22 mai 1996

(JO du 25/05/1996)

Modifie et complète les tableaux des maladies
professionnelles annexés au Livre IV du Code de
Sécurité Sociale (pour l’amiante : tableau 30
et 30 bis)

- Décret n° 96-446 du 22 mai
1996

(JO du 25/05/1996)

Relatif aux maladies professionnelles et modifiant le
Code de la Sécurité Sociale.

- Loi du 28 Mai 1996 :

Possibilité pour l’Inspection du Travail
de prendre toutes mesures, y compris l’arrêt temporaire
du chantier en cas d’absence de dispositif de protection dans
le cadre du retrait de l’amiante (article L.231-12 du Code du
Travail).

7 : LA RESPONSABILITE DES INDUSTRIELS, DE LEURS
COMPLICES

ET DES RESPONSABLES PUBLICS CHARGES DE LA
PREVENTION :

En ce qui concerne l’asbestose, il est clair
que les données médicales disponibles depuis le
début du siècle et plus encore depuis les
années 1930 auraient dû conduire, dès cette
époque, à de sévères mesures de
prévention.

Aucune décision ne fut prise en FRANCE avant
l’année 1977 et encore fut-ce seulement en
réponse à la campagne initiée par le collectif
JUSSIEU.

Il semble que le corps médical, pourtant
témoin des effets de l’amiante sur la santé ne
se soit guère ému de l’absence de toute
prévention de l’asbestose.

En ce qui concerne le pouvoir
cancérogène de l’amiante, responsable des
effets les plus graves, les données disponibles au plus tard
en 1965 auraient dû précipiter la prise de
décision dans le cadre d’une politique de
prévention.

Rien ne fut entrepris.

Comme l’écrivit, en 1965, le Professeur
TURIAF : " En FRANCE, le problème asbestose - cancer
ne paraît pas avoir préoccupé grand
monde ".

Pourtant après l’année 1975, la
presse consacra jusqu’à 150 articles par mois au
problème de l’amiante. Aussi convient-il de
s’intéresser essentiellement, au plan de la recherche
des responsabilités, à ce qu’entreprirent
après 1975 :

- les Chambres Syndicales de
l’amiante
, l’Association Française de
l’Amiante
et de certains de leurs membres,

- le Comité Permanent Amiante,

- les Pouvoirs Publics et les diverses
autorités chargées de la veille sanitaire.

7-1 : LES PRINCIPAUX SITES DE TRANSFORMATIONS
D’AMIANTE EN

1995 (AFA FEVRIER 1995)

ALLIED SIGNAL MF ETERNIT SA

Z.I. - B.P. 83 Route de Tersac

14110 CONDE S/ NOIREAU 81150 MARSSAC S/ TARN

ETERNIT SA ETERNIT SA

B.P. 6 B.P. 1

59224 THIANT 78520 VERNOUILLET

ETERNIT SA PONT A MOUSSON

Vitry en Charolais B.P. 41

71600 PARAY LE MONIAL 26140 ST RAMBERT
D’ALBON

ETERNIT SA ETS EVERSTOP

B.P. 1 B.P. 9

35760 SAINT GREGOIRE 76133 EPOUVILLE

EVERITE SA FILATURE DE LA VERE

BP 209 B.P. 3

37160 DESCARTES 61430 ATHIS DE L’ORNE

FERLAM FLERTEX

B.P. 1 B.P. 54

61430 ATHIS DE L’ORNE 89600 SAINT FLORENTIN

FERODO ABEX FREIX SA

B.P. 133 5 Rue Alexandre Genet

60400 NOYON 28700 AUNEAU

FREIX SA PORTERET BEAULIEU

Route Courcemont INDUSTRIE

72110 BONNETABLE Bésouotte

21310 MIREBEAU S/ BEZ

ETS PATOURET DUBOIS SOFAJOINT

Route de Méluzier 3 Rue de Seine

89200 AVALLON 91170 VIRY CHATILLON

SALLENS INDUSTRIES SCREG ROUTES

B.P. 1 - Reynie B.P. 100

82370 LABASTIDE SAINT PIERRE 78025 ST QUENTIN EN

YVELINES

SILITEX

B.P. 36 - 76133 EPOUVILLE

(Joint, textile, carton

haute température)

7-2 : L’ACTION PUBLIQUE DES CHAMBRES
PATRONALES ET DE

L’ASSOCIATION FRANCAISE DE L’AMIANTE.

A la diffusion des informations sur les dangers de
l’amiante, la Chambre Syndicale de l’Amiante dont le
siège est à 75008 PARIS 10 Rue de la
Pépinière et le Syndicat de l’Amiante-Ciment
ripostèrent dès 1976 et au début de
l’année 1977 par des communiqués et par
l’édition d’un livre et d’une brochure
(" AMIANTE, LA VERITE ", " VIVRE AVEC
L’AMIANTE , FIBRE DE LA TERRE ").

Dans la brochure " VIVRE AVEC
L’AMIANTE... "
, l’aspect naturel du
matériau est exploité à des fins
commerciales.

A la question " l’amiante est-il
dangereux ? ",
la brochure répond :
"

non, l’amiante n’est pas un poison ".

Cette affirmation est mensongère
puisqu’alors plus personne n’ignorait que
l’amiante était un cancérogène faisant
de plus en plus de morts dans le secteur industriel.

La négation du qualificatif de poison est bien
sûr atténuée par la suite du texte :

" Seules ses poussières peuvent
être dangereuses "...

Il s’agit d’un début de
vérité, aussitôt atténuée par
l’injonction : " il faut garder à
l’esprit qu’il n’y a pas de communes mesures
entre la quantité de poussière qui peut exister
à l’échelle industrielle (contre lesquelles
l’homme a appris à lutter) et celle qui peut
éventuellement se dégager dans une
maison ".

De fait, les auteurs paraissent hésiter entre
deux lignes de défense :

- la négation pure et simple :
" l’amiante n’est pas un poison ",

- la reconnaissance que l’amiante est un
poison mais en ajoutant " c’est la dose qui fait le
poison "
et l’amiante que vous inhalez, même
en milieu industriel, ne l’est qu’à faibles
doses. En conséquence les effets nuisibles pourraient
être facilement évités.

Si la première ligne de défense repose
sur une contre-vérité évidente à cette
époque (fin 1976), la seconde n’est pas plus recevable
si on veut bien se rappeler que dès 1960, il était
connu que les victimes de mésothéliome apparaissaient
aussi bien pour de fortes expositions que pour de faibles
expositions (environnement de proximité). Ainsi dans
l’étude de référence de WAGNER de 1963,
plus de la moitié des victimes de mésothéliome
n’ont eu qu’une exposition environnementale.

S’il est vrai que dès 1930, il est connu
que l’asbestose est une maladie dose - dépendante
classique, que l’on ne verra pas se manifester nettement pour
de faibles expositions, il n’en est plus de même avec
les cancers.

Chacun, dès cette époque, en est bien
persuadé dans les milieux scientifiques et médicaux.
Toute exposition à un cancérogène
entraîne un risque
. Le cancer n’est pas une maladie
dose - dépendante classique dont le degré de
gravité est fonction de la dose.

Dans la brochure " VIVRE AVEC
L’AMIANTE... "
, le cancer broncho-pulmonaire
n’est présenté que comme " une
complication possible de l’asbestose "
et non comme
une maladie indépendante, de mécanisme
différent. En dépit des données de
l’épidémiologie, il est affirmé que
" le nombre de cancers bronchiques chez l’ensemble
des ouvriers de l’amiante ne semble pas plus
élevé que le nombre de cancers bronchiques dans la
population générale du même
âge ".

Quant au mésothéliome, il est
défini comme une forme très rare de cancer, sans
préciser " très rare dans les populations non
exposées à l’amiante ".
Qui plus est,
sans preuve, le mésothéliome est
présenté comme non exclusivement lié à
l’amiante.

L’argumentation dans les livres, brochures,
communiqués qui vont suivre ne changera guère dans
les mois et années suivantes.

Dans l’ouvrage " L’AMIANTE, LA
VERITE "
(diffusé au début de
l’année 1977), il faut cependant noter une affirmation
mensongère supplémentaire : " l’amiante
n’est pas un cancérogène direct du
poumon ".

Or, depuis plusieurs années, et en particulier
depuis 1974, les données obtenues en expérimentation
animale avaient permis de confirmer totalement les données
humaines. L’amiante est bien un cancérogène
direct du poumon, en ce sens que son action
cancérogène n’implique pas l’apport
obligatoire d’une autre substance
cancérogène.

La ligne de conduite étant fixée sur le
fond, quels furent les modes d’intervention que vont choisir
les Chambres Patronales pour la faire triompher et maintenir un
large usage de l’amiante ?

- Tout d’abord dénoncer ceux qui se
sont fait prendre et ont ainsi illustré les scandaleuses
conditions de travail dans l’industrie transformatrice
d’amiante. La Société AMISOL est
répudiée par de grands placards publicitaires dans
toute la presse (novembre 1976) !

- Puis reconnaître qu’il existe des
maladies professionnelles dues à l’amiante mais que
les mesures de protection prises permettront de les faire
disparaître dans le futur.

- Enfin dénoncer la mauvaise utilisation
" du flocage d’amiante ".

Ces sacrifices étant consentis, et du lest
ayant donc été lâché, les Chambres
Syndicales relancent alors la vieille stratégie d’un
comité scientifique qui pourra servir de caution à
leurs objectifs commerciaux sinon mercantiles.

Le Professeur CHAMPEIX, gravement compromis dans
l’affaire AMISOL est abandonné... Aussi un appel
d’offre est-il lancé pour " créer et
soutenir, avec les moyens utiles, un comité scientifique
ouvert à tous les scientifiques compétents afin (...)
de définir les conditions dans lesquelles l’amiante ne
fait courir aucun risque pour la santé ".

Le livre, " AMIANTE, LA VERITE ",
qui publie cette proposition dénonce en même temps les
avis " alarmants " des Professeurs SELIKOFF et
BIGNON.

Ce dernier ripostera par une lettre adressée
à Monsieur Raymond BARRE. La création d’un
comité devra alors être remis à plus tard,
malgré la réunion à grands frais d’un
colloque international à BEAUBOURG, le 6 mai 1977.

Prête en particulier la main à ce
" colloque pour la création et le soutien d’un
comité scientifique
", le Professeur E. FOURNIER,
Président de la Commission des Maladies
Professionnelles...

Dès cette époque les Chambres
Patronales ont confié la responsabilité de leur
communication à un cabinet de relations publiques (C.E.S. -
10 Avenue de Messine 75008 PARIS) dirigé par Monsieur
VALTAT.

En 1981, un changement intervient au niveau de la
communication. Les Chambres Syndicales s’effacent
derrière un nouveau né, l’Association
Française de l’Amiante (A.F.A.), elle-même
très probablement membre dès cette époque de
l’Association Internationale de l’Amiante (A.I.A.).

C’est le cabinet C.E.S. qui organisera
l’étape importante suivante dans la stratégie
de communication de l’A.F.A. soit un congrès
international auquel participèrent 700 personnes à
MONTREAL durant le mois de mai 1982. Les invitations furent
lancées, tous frais payés, en direction des
syndicalistes, journalistes, personnalités scientifiques et
responsables ministériels.

Dans le prolongement du congrès de MONTREAL
deux réunions seront organisées par l’AFA :

- L’une le 20 septembre 1982 : elle
réunit des responsables ministériels et syndicaux,
ainsi que trois personnalités du monde médical et
scientifique.

- L’autre le 9 novembre 1982,
journée d’étude destinée à
sceller un certain type d’alliance et de compromis entre les
dirigeants de l’industrie de l’amiante, les
Ministères, quelques syndicalistes et quelques
médecins et scientifiques.

Le coup d’envoi à la création du
" Comité Permanent de l’Amiante " (C.P.A.)
était donné.

Suivent douze années durant lesquelles
l’AFA va s’effacer derrière le CPA, promu
structure de référence sur le problème de
l’amiante...

7-3 : Le rôle du Comité Permanent de
l’Amiante (C.P.A.)

7-3.1 : Qu’est-ce que le Comité
Permanent Amiante ?

Dans son " Livre Blanc " :
" l’usage contrôlé " de
l’amiante, utopie ou réalité "
, le
C.P.A se définit ainsi. :

" Le C.P.A. n’est pas une organisation au
sens juridique du terme (...) il n’a pas de statuts ni de
règlement intérieur (...) il n’a pas de
siège social ".

Selon une formule dont la paternité est
attribuée à Monsieur Dominique MOYEN, Directeur
Général de l’I.N.R.S., le C.P.A. est
" un lieu vide, un lieu commun, à la disposition de
tous, où l’on pourrait se retrouver pour
échanger des idées sur les ordres de priorité,
avoir une vue critique sur ce qui se passe, essayer
d’échanger des idées sur les
vérifications des mesures, provoquer des échanges
contradictoires "
.

Plus loin on peut lire :

" Ainsi naquit le C.P.A. essentiellement
composé de bonnes volontés ".

Le but affiché est
" l’amélioration des conditions de travail et
spécifiquement des conditions
d’empoussièrement "
qui, ajoute le C.P.A.
" a fait l’objet de longues séances de
concertation basées sur le principe de l’usage
contrôlé de l’amiante
".

Ainsi apparaît d’entrée, mais en
filigrane, le véritable but du C.P.A. : promouvoir
" l’usage contrôlé de
l’amiante " ce qui, dans le contexte de
l’époque (1982), signifiait éviter
l’interdiction de l’amiante vers laquelle se
dirigeaient déjà plusieurs pays européens. On
sait que, depuis, sept pays européens ont totalement
interdit l’usage de l’amiante.

Quant à l’action visant à
" l’amélioration des conditions du
travail ", elle ne s’est guère traduite au niveau
des travailleurs concernés. Il faut dire que le CPA,
préférait louer les actions de l’industrie,
qu’il décrit comme ayant montré la
" capacité, non seulement à respecter les normes
réglementaires, mais plus encore à proposer de les
abaisser " (Livre Blanc, page 13).

La réalité ne confirme pas
l’image d’un organisme composé d’Experts
et de personnes de bonne volonté.

En fait le C.P.A. est le " Comité
Scientifique " que la Chambre Syndicale de l’Amiante
puis l’AFA cherchaient depuis plusieurs années
à créer.

La S.A. COMMUNICATIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES
(C.E.S.) créée en 1966 est, sans discussion possible,
une entreprise de lobbying, elle est d’ailleurs devenue
membre de l’Association Française des Conseils en
Lobbying (A.F.C.L.).

Cette Association professionnelle fondée en
1991 regroupe les principaux cabinets conseils professionnels
exerçant cette activité en FRANCE depuis au moins
deux années.

L’Entreprise C.E.S. aux termes de ses statuts a
eu pour objet dès 1967 " l’exercice,
directement ou indirectement en FRANCE ou à
l’étranger, de toute activité concernant les
communications sociales ou économiques
et comportant,
notamment, l’exécution de tous travaux
d’édition et d’imprimerie pour le compte des
tiers "...

Dans la plaquette de présentation de
l’Association des Conseils en Lobbying, le lobbyiste est
présenté comme un professionnel au service des
entreprises
et des collectivités. Il intervient
" pour traduire le discours technique de l’entreprise
ou du secteur d’activité dans un langage qui tient
compte des préoccupations des pouvoirs publics et de
l’intérêt général ".

Pour y parvenir, le lobbyiste met en oeuvre une
" méthodologie scientifique ".

" Il procède à l’analyse du
contexte politique, économique, juridique et social dans
lequel s’inscrivent les intérêts de son
client
. A partir de l’instruction du dossier il
préconise une stratégie de relation
avec les pouvoirs publics et les autres pouvoirs
(médias, milieux scientifiques, organisations
communautaires et internationales ).

Il identifie les " publics cibles " et
assure la liaison permanente et l’information entre son
client et les représentants de ces pouvoirs... ".

La conclusion de l’Association Française
des Conseils en Lobbying est très inquiétante :

" Le lobbyiste est un professionnel au service
des entreprises et des collectivités. Son action vise
à expliquer et faire valoir les intérêts
particuliers susceptibles d’être lésés
par une priorité accordée, sans nuance, à
l’intérêt
général
... " (SIC).

*

* *

Dans la même plaquette (page 19), les
principales Sociétés de lobbying se
présentent. Monsieur Jean-Pierre HULOT, l’actuel
Président Directeur Général de C.E.S.,
décrit son entreprise. Il cite comme étant ses
premiers clients :

- l’A.F.A. (Association Française
de l’Amiante),

- l’A.I.A. (Association Internationale de
l’Amiante).

*

* *

Il est donc clair que la Société
COMMUNICATIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES, entreprise de lobbying dont
les principaux clients sont les industriels de
l’amiante, a mis en place et orchestré
l’activité du C.P.A. durant plus de dix ans afin (pour
reprendre la formule de l’A.F.C.L.) de faire valoir des
intérêts particuliers susceptibles d’être
lésés (ceux des industriels de l’amiante) par
une priorité accordée sans nuance à
l’intérêt général (la santé
des citoyens)
.

7-3-2 Les actions du C.P.A.

Le C.P.A. se présente donc comme un
Comité d’Experts, d’industriels, de Responsables
des pouvoirs publics et de partenaires sociaux qui débattent
" raisonnablement " dans l’intérêt de
la collectivité. Intérêt doit être
compris dans un sens économique plus que dans un sens de
santé publique.

Pour promouvoir l’" usage
contrôlé de l’amiante " le C.P.A. a
multiplié les actions.

1 ð En direction du grand public : il
s’agit de rassurer et de désinformer une population de
plus en plus inquiète des dangers de l’amiante.

2 ð En direction de la
communauté médicale et scientifique : il s’agit
d’en contrôler le discours et, autant que possible, de
tenir le monopole de l’expertise scientifique sur
l’amiante.

3 ð en direction des pouvoirs publics
 : il s’agit d’influencer les autorités et
d’éviter l’élaboration d’une
législation trop contraignante pour les industriels et
surtout l’interdiction de l’amiante.

7-3-2-1 Communication vers le grand public :
RASSURER et

DESINFORMER

Le C.P.A. diffuse largement les brochures
élaborées par ses membres, ceux-ci s’expriment
également par tous les moyens des médias, organisent
des conférences de presse, etc...

Dans une brochure intitulée
" L’AMIANTE ET LA SANTE, CE QUE VOUS DEVEZ
SAVOIR ET FAIRE SAVOIR
" on peut lire page 9 :

" L’amiante est dangereux pour la
santé. Il doit être utilisé correctement. Ceci
ne doit pas nous effrayer car dans notre vie nous sommes chaque
jour au contact de matériaux ou
d’éléments dangereux, mais doit nous inciter
à être très vigilants.

Selon qu’ils sont bien ou mal utilisés,
ces matériaux et ces éléments peuvent
être relativement sûrs et utiles ou au contraire
dangereux et inadaptés.

Ne pensez-vous pas que l’eau, le feu,
l’électricité, les automobiles, les machines...
peuvent être selon qu’on les maîtrise ou non les
choses les meilleures ou les plus dangereuses ?

Rappelons que nous avons appris à manipuler en
sécurité les explosifs et les matériaux
radioactifs ".

Certes, le C.P.A. ne prétend plus que
" l’amiante a plus que des applications
industrielles, il vous rend des services chez vous "
comme
dans la brochure " VIVRE AVEC L’AMIANTE ".
(éditée par C.E.S. en 1976).

Il reconnaît même que
" l’inhalation de poussières d’amiante
peut provoquer l’apparition de quatre maladies chez
l’homme : l’asbestose, les lésions pleurales, le
cancer du poumon et le mésothéliome ".

Mais il évite soigneusement de chiffrer les
dégâts causés par l’amiante, et le seul
chiffre qu’il donne est faux ; ainsi on peut lire dans
l’" AMIANTE ET LA SANTE " (1994) que :

" Le mésothéliome est un cancer
rare, moins de 200 cas par an en FRANCE ".

Il faut noter qu’en 1994, les statistiques
disponibles de l’INSERM (plusieurs Experts du C.P.A. sont
chercheurs à l’INSERM) indiquaient, pour
l’année 1992, un chiffre de 845 décès
par mésothéliome et cancer primitif de la
plèvre.

LE C.P.A essaie de faire croire que la population ne
court aucun danger, que seuls les professionnels de l’amiante
sont exposés mais que ce risque est aujourd’hui
" bien maîtrisé ".

Lorsqu’en 1994, les feux de
l’actualité éclairent à nouveau la
question de l’amiante et surtout le problème des
bâtiments floqués, le C.P.A organise le 7 novembre une
conférence de presse intitulée :

" Faut-il avoir peur de l’amiante
 ? ".

Le but de cette conférence dont les orateurs
sont Messieurs BIGNON, BROCHARD, LAFOREST et BARREGE est clairement
de s’opposer à la mobilisation contre l’amiante
qui débute alors. Le propos est assez bien
résumé par le journal " Libération "
qui en rend compte sous le titre " L’amiante
n’est pas toujours dangereux, affirment les médecins
et industriels ".

Le C.P.A. reconnaît, à cette occasion,
que :

" Le personnel d’entretien des
bâtiments comportant des flocages à l’amiante
peut être soumis à des expositions significatives
compatibles avec l’émergence de pathologies
spécifiques ".

Mais insiste sur le fait que :

" sous l’angle du risque pour la
santé des occupants il n’y a aucune raison de retirer
arbitrairement les flocages à base d’amiante des
bâtiments correctement entretenus ".

Réapparaît ainsi l’idée que
seules les expositions professionnelles peuvent engendrer des
pathologies : on remarquera que le secteur professionnel est
singulièrement élargi : il comprend donc tous les
ouvriers du bâtiment et de la maintenance !

Le C.P.A ne précise pas bien sûr ce que
signifie " entretenir correctement un
flocage ".

Le C.P.A entretient systématiquement le doute
auprès du grand public et des pouvoirs publics.

Ainsi la question des bâtiments floqués
n’est abordée le plus souvent que sous l’angle
du danger des déflocages mal faits. Ainsi lors de la
conférence du 7 novembre 1994, le docteur BROCHARD insista
sur le fait que " dans certains cas, retirer le flocage est
plus risqué que de le laisser ". (LE MONDE, 7
décembre 1994).

Même stratégie du doute concernant les
produits de substitution :

" les mêmes précautions de mise en
oeuvre doivent être maintenues pour ces produits de
remplacement comme pour ceux à base
d’amiante ".

Ces produits seraient-ils aussi dangereux que
l’amiante ? Tel est probablement le cas des fibres
céramiques, mais sûrement pas par exemple des fibres
végétales utilisées comme produit de
remplacement dans l’application la plus importante :
l’amiante-ciment.

7-3-2-2 Le discours scientifique du C.P.A.

Le discours scientifique du C.P.A. ne cherche pas
à nier que l’amiante est cancérigène
mais s’applique à minimiser l’ampleur des
dégâts et à en rejeter la responsabilité
sur le manque de précaution dans le passé.

Un des arguments le plus récurrent repose sur
les temps de latence :

" Ce long délai explique que les maladies
constatées aujourd’hui proviennent d’une
exposition ancienne, à une époque où les
maladies dues à l’amiante étaient mal connues.
Il faudra malheureusement attendre quelques années pour
apprécier progressivement les effets des mesures de
sécurité qui sont en vigueur actuellement ".

Les cancers causés par l’amiante
mettent, en effet, 30 à 40 ans pour se développer,
cet argument pourrait permettre de vendre impunément de
l’amiante pendant un certain temps. Notons aussi que les
mesures de sécurité prévues par le
décret de 1977 étaient, en 1994, à peu
près appliquées dans l’industrie
transformatrice de l’amiante, mais beaucoup plus difficiles
à mettre en oeuvre pour la majeure partie des ouvriers
exposés, ceux du bâtiment.

Un deuxième argument tente d’escamoter
l’existence des cancers du poumon en insistant sur le fait
que " le tabac est un facteur aggravant de ce
risque "
puis en insinuant que
" l’augmentation du risque a surtout
été démontrée lorsqu’il existe
une fibrose associée "
.

Comme le C.P.A. laisse par ailleurs entendre que le
risque de fibrose est " bien maîtrisé " et
quasiment nul aux doses autorisées actuellement, il incite
le lecteur à conclure qu’il en est de même pour
le cancer du poumon.

On a vu que le C.P.A. s’est permis de tricher
avec les données scientifiques de mortalité par
mésothéliome. Il reconnaît que :

" Environ 70 % des cas de
mésothéliome ont atteint des personnes ayant
été exposées aux poussières
d’amiante " .

...mais oublie de préciser que l’amiante
est le seul facteur étiologique connu du
mésothéliome ; ce qui est suggéré
encore une fois est que seules les personnes exposées
professionnellement risquent de développer un
mésothéliome

Le C.P.A. est parvenu jusqu’à environ
1994, à exercer un monopole d’expertise sur
l’amiante qui lui a été très utile pour
influencer les pouvoirs publics.

Dans son " Livre Blanc " il résume
sa position en estimant que :

" Si dans le passé les activités
de transformation des matériaux ont engendré des
risques importants, l’amélioration des conditions de
travail conduit aujourd’hui à une solution socialement
acceptable ".

7-3-3-3 L’action en direction des pouvoirs
publics

On peut mesurer l’influence du C.P.A. en
comparant les mesures et législation adoptées dans
divers pays européens de 1982, date de la création du
C.P.A., à 1994, date où il connaît un relatif
discrédit (durant 1995 notamment les représentants de
l’Etat puis ceux de la C.G.T. cessèrent de collaborer
avec le C.P.A.).

Alors que la gestion du problème des
bâtiments floqués était fortement
influencée en FRANCE par le C.P.A. - à
l’occasion de sa conférence de Presse du 7 novembre
1994, le même C.P.A. se félicite de ce que
" la circulaire publiée par le Ministère de
la Santé le 15 septembre 1994 reprenne en substance la
méthodologie de sa brochure déjà
publiée sous l’égide de plusieurs
ministères. ". A
lors qu’à la
même époque, plusieurs pays voisins choisissaient
d’interdire l’amiante et de développer une
politique cohérente de décontamination des
bâtiments, rien ne fut réalisé en FRANCE entre
1982 et 1994.

Mais la plus grande réussite politique du
C.P.A. est, selon " son Livre Blanc ", d’avoir
bloqué une directive européenne
élaborée dès 1990 et proposant
l’interdiction de l’amiante.

A la page 25, de son " Livre Blanc ", le
C.P.A. décrit très minutieusement l’ensemble de
ses interventions auprès des instances européennes
afin que la Commission abandonne le principe d’abolition
obligatoire tout en laissant les pays qui le souhaitent interdire
l’usage de l’amiante sur leur territoire.

Le C.P.A. n’hésite pas à avancer
des arguments (page 46) comme :

" Le projet d’interdiction est un projet
dangereux pour la santé des travailleurs en ce qu’il
ne règle en rien les séquelles du passé et
risque d’entraîner un abandon des dispositifs de
protection pendant la période
intermédiaire ".

Le C.P.A. insiste sur les conséquences sur
l’emploi :

" Le projet d’interdiction est un mauvais
projet en ce qu’il sera générateur de
chômage ".

Le C.P.A. affirme sa volonté (page 27 du Livre
Blanc) " de préserver une expérience sans
précédent, de sauvegarder à la fois la
santé publique et des milliers d’emplois
précieux... ".

Le C.P.A. tente ainsi de présenter la position
française comme exemplaire pour la Communauté
Internationale.

Il n’est cependant pas inutile d’attirer
l’attention sur l’extrême lucidité des
membres du C.P.A. qui écrivaient (" Livre Blanc "
page 28) " finalement ce qu’a permis le C.P.A.
c’est de faire de la FRANCE, le seul pays au monde qui
ait pu conserver une activité industrielle
performante
en préservant l’homme, la nature et la
société des risques associés à
l’usage d’un produit dangereux mais utile.

Cet acquis, aussi positif qu’il puisse
paraître, ne doit pas laisser méconnaître que
certains domaines importants restent encore mal connus.

C’est le cas en particulier des utilisateurs
anciens et actuels de matériaux contenant de
l’amiante pour lesquels on ne dispose pas
d’évaluation précise des expositions alors que
certaines données montrent que le risque a été
réel et qu’il peut persister... ".

Dès lors, c’est bien
délibérément que le C.P.A. a
mené cette politique de désinformation en sachant que
" certains domaines particulièrement
important "
comme " le cas des utilisateurs
anciens et actuels "
de matériaux
contenant de l’amiante étaient encore mal
connus...

Il a pu le faire grâce au concours
d’Experts Médecins et de membres de l’INRS, qui
ont participé à ses activités et
apporté leur caution.

7-4. L’ACTION PUBLIQUE D’ETERNIT, DU
SIFF ET DE L’AFA DE

1994 à 1996

Au terme de la mobilisation contre l’amiante
qui débuta durant l’automne 1994, le Comité
Permanent Amiante connaît un relatif discrédit. Les
industriels transformateurs d’amiante prennent alors le
relais et organisent eux-mêmes leur communication :

En juin 1995, l’Association Française de
l’Amiante (AFA) publie un communiqué de presse et le
" Mémorandum de l’AFA ".

Durant le mois d’octobre 1995, le Syndicat des
Industries Françaises de Fibres-Ciment (SIFF), publie une
brochure : " AMIANTE-CIMENT ET AMIANTE ".

Entre mai 1995 et décembre 1995, ETERNIT
publie de nombreuses lettres, articles ou brochures dont
" LA VERITE SUR L’AMIANTE " (mai 1995), et
" AMIANTE, LA VERITE " (octobre 1995).

Les industriels entendent répliquer à
la presse qui dénonce les dangers de l’amiante et
à l’imminence d’une législation plus
restrictive, qu’ils ne pourront éviter.

La Société ETERNIT, écrit ainsi,
le 6 octobre à ses " partenaires de la
construction " :

" Vous avez sans doute été
interpellé par la campagne " anti-amiante " qui se
développe actuellement en FRANCE et qui est
orchestrée par les différentes organisations dont le
but avoué est d’obtenir l’interdiction de
l’amiante ".

Evoquant " les pays qui ont adopté des
politiques plus restrictives "
l’AFA écrit
que  :

" Leur décision est respectable,
mais ne peut pas servir d’exemple systématique pour
justifier une généralisation de ces politiques "
( 13 juin 1995)

Le but des industriels est clairement de continuer
à vendre de l’amiante. Pour justifier le maintien de
l’usage de ce produit cancérigène en FRANCE,
ils utilisent une triple ligne de défense, basée sur
autant de contre-vérités :

. Innocenter le chrysotile, en
prétendant que les dangers associés à
l’amiante proviennent en fait essentiellement de
l’utilisation d’amphiboles.

. Minimiser les risques liés
à l’amiante-ciment, qui représente actuellement
95 % de l’amiante utilisé en FRANCE.

. Jeter la suspicion sur les
produits de substitution.

7-4.1. La distinction entre les
différentes variétés

d’amiante et l’occultation des risques
liés au

chrysotile :

ETERNIT (mai 1995) ne peut faire autrement que
reconnaître que " l’amiante inhalé peut
engendrer des pathologies ".
On le sait depuis le
début du siècle !

Mais, maintenant que les amphiboles sont interdits,
il lui semble opportun d’opérer une distinction entre
cette variété d’amiante et celle qui est
dorénavant la seule autorisée en FRANCE, le
chrysotile (amiante blanc). Le chrysotile serait presque inoffensif
comparé aux amphiboles, qui représenteraient
l’essentiel du risque.

Après avoir défendu
" l’usage contrôlé " de
l’amiante jusqu’à l’interdiction des
amphiboles, les industriels défendent dorénavant
" l’usage contrôlé de l’amiante
chrysotile "
(AFA, juin 1995 et ETERNIT, juillet
1995).

L’argument utilisé est
particulièrement spécieux :

" Dans la famille des amphiboles la
variété crocidolite (amphiboles) est clairement
associée à toutes les pathologies observées et
elle est plus clairement encore associée au
mésothéliome pleural (...). A l’inverse du
crocidolite, la variété chrysotile est chimiquement
dégradée assez rapidement dans le tissu pulmonaire
(...). Dans ces conditions, certains affirment même que le
risque de mésothéliome directement associé au
chrysotile serait pratiquement nul ".

S’il est vrai que le chrysotile est moins
inducteur de mésothéliomes que les amphiboles, il
n’en n’est pas moins certain que c’est un
cancérogène bien connu et que l’on ne peut
prétendre que le chrysotile n’est pas
" associé à toutes les pathologies
observées "
(liées à
l’amiante).

Pour les pathologies autres que le
mésothéliome (cancer du poumon, asbestose et plaques
pleurales), on ne peut faire de différence certaine entre
chrysotile et amphiboles.

7-4.2. La minimisation des risques liés
à l’utilisation de

l’amiante-ciment

La Société ETERNIT, sous le titre
" Les produits en amiante-ciment présentent un
danger lié à l’amiante : FAUX "
,
développe l’idée que :

" Les fibres de chrysotile sont
complètement emprisonnées dans la matrice
cémentaire qui empêche la diffusion de fibres de
chrysotile dans l’atmosphère ".

Or, il ne faut pas arrêter la lecture à
ce point, car l’on pourrait croire que l’amiante-ciment
est inoffensif. ETERNIT atténue, en effet, la portée
de ce propos en reconnaissant que :

" Les produits en amiante-ciment
nécessitent des précautions. Lors de la mise en
oeuvre, il convient d’éviter au maximum les
dégagements de poussières lors des opérations
de découpe des matériaux en amiante-ciment. Si
nécessaire, Il convient de porter un masque de protection
respiratoire ".

Le chrysotile n’est donc pas aussi inoffensif
que le laisse penser le titre du paragraphe !

Si on peut espérer que les salariés
d’ETERNIT sont informés des dangers de
l’amiante, il est moins sûr que l’information
parvienne aux travailleurs du bâtiment. Quant aux bricoleurs,
connaissent-ils et appliquent-ils les précautions à
prendre quand ils coupent, percent ou poncent les matériaux
en amiante-ciment ?

N’est-il pas au minimum très imprudent
d’affirmer, comme le fait l’AFA (juin 1995) que :

" Pour ce qui concerne les produits finis,
à base d’amiante, qui continuent à être
manufacturés et utilisés, il faut
d’emblée souligner qu’ils ne peuvent contenir
que la variété d’amiante de type chrysotile
(amiante blanc) dont les risques sont aujourd’hui bien
maîtrisés ". ?

7-4.3. La suspicion jetée sur les produits
de substitution

" Il n’est pas établi que le
passage au " sans amiante " soit une solution meilleure
que l’usage contrôlé du chrysotile "
(ETERNIT, juillet 1995).

ETERNIT insiste sur les risques liés aux
produits connus de substitution à l’amiante :

" Les fibres de substitution sont-elles sans
risque ? ".

Telle est la question que se pose ETERNIT, pour
souligner :

" Qu’un certain nombre de fibres
utilisées pour substituer l’amiante sont
aujourd’hui suspectées d’être
également cancérigènes " (mai
1995).

Pour ETERNIT, il semble, en définitive,
préférable d’utiliser l’amiante, dont on
est sûr que c’est un cancérogène,
plutôt que des produits de substitution pour lesquels il y a
doute...

Certes, il est judicieux de mettre en garde contre
les risques que font courir d’autres fibres que
l’amiante, comme par exemple la fibre céramique. Mais
encore faudrait-il rappeler que ce ne sont pas les fibres qui sont
utilisées comme substitut à l’amiante dans le
fibro-ciment. On utilise pour cela des fibres
végétales (notamment la cellulose) qui ne
présentent pas de risques importants !

7-5. : LA RESPONSABILITE DES AUTORITES PUBLIQUES
CHARGEES DE

LA PREVENTION.

Le bilan des décisions réglementaires
prises en matière de prévention face au risque
amiante est aisé à dresser avant 1977,
puisqu’aucun texte ne parut avant une série de sept
décrets et arrêtés entre le 19 juin 1977 et le
24 octobre 1978, publiés en réponse à la
campagne d’information et aux articles parus dans la presse
depuis deux ans.

Ainsi 3 ans et demi se seront-ils
écoulés entre la parution du texte du BIT qui
représentait une incitation très forte à la
prévention et la mise en application des premiers textes
réglementaires en FRANCE.

Fortement interpellés par la presse et par les
partenaires sociaux, les Pouvoirs Publics sont alors contraints de
saisir divers organismes, en particulier le Conseil
Supérieur d’Hygiène Publique de FRANCE.

Ce dernier, qui joue un rôle consultatif
auprès de la Direction Générale de la
Santé (Ministère de la Santé), a entendu, dans
sa séance du 25 avril 1976, un rapport du Professeur BIGNON
qui déclare, en conclusion de son exposé :

" Etant donné l’accroissement
exponentiel de la production d’amiante pendant les 30
à 40 dernières années, qui est passé de
500 000 tonnes à 5 millions de tonnes, on peut
prévoir pour les années à venir une
augmentation progressive de la fréquence des cancers
liés à l’amiante, notamment des
mésothéliomes, y compris sans doute dans la
population générale du fait d’une contamination
de l’environnement "..

Aussi, les pouvoirs publics, devant
l’évidence, publient-ils deux séries de textes
 :

- les uns sont élaborés par le
Ministère du Travail. Le texte le plus important est le
décret 77-949 du 17 août 1977 qui resta en vigueur,
sous réserve de quelques modifications, jusqu’au mois
février 1996,

- les autres furent élaborés par
le Ministère de la Santé et portent essentiellement
sur le flocage d’amiante.

Le décret du 17 août 1977
était évidemment un progrès puisqu’il
venait combler, partiellement, un vide réglementaire complet
en matière de prévention. Il ne fut
négocié, pour l’essentiel, qu’avec les
seules entreprises de l’industrie de l’amiante. Nous en
voulons pour preuve la lettre du 11 janvier 1977 adressée
par trois fédérations C.G.T. à la Chambre
Syndicale de l’Amiante et au Syndicat de
l’amiante-ciment (annexe 15 de l’ouvrage :
" AMIANTE, LA VERITE "), lettre où
l’on peut lire :

" Vous n’ignorez pas qu’un projet de
réglementation est en cours d’étude dans les
services de certains Ministères. Nous avons de bonnes
raisons de croire que seules les organisations de salariés
sont exclues de la consultation. Mieux encore, le secret dont les
pouvoirs publics entourent cette étude à
l’égard de nos organisations de salariés, ne
procède pas d’une attitude normale, alors que votre
organisation est associée à cette étude depuis
de nombreux mois. Nous en voulons pour preuve, la réponse du
Ministre de la Santé publiée au Journal Officiel du
31 juillet 1976 à la question écrite n°
29.7070.

Dans ces conditions, nous apprécierons
vivement votre intervention auprès des Ministres
concernés par la réglementation en question pour
faire cesser cette attitude discriminatoire. Elle se poursuit, du
reste, en dépit d’une intervention
confédérale CGT - CFDT en date du 9 décembre
1976, à laquelle nos confédérations
n’ont même pas reçu de réponse à
ce jour. Votre démarche nous paraîtrait être
conforme au dernier point avancé dans la déclaration
que vous avez rendue publique, lorsque vous indiquez vouloir
collaborer avec les pouvoirs publics et les " partenaires
sociaux " pour reprendre votre propre expression : à
l’établissement et à la stricte application
d’une réglementation des conditions de travail et
d’emploi dans l’amiante.

Il nous paraîtrait très conforme
à l’intérêt des salariés, pour ce
qui concerne leur santé à la fois à
l’intérieur et à l’extérieur de
l’entreprise, d’obtenir des pouvoirs publics, une
consultation de l’ensemble des interlocuteurs. La partie
salariale ne saurait se contenter d’être
consultée lorsque les textes élaborés seront
présentés à la Commission
d’Hygiène Industrielle auprès du Ministre du
Travail ".

Mais ce décret du 17 août 1977 ne
répondait pas aux exigences d’une véritable
politique de prévention, exigences telles qu’elles
apparaissaient alors dans le rapport du groupe d’Experts du
BIT, dans la déclaration du 16-19 août 1976 de la
Conférence Mondiale de la FIOM (Fédération
Internationale des Ouvriers de la Métallurgie) et dans les
divers textes du Collectif de JUSSIEU.

Les insuffisances réglementaires de cette
époque sont à l’origine des morts
d’aujourd’hui et de demain. Les principales critiques
qui furent émises à l’époque contre ce
décret étaient les suivantes :

- Aucun article n’incitait les
utilisateurs d’amiante à employer des matériaux
de substitution moins dangereux. Le remplacement progressif de
l’amiante comme matière première
n’était donc pas intégré dans la
stratégie de prévention que prétendait
construire le décret. Aujourd’hui encore, après
les décrets du mois de février 1996, aucun texte
réglementaire n’incite les utilisateurs à
remplacer l’amiante, en contradiction flagrante avec
l’article R.231-56 du Code du Travail concernant
l’emploi des matériaux cancérogènes,
article qui stipule à propos de tout emploi d’un
cancérogène :

" L’employeur doit, notamment,
réduire son utilisation en le remplaçant, dans la
mesure où cela est techniquement possible, par une substance
moins dangereuse pour la santé des salariés. Le
résultat de la recherche de la possibilité de cette
substitution doit être fourni par l’employeur à
l’Inspecteur du Travail sur sa demande. Si le remplacement
n’est pas réalisable, l’utilisation de
l’agent cancérogène doit se faire dans un
système clos ".

Or, dans la très grande majorité des
cas, le remplacement de l’amiante est techniquement possible.
La preuve en est apportée par la substitution,
réalisée en EUROPE et ailleurs, de l’amiante
utilisé dans la fabrication des plaques et canalisations en
fibrociment (le plus gros consommateur d’amiante) ou dans des
dispositifs automobiles de friction (frein, embrayage).

- Aucune mesure particulière
n’était édictée contre les amphiboles et
en particulier contre la crocidolite, variété
d’amiante la plus dangereuse au niveau de la plèvre.
Il fallut attendre 1994 pour obtenir en FRANCE l’interdiction
complète de l’importation et de la commercialisation
des amphiboles, alors que pour la crocidolite c’était
chose faite en 1977 et même plus tôt, en GRANDE
BRETAGNE, au DANEMARK, en FINLANDE et en SUEDE. Par ailleurs, la
valeur limite de concentration dans l’air était, nous
le verrons, la même pour toutes les variétés
d’amiante, alors qu’en GRANDE BRETAGNE, elle
était dix fois plus basse pour la crocidolite, quand sa
présence était décelée dans les
revêtements en place.

- Aucune valeur limite d’amiante
dans l’air n’était proposée sur un temps
court (inférieur ou égal à une heure), ce qui
permettait, avec seulement une valeur moyenne sur 8 heures,
l’existence de pics d’exposition importants, pendant
des temps brefs, pouvant conduire à une forte contamination
pulmonaire.

- La valeur limite sur un poste de 8
heures (2 fibres par cm3 d’air) était beaucoup trop
élevée
.

Il y avait pourtant à l’époque un
consensus international pour considérer qu’une telle
valeur ne permettait pas de faire face au risque de cancer et
qu’elle permettait seulement de diminuer le risque de fibrose
(asbestose et plaques pleurales). A cette époque
déjà le NIOSH (National Institute For Occupational
Safety and Health), aux USA, proposait, tout comme la
Fédération Internationale des Ouvriers de la
Métallurgie (FIOM), une valeur limite à
0,1 fibre par cm3 d’air, celle qui est enfin
imposée par le décret de février 1996 !

- Enfin le décret ne prévoyait
pas la protection
(capotage, mise en dépression ou
travail au mouillé) de toutes les machines mais seulement de
celles qui travaillent en continu et qui sont les plus
polluantes.

Ainsi un type d’opération, comme
l’ouverture des sacs d’amiante au couteau qui ne
représentait que peu de temps sur un poste de travail de 8
heures, et donc un empoussièrement moyen sur 8 heures
inférieur à 2 fibres/cm3, a-t-il pu être
perpétué jusqu’à aujourd’hui ,
puisque seules devaient être capotées ou mises en
dépression les opérations entraînant un
dépassement de la norme...

En conclusion, les insuffisances du Décret
étaient telles que le Collectif de JUSSIEU, dans une
déclaration publique, pouvait écrire :

" Ce décret apparaît comme un alibi
que se donnent gouvernement et employeurs pour laisser croire
qu’ils ont quelque souci de la protection des travailleurs.
Il s’agit beaucoup plus d’une tentative visant à
freiner le développement des luttes pour la
sécurité que d’un pas en avant réel vers
des mesures de prévention efficace ".

Le second groupe de textes réglementaires sur
la prévention comporte l’arrêté du 29
juin 1977
et le décret n° 78 du 20 mars
1978
, tous deux portant sur le flocage d’amiante.

Le premier de ces textes se borne à interdire
le flocage d’amiante dans les bâtiments
d’habitation. Il s’agit d’une cote mal
taillée, adoptée sous l’influence des
industriels qui cherchent encore à défendre la
technique du flocage " sous réserve que les
règles du métier soient observées "
(intervention de Monsieur JOIN, Chambre Syndicale de
l’Amiante, au Conseil Supérieur d’Hygiène
Publique de FRANCE du 26 avril 1976).

L’insuffisance du texte était telle que
les protestations, y compris celle du Conseil Supérieur
d’Hygiène Publique de FRANCE, obligèrent les
pouvoirs publics, et en particulier le Ministre de la Santé,
en référence au Code de la Santé Publique,
à interdire totalement, un an plus tard, tout flocage de
matériaux contenant plus de 1 % d’amiante
(décret du 20 mars 1978.

Dans ce même décret est annoncé
un Arrêté conférant un agrément à
un procédé permettant soit de supprimer
l’émission de poussières, soit de capter
celles-ci à leur source, lors des travaux de
démolition de bâtiments contenant des flocages
à l’amiante... L’Arrêté ne vit
jamais le jour ! Et il fallut attendre les années 1987 puis
1992 pour que soit réglementée la démolition
des bâtiments contenant des flocages d’amiante.

Deux lacunes majeures du décret du 20 mars
1978 eurent des conséquences particulièrement graves
en termes de risque sur les populations.

- Première lacune : le décret ne
prend en compte que les flocages (revêtement
présentant un aspect superficiel fibreux, velouté ou
duveteux ).

Or, de nombreux autres matériaux contenant de
l’amiante existaient et existent toujours dans les
bâtiments et sont la source d’une pollution grave
touchant le personnel de maintenance et d’entretien et les
habitants des locaux. Nous n’en prendrons que deux exemples
 :

* Le " Progypsol ", plâtre
aéré, est un matériau relativement tendre
comme l’a reconnu la Société LAMBERT qui
l’a commercialisé. Il contient 5 à 10 %
d’amiante.. En 1975, la Société LAMBERT
avançait déjà un million de m² recouvert
de ce matériau qui à notre connaissance n’a
jamais été interdit. Or, avec le temps ce
matériau s’effrite et engendre une pollution
très sérieuse comme cela a été
constaté récemment à la Faculté de
Médecine NECKER à PARIS. Il y a actuellement des
centaines de milliers de m² de ce revêtement dans les
hôpitaux français. Ils échappent non seulement
au décret de 1978 mais également au décret
96-97 du 7 février 1996.

* Le " Pical ",matériau en
plaques, de faible densité, friable, contenant une forte
proportion d’amosite (amiante de type amphibole), a
été commercialisé au moins jusqu’en 1983
par la Société ETERNIT. La publicité pour ce
matériau recommandait d’en mettre partout, y compris
dans les caves, les écuries, les salles de bains. Ce type de
matériau qui dégage facilement une poussière
particulièrement nocive ne fut finalement interdit
qu’en 1994 lors du bannissement des amphiboles. Le
décret 96-97 du 7 février 1996 ne fait nullement
obligation aux propriétaires d’immeubles d’en
rechercher la localisation...

- La seconde lacune grave du décret du 20
mars 1978 est l’absence de toute mesure de prévention
face aux flocages déjà existants et, par extension,
face à tous les matériaux contenant de
l’amiante dans les bâtiments. Rien de fut prévu
pour protéger, revêtir ou enlever ces flocages dans de
bonnes conditions de sécurité, et ce, contrairement
aux demandes du Conseil Supérieur d’Hygiène
Publique de FRANCE (rapport annuel 1977).

Il faudra attendre la campagne d’information
des années 1994-1995 pour que soient prises de nouvelles
mesures face " à l’amiante en place ". Le
résultat de cette grave lacune réglementaire est que
de la fin des années 1960 à 1996 où
apparaissaient les premières mesures contre l’amiante
en place, des centaines de milliers de personnes ont
été exposées à l’amiante en
place, personnes travaillant dans tous les secteurs du
bâtiment, de l’industrie et de divers services
,
ainsi que les simples occupants des lieux.

Dès aujourd’hui, on peut commencer
à comptabiliser les décès par cancer dus
à une exposition à l’amiante dans la
période considérée, en particulier dans le
secteur du bâtiment ; Compte tenu des temps de latence
des pathologies en cause, ces décès vont continuer
à survenir au moins pendant les quarante années
à venir.

L’inaction des pouvoirs publics en matière de
prévention s’est accompagné de la mise en place
d’obstacles en matière de réparation.

Pour illustrer ces restrictions on notera que le
tableau 30, issu de la modification de 1985 n’admet le
cancer broncho-pulmonaire primitif ainsi que les affections
cancéreuses que si la relation avec l’amiante est
médicalement caractérisée. Cela a pour
conséquence de renverser la charge de la preuve et de
méconnaître le principe de présomption
d’imputabilité qui fonde la réparation des
risques professionnels.

Saisi par la FNATH, le Conseil d’Etat
décidait le 10 juin 1994 qu’en effet la
rédaction du tableau 30 méconnaissait le principe de
présomption d’imputabilité. Il censurait ces
dispositions.

Il fallut attendre le mois de mai 1996 pour que,
surmontant les réticences patronales au sein de la
Commission des maladies professionnelles, le Ministère du
Travail publie un nouveau tableau 30 et 30 bis rétablissant
les victimes dans leur droit à réparation.

*

* *

Si la responsabilité des différents
Ministères, en particulier Santé et Travail , est
manifestement engagée dans cette absence de mesures
réglementaires, il est également d’autres
structures étatiques et para-étatiques dont la
responsabilité est évidente.

Citons en particulier l’INRS et les deux
versions successives de la Commission de toxico-vigilance.

L’Institut National de Recherche et de
Sécurité (INRS) est une association (loi 1901)
constituée sous l’égide de la Caisse Nationale
d’Assurance Maladie.

" L’INRS apporte son concours aux
services officiels, à la CNAM, aux CRAM, aux CHSCT, aux
entreprises, enfin, à toute personne, employeur ou
salarié qui s’intéresse à la
prévention
"
.

En fait l’INRS a plutôt
" apporté son concours " aux industriels de
l’amiante. L ’INRS figurait, lui aussi, au coeur
du dispositif de lobbying mis en place par ces industriels. Son
Directeur Général, Dominique MOYEN, fait partie des
personnes à l’origine du Comité Permanent
Amiante, et Jean-Claude LAFOREST, membre de l’I.N.R.S., en
fut l’un des membres les plus actifs.

La revue officielle de cet organisme, " Travail
et Sécurité " apporte un éclairage
intéressant quant à la politique de l’Institut
vis-à-vis de l’amiante. Alors que l’on pourrait
s’attendre, compte tenu de ses missions, à ce que
l’INRS privilégie les intérêts de
santé publique, ce sont curieusement les
propriétés physico-chimique du matériau qui
sont mises en avant. Il est possible de lire dans le n° 7/8
(page 373) publié en 1979 : " leur utilisation
restera inévitable dans la fabrication de nombreux
matériaux "
.

La rédaction du chapeau de cet article, en
annonçant que " des recherches sont toujours en
cours dans de nombreux laboratoires pour établir la
filiation entre l’utilisation de l’amiante et la
pathologie observée
", peut laisser croire
qu’en 1979, des doutes subsistent encore quant à la
cancérogénicité de l’amiante.

Dans le n° 12 de 1989 de la même revue,
l’INRS semble avoir complètement
délégué sa mission de prévention et
d’information au CPA. Le titre de l’article page 691
est d’ailleurs ainsi rédigé : " Pour
une utilisation contrôlée de l’amiante et des
fibres de substitution "
, ce qui constitue le message fort
du CPA.

Toutes les thèses du CPA sont reprises et
développées dans l’article, sans aucune analyse
objective des problèmes de santé publique que
soulève l’utilisation
" contrôlée " de l’amiante, ni
allusion aux problèmes graves d’exposition des
ouvriers intervenant dans des bâtiments floqués.

Au contraire, l’article annonce de façon
mensongère que " les progrès
réalisés en FRANCE depuis 1983 sont remarquables :
abaissement des taux d’empoussièrement,
amélioration de la surveillance et des contrôles,
mesures strictes de protection des personnes
exposées ".
Il faut noter encore que dans cet
article, pas un mot n’est dit sur les dangers de
l’utilisation de l’amiante et que pas une seule fois le
terme cancérogène n’est prononcé.

Enfin le numéro de décembre 1995
consacre un dossier complet à l’amiante.

Ce numéro arrive opportunément en
pleine mobilisation contre l’amiante comme si l’INRS
avait besoin de se justifier, ce que semble faire son Directeur
Général, dans l’éditorial qu’il
consacre au sujet, en tête du dossier.

Cette fois l’INRS est bien obligée
d’insister sur " le danger permanent de
l’amiante "
notamment à cause des flocages
qui ont été effectués dans divers types de
locaux et qui présentent " un risque pour les
ouvriers qui interviennent sur les plafonds et les parois des
locaux concernés "
.

Pour autant, alors que les pouvoirs publics ont
décidé sous la pression des associations de se
retirer du CPA, " Travail et Sécurité " ne
craint pas de confier un article important de ce dossier,
consacré aux pathologies dues à l’amiante,
à un membre éminent du CPA : le Professeur Patrick
BROCHARD qui reprend le thème majeur du CPA, la
défense de l’usage contrôlé du chrysotile
 !

Les propos du Professeur BROCHARD sur les risques des
fibres chrysotile vont à l’encontre du plus
élémentaire principe de précaution. Il
écrit notamment : " le suivi
épidémiologique des cohortes exposées au seul
chrysotile a montré que les maladies induites ne survenaient
que pour des doses beaucoup plus importantes que celles qui sont
actuellement observées dans le milieu du
travail
".

En définitive, il semble évident que
l’INRS, comme les administrations centrales chargées
d’une mission de santé publique a participé au
côté et au sein du CPA à la
désinformation et à la minimisation des risques dus
à l’amiante.

Il est évident que cette Institution a
aujourd’hui failli à sa mission de prévention
et ce malgré des moyens considérables.

Les raisons de cette faillite sont à
rechercher d’évidence dans le mode
d’administration de cet Institut contrôlé, de
fait, par les représentants des Industriels.

La Commission de Toxico-vigilance qui se
réunit dans le cadre du Ministère chargé de la
santé a été créée par un
arrêté ministériel du 10 avril 1980 mais ne
s’est réunie que deux ans plus tard. Sa mission est de
" connaître le risque pour l’homme de
l’utilisation d’un produit chimique, en grandeur
réelle ".

La mission de cet organisme fut élargie et
précisée par un arrêté du 20 janvier
1988, mais à notre connaissance cette Commission de
toxico-vigilance ne s’est jamais saisie du problème de
la prévention face au cancérogène industriel
le plus répandu et le plus destructeur, en
l’occurrence l’amiante.

8 - LES INCRIMINATIONS PENALES

8-1 - Les principaux industriels de
l’amiante qui ont organisé cette branche
d’activité et en ont décidé les
orientations stratégiques. Ils ont utilisé -
travaillé - transformé et commercialisé le
matériau en pleine connaissance du risque qu’ils
faisaient courir.

- Leurs complices (COMITE PERMANENT
AMIANTE, autorités publiques et responsables du dispositif
de veille sanitaire, Experts Techniques, Scientifiques et
médicaux)
.

Ils sont à l’origine d’un nombre
important de décès dont ils savaient qu’ils
étaient la conséquence inéluctable de
l’activité qu’ils avaient décidé
d’entreprendre puis de poursuivre ou laisser poursuivre sans
considération aucune pour la vie d’autrui..

Ils se sont ainsi rendus coupables du crime
d’empoisonnement
que l’ancien Code Pénal
définit à l’article 301 de la façon
suivante :

" est qualifié d’empoisonnement
tout attentat à la vie d’une personne, par
l’effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou
moins promptement, de quelque manière que ces substances
aient été employées ou administrées et
quelles qu’en aient été les
suites ".

Et que le Nouveau Code Pénal définit
à l’article 221-5 comme :

" le fait d’attenter à la vie
d’autrui par l’emploi ou l’administration de
substance de nature à entraîner la mort constitue un
empoisonnement.

L’empoisonnement est puni de 30 ans de
réclusion criminelle.

Il est puni de réclusion criminelle à
perpétuité lorsqu’il est commis dans
l’une des circonstances prévues aux articles 221-2,
221-3 et 221-4.

Les deux premiers alinéas de l’article
132-23 relatifs à la période de sûreté
sont applicables à l’infraction prévue par le
présent article ".

Il faut retenir, en effet, que l’empoisonnement
est un attentat, c’est à dire littéralement une
tentative.

C’est une infraction formelle qui est
constituée par la seule administration de substances qui
peuvent donner la mort.

L’acte d’empoisonnement n’est donc
pas caractérisé par le fait de donner la mort mais
par le fait de donner des produits qui peuvent donner la
mort.

L’élément intentionnel dans le
crime d’empoisonnement est constitué uniquement par la
conscience du caractère mortifère du produit que
l’on administre et de la conscience qu’en a celui qui
agit de façon volontaire.

Dans ce type de crime, l’administration de la
substance révèle l’intention requise,
l’intention de tuer n’étant qu’un mobile
indifférent pour caractériser
l’empoisonnement.

Le fait que l’administration consciente
résulte d’un mobile homicide ou d’un mobile
commercial, est indifférent.

Il faut relever une circonstance particulière
en l’espèce. Depuis plus de vingt ans, les industriels
de l’amiante et leurs complices ont mené une politique
délibérée de désinformation et
d’influence auprès de l’administration, ce qui
établit un peu plus le lien entre l’intention de
vendre un produit mortifère et la conscience de faire courir
un risque de mort à autrui.

8-2. L’ensemble des industriels de
l’amiante et leurs complices ainsi que les
autorités publiques et les Responsables Administratifs

du dispositif de veille sanitaire

8-2-1. Ils ont commis le crime prévu par
l’article 311 ancien du Code Pénal :

" Toute personne qui volontairement aura
porté des coups ou commis des violences ou voies de fait
ayant entraîné la mort sans l’intention de la
donner sera punie d’une peine de cinq à quinze ans de
réclusion criminelle ".

Il est établi que les victimes ont subi des
voies de fait par action ou par omission faute pour les industriels
et leurs complices d’avoir accompli le devoir qui leur
incombaient à savoir cesser ou faire cesser
l’exposition aux risques ou intervenir
réglementairement.

Constitue également une voie de fait la
tromperie volontaire sur les risques d’un produit. Les
agissements des industriels et de leurs complices, rappelés
ci-dessus, démontrent le caractère volontaire et
délibéré de la dissimulation.

8-2-2. Ils se sont en tout état de cause
rendus coupables des délits d’homicide et blessures
par imprudence sanctionnés par les articles 319 et 320
anciens du Code Pénal et 221-6 et 222-19 du Nouveau Code
Pénal.

L’article 319 ancien du Code Pénal
dispose : " quiconque, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence et inobservation des
règlements, aura commis involontairement un homicide ou en
aura involontairement été la cause, sera puni
d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et
d’une amende de 1 000 F. à 30 000 F. ".

Le nouvel article 221-6 du Code Pénal dispose
 :

" le fait de causer, par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une
obligation de sécurité de prudence imposée par
la loi ou les règlements, la mort d’autrui constitue
un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement
et de 300 000 F. d’amende.

En cas de manquement délibéré
à une obligation de sécurité ou de prudence
imposée par la loi et les règlements, les peines
encourues sont portées à cinq ans
d’emprisonnement et à 500 000 F.
d’amende ".

Sont également visées les dispositions
de l’article 320 ancien du Code Pénal qui
prévoit :

" S’il est résulté du
défaut d’adresse ou de précaution des
blessures, coups ou maladies entraînant une incapacité
totale de travail personnel pendant plus de trois mois, le coupable
sera puni d’un emprisonnement de quinze jours à un an
et d’une amende de 500 F. à 20 000 F..

Article 222-19 :

" Le fait de causer à autrui, par
maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
manquement à une obligation de sécurité ou de
prudence imposée par la loi ou les règlements, une
incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est
puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 0000 F.
d’amende.

En cas de manquement délibéré
à une obligation de sécurité ou
d’imprudence imposée par la loi et les
règlements, les peines

encourues sont portées à trois ans
d’emprisonnement et à 300 000 F.
d’amende ".

Article 220-20 :

" Le fait de causer à autrui, par un
manquement délibéré à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou
les règlements, une incapacité totale de travail
d’une durée inférieure ou égale à
trois mois est puni d’un an d’emprisonnement et de 100
000 F. d’amende ".

La plainte se fonde sur l’imprudence, la
négligence et le manquement à plusieurs obligations
de sécurité et de prudence imposées par la loi
et les règlements.

L’imprudence est une méconnaissance des
règles de prudence qui a pour effet la prise de risques ou
un défaut de précaution nécessaire
malgré l’éventualité prévisible
des conséquences dommageables.

C’est en définitive, parce que le
dommage est prévisible que le comportement est fautif.

La négligence consiste à ne pas prendre
les précautions nécessaires par paresse,
impéritie ou indiscipline.

Il faut, enfin, rappeler ce que le Législateur
et la jurisprudence entendent par " les
règlements "
.

Il ne s’agit pas ici du
" règlement " entendu au sens
constitutionnel du terme. Le parallèle a d’ailleurs
été fait par la doctrine avec la rédaction de
l’article 223-1 du Nouveau Code Pénal qui crée
le délit de risque causé à autrui. Ce
texte vise le règlement et non pas les
règlements.

La notion de règlement est donc ici
très large. Par exemple, les Juges du fond y classent
traditionnellement les règles professionnelles et
déontologiques, les circulaires, les instructions
ministérielles. La circulaire générale du
Ministère de la Justice du 14 Mai 1993 explicitant le
nouveau Code Pénal considère, à titre
d’exemple supplémentaire que le règlement
intérieur d’une entreprise pourrait être
considéré comme un règlement (de
sécurité).

En matière d’hygiène et de
sécurité, la jurisprudence a depuis longtemps
assimilé la faute pénale à la faute civile.
Les Juges font souvent référence au comportement
moyen " du bon père de famille " et,
beaucoup plus simplement, au simple bon sens.

Un comportement de " bon père de
famille "
et le respect du bon sens sont
spécialement exigés lorsque la technologie mise en
oeuvre ou les produits utilisés sont particulièrement
dangereux.

Ces règles deviennent alors le support
d’obligation particulière de prudence dont
l’inobservation constitue la faute d’imprudence.

En définitive, la jurisprudence met à
la charge du Chef d’entreprise ou de ses collaborateurs, une
obligation générale de sécurité qui
leur impose de prendre les mesures que les circonstances
commandent.

Cette obligation est indépendante des mesures
expressément obligatoires par des textes relatifs à
la sécurité des travailleurs.

Cette obligation générale de
sécurité est d’ailleurs rappelée par
certains articles de portée générale contenus
dans le Code du Travail (articles L 230-2, L.232-1, L 233-1 du Code
du Travail).

En matière d’homicide ou de blessure
involontaire, la responsabilité est cumulative. Dès
lors, il n’est pas nécessaire que la faute soit
directe ou exclusive. Les auteurs de diverses fautes qui ont pu
à des degrés divers concourir au dommage, peuvent
être poursuivis et condamnés simultanément sans
qu’aucun d’eux ne puisse se retrancher derrière
la faute des autres pour être exonéré de sa
propre responsabilité. Il n’est pas nécessaire
que ces auteurs se connaissent ni que leur faute soit liée
ni qu’elle soit concomitante. Au contraire, les fautes
commises par les divers auteurs peuvent être
indépendantes les unes des autres et être intervenues
à des moments différents. Il suffit pour que chacun
des auteurs soit déclaré coupable que sa propre faute
ait un lien avec le dommage.

Enfin, la jurisprudence a été
amenée, à plusieurs reprises, à se prononcer
sur des délits de blessures ou d’homicides
involontaires en matière de maladies professionnelles
(notamment COUR D’APPEL DE DOUAI - 28 janvier 1982, notes
FENAUX et LEVASSEUR).

*

* *

Or, il a été rappelé, notamment
dans le chapitre V ci-dessus, les modalités de diffusion des
informations sur la toxicité de l’amiante dans le
champ social.

Dès les années 1930 et au plus tard en
1975, les " professionnels de tous ordres "
n’ignoraient pas ou ne pouvaient pas ignorer les dangers.

Dès 1975, les connaissances scientifiques,
même objet d’une certaine controverse, étaient
suffisamment avérées pour constituer le point de
départ d’une obligation d’agir opposable aux
industriels et à l’ensemble de leurs complices. En
dépit d’une incertitude scientifique
résiduelle, la cristallisation des connaissances
scientifiques était telle qu’elle imposait une action
et justifie la sanction juridique de l’inertie.

Dès lors, les industriels et leurs Conseils en
ne prenant pas la décision d’interrompre sans
délai toute exposition à l’amiante et en
pratiquant, le cas échéant, une véritable
désinformation sur les risques encourus ont commis des
imprudences et des négligences directement en relation avec
les blessures occasionnées aux victimes et avec les
décès.

Ils ont, en définitive, directement ou
indirectement validé l’exposition à
l’amiante au sein de nombreuses entreprises.

De surcroît, depuis la mise en application du
Nouveau Code Pénal, peut être relevée la
circonstance aggravante du manquement
délibéré.

En effet, est considéré comme
" délibéré " le comportement
d’un entrepreneur ou d’un
" décideur " qui, malgré sa
connaissance particulière du risque refuse
d’intervenir et de mettre en place les mesures de
sécurité.

Les personnes visées dans la plainte
étant par définition des
" spécialistes " de l’amiante,
l’existence de cette circonstance aggravante est
établie.

8-3 - Les différents entrepreneurs qui ont
exposés occassionnellement leurs salariés aux risques
liés à l’amiante et leurs complices.

Ces derniers se sont rendus coupables des
délits d’homicide et blessures par imprudence
sanctionnés par les articles 319 et 320 anciens du Code
Pénal et 221-6 et 222-19 du Nouveau Code Pénal.

Les modalités de commission de ces
délits ont été rappelées ci-dessus.

8-4 - Les autorités publiques
concernées et les responsables administratifs du dispositif
de veille sanitaire.

- L’article 63 du Code Pénal
précise :

" Quiconque pouvant empêcher par son
action immédiate sans risque pour lui ou pour les tiers,
soit un fait qualifié de crime, soit un délit contre
l’intégrité corporelle de la personne,
s’abstient volontairement de le faire.

Sera puni des mêmes peines quiconque
s’abstient volontairement de porter à une personne en
péril l’assistance que sans risque pour lui ni pour
les tiers il pouvait lui prêter, soit par son action
personnelle, soit en provoquant un secours ".

- L’article 223-6 du Nouveau Code
Pénal est ainsi rédigé :

" Quiconque pouvant empêcher par son
action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers,
soit un crime, soit un délit contre
l’intégralité corporelle de la personne
s’abstient volontaire de le faire est puni de cinq ans
d’emprisonnement et de 500 000 F. d’amende.

Sera puni des mêmes peines, quiconque
s’abstient volontairement de porter à une personne en
péril, l’assistance que sans risque pour lui ou pour
les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action
personnelle soit en provoquant un secours ".

*

* *

L’affaire dite du " sang
contaminé "
a donné l’exemple de
l’application de l’article 63 à des
prévenus participants à la préparation de
l’activité réglementaire.

Pour ce faire, il suffit de prendre en compte le
contexte technique et scientifique qui a été
longuement décrit dans le texte de la présente
plainte et qui démontre la connaissance que les responsables
du dispositif de veille sanitaire avaient de l’extrême
danger que couraient les personnes exposées aux risques
d’inhalation de poussières d’amiante.

L’abstention délictueuse vise le
défaut de participation à l’activité
normative à laquelle il convient d’assimiler
l’intervention insuffisante ou inadaptée.

L’exposé chronologique de
l’utilisation industrielle de l’amiante démontre
que les quelques interventions normatives réalisées
ont toujours été largement insuffisantes. Elles sont
toujours intervenues en concertation avec le groupe de pression des
industries de l’amiante. Elles ont toujours eu pour objectif
de permettre la poursuite de l’utilisation de ce
matériau sous les seules contraintes d’une
réglementation insuffisante, inefficace et mal
appliquée.

Les fonctionnaires chargés de la santé
publique ne pouvaient ignorer la commission de multiples
infractions en relation avec l’utilisation de
l’amiante, dès lors qu’ils avaient reconnu
à partir de 1950 des maladies professionnelles liées
à l’amiante. A partir de 1975, ils le pouvaient
d’autant moins que les informations sur les dangers de
l’amiante étaient connues du grand public. A partir de
1982, en participant directement aux " activités "
du C.P.A., ils s’en faisaient complices.

Il est clair qu’en situation de risques, une
hypothèse non infirmée doit être tenue
provisoirement pour valide, même si elle n’est pas
formellement démontrée.

Il n’est pas nécessaire d’avoir
une totale certitude scientifique pour agir sur le plan
politique ou administratif.

En l’espèce, aucune stratégie
d’urgence n’a été élaborée.
Les réactions de l’administration ont toujours
été insuffisantes ce qui équivaut à une
abstention.

Une circulaire du 31 juillet 1995 émanant de
la Direction Générale de la Santé
résume les dangers et la politique de la FRANCE sur le sujet
 :

" Compte tenu des informations parfois
contradictoires actuellement diffusées au sujet de
l’amiante, nous pensons utile de vous apporter quelques
précisions.

L’amiante a été très
largement utilisé dans les constructions de
différentes installations (constructions navales,
bâtiments... entre 1950 et 1980 pour ses
propriétés particulières d’isolant
(thermique et phonique) et de protection contre l’incendie et
notamment par le procédé dit du
" flocage " .

Des preuves ont été apportées du
caractère cancérigène de l’amiante
(mésothéliomes, cancers broncho-pulmonaires), en plus
des atteintes pulmonaires interstitielles et pleurales
bénignes auquel il expose...

La politique de la FRANCE vis à vis de
l’amiante est jusqu’à présent celle de
l’usage contrôlé de cette fibre par la
réduction progressive des situations reconnues dangereuses :
interdiction de l’usage de certaines variétés
de fibres et de certaines productions, limitation et contrôle
des émissions de fibres dans les milieux de travail et de
l’environnement, application de méthodes de travail et
de gestion des déchets plus sûres. Cette politique est
conforme aux directives européennes transcrites en droit
interne... "

C’est bien de façon
délibérée que l’abstention puis les
restrictions dans l’intervention des autorités
publiques en matière réglementaire ont abouti
à la situation catastrophique dénoncée par la
présente plainte.

Dès lors les infractions sont
constituées.

C’est pourquoi, l’ASSOCIATION ANDEVA et
Monsieur

déposent plainte contre X et toute personne
dont l’instruction révélerait
l’implication dans les crimes et délits
énoncés ci-après :

- l’empoisonnement visé par
l’article 302 ancien du Code Pénal et 221-5 du Nouveau
Code Pénal,

- les voies de fait ayant entraîné la
mort visées par l’article 311 ancien du Code
Pénal,

- l’homicide involontaire prévu par
les articles 319 ancien et 221-6 du Nouveau Code Pénal,

- les coups et blessures involontaires
visés par les articles 320 ancien et 222-19 du Nouveau Code
Pénal,

- l’abstention délictueuse
visée par l’article 63 de l’ancien Code
Pénal et 223-6 du Nouveau Code Pénal.

Ils se constituent partie civile et offrent de
consigner entre vos mains la somme qu’il vous plaira de
fixer.

Fait à PARIS,

Le