Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Les conseils du docteur Privet : L’examen «  anapath  » et l’immunohistochimie

11 septembre 2013

- Deux clés pour le diagnostic d’un cancer
- Les signatures d’un cancer du poumon
- Les signatures d’un mésothéliome
- Questions


DEUX CLÉS POUR LE DIAGNOSTIC D’UN CANCER

Les tissus sont composés de cellules identiques qui s’assemblent.
Le cancer est une prolifération de cellules anormales, issues de la transformation de cellules normales.
Des cellules cancéreuses d’un organe peuvent migrer et se fixer sur d’autres organes en gardant leurs caractéristiques. Ce sont des métastases.
Le poumon et la plèvre sont des lieux fréquents de métastases d’un cancer d’une autre région. Quand un cancer s’y déclare, il importe de savoir s’il s’agit d’un cancer primitif ou d’une métastase et de savoir dans quel organe est né le cancer primitif dont une métastase est issue.
L’examen anatomopathologique* complété par une technique plus récente, l’analyse immunohistochimique, apporte le plus souvent une réponse.
L’examen anatomopathologique con­­siste à examiner au microscope un morceau de la tumeur (suite à une biopsie ou un acte chirurgical) après une préparation particulière et notamment des colorations pour visualiser les différentes structures.
L’analyse immunohistochimique qui permet d’identifier des protéines fabriquées par les cellules tumorales, se retrouve avec pratiquement tous les résultats anatomo-pathologiques sous l’appellation notamment d’immuno-marquage.
Ces deux techniques associées permettent de classer la tumeur, d’en évaluer la gravité et de prédire l’efficacité de certains traitements, pour aider à la prise de décision thérapeutique. Le compte rendu d’examen est une pièce essentielle du dossier médical, dont peut dépendre l’indemnisation d’un cancer lié à l’amiante par la Sécurité sociale ou le Fiva. Même si l’on n’est pas médecin, il faut faire l’effort d’en connaître les aspects essentiels.


LES SIGNATURES D’UN CANCER DU POUMON

Les deux grands types de cancers primitifs du poumon sont l’adénocarcinome (30  % des cas) et le carcinome épidermoïde (50 % des cas).

L’apport de l’immunohistochimie

Les figures 1 et 2 (page 21) montrent deux images d’un même adénocarcinome pulmonaire au microscope.

- Figure n°1 : un examen anatomopathologique classique.
- Figure n°2 : le même prélèvement en utilisant une technique spéciale qui permet de colorer une structure spécifique d’un adénocarcinome pulmonaire, appelée TTF1.

Un TTF1 (+)  signe un adénocarcinome

TTF1 est une structure qui n’exis­te pratiquement pas dans les adénocarcinomes d’autres endroits du corps.
Dès lors, si un nodule pulmonaire se révèle être un adénocarcinome TTF1 (+), on a la quasi certitude qu’il s’agit d’un cancer du poumon primitif.
De même, si une métastase sur la plèvre se révèle être un adénocarcinome TTF1 (+), on est pratiquement sûr que le cancer primitif est d’origine pulmonaire.

Certains
adénocarcinomes ont
un TTF1 (-)

Le TTF1 n’est pas positif dans tous
les adénocarcinomes pri­mitifs du poumon, mais seulement dans 75 à 80 % des cas.
Un TTF1 (-) ne signifie donc pas forcément qu’il ne s’agit pas d’un cancer du poumon primitif.
D’autres marqueurs sont alors en faveur de cette origine : dans 90% des cas, CK7(+) et CK20(-), signent un adénocarcinome pulmonaire primitif.

L’utilité d’un PET scan complémentaire

La nature pulmonaire primitive peut être également étayée par la clinique et par des examens complémentaires et notamment le PET scan qui ne met alors pas en évidence d’autres foyers cancéreux dans les autres régions du corps comme pouvant être le cancer primitif.
Le PET scan est un examen qui permet de débusquer les foyers de cellules cancéreuses. Il est devenu un examen essentiel en cancérologie, sous réserve d’avoir facilement à disposition cet équipement.

Le carcinome épidermoïde

Sa signature immunohistochimique est loin d’être aussi évidente que celle de l’adénocarcinome, d’autant que dans ce cas TTF1 est rarement exprimé.


L’ADENOCARCINOME

Les bronches ont un revêtement interne appelé épithélium, comme la plupart des cavités du corps humain (estomac, colon, rein, vessie, prostate, utérus, sein).
Les bronches, comme la plupart des autres cavités, ont un épithélium glandulaire.
Un cancer issu d’un épithélium glandulaire est appelé adénocarcinome.


LES SIGNATURES D’UN MESOTHELIOME

Le mésothéliome a deux formes anatomopathologiques principales : la forme épithélioïde et la forme sarcomatoïde. Il n’est pas forcément facile d’identifier un mésothéliome à l’examen anatomo-pathologique classique et notamment dans sa forme épithélioïde de le distinguer d’une métastase d’un adénocarcinome.
En effet les cancers de la plèvre sont essentiellement des métastases et le mésothéliome ne concerne que 2 à 3 % des cas. D’où l’importance de l’analyse immunohistochimique pour confirmer le diagnostic de mésothéliome pleural.

Un collège d’experts, le groupe Mésopath (ou « Panel de Caen ») fait autorité pour le diagnostic du mésothéliome en France. Les tissus prélevés lui sont souvent transmis pour confirmer les résultats d’un examen immunohistochimique.
2 marqueurs (+)
2 marqueurs (-)

Pour le diagnostic de mésothéliome Mesopah recommande d’associer deux marqueurs positifs et deux marqueurs négatifs

Marqueurs positifs :
- calrétinine pour le noyau de la cellule,
- CK 5/6 pour le cytoplasme (espace compris à l’intérieur de la membrane de la cellule),
- EMA pour la membrane délimitant la cellule,
-   mésothéline pour la membrane cellulaire.

Marqueurs négatifs :
- Ber-EP4 pour la membrane cellulaire,
- ACE pour le cytoplasme...


QUESTIONS

Et si l’examen
n’est pas possible
ou pas concluant ?

En cancérologie pulmonaire, l’examen immunohistochimi­que est aujourd’hui la référence. Mais cet examen peut parfois s’avérer techniquement impossible (après un talcage par exemple) ou donner des résultats douteux en raison de la mauvaise qualité des prélèvements de tissus. Ses résultats doivent donc être confrontés aux autres données médicales.
Il peut aussi arriver qu’un patient décède avant qu’un diagnostic précis ait pu être posé. Sa famille peut alors s’attendre à d’énormes difficultés pour faire reconnaître une éventuelle maladie professionnelle. Dans cette situation, est conseillée une biopsie post-mortem. C’est un acte simple que l’on pratique avant l’inhumation, en accord avec les médecins qui ont suivi le malade dans les derniers moments.

Que peut y
comprendre un
profane ?

Les techniques décrites dans ces pages sont complexes, le vocabulaire sans doute rébarbatif, mais les malades soucieux de comprendre leur maladie et les bénévoles des associations qui suivent les dossiers peuvent et doivent s’y intéresser.
Pour un non médecin, l’essentiel n’est pas de maîtriser l’anapatomopathologie et l’immuhistochimie mais de savoir que ces examens sont la clé du diagnostic d’un cancer et doivent figurer au dossier.
Il n’est pas abolument nécessaire de connaître la signification exacte du mot « TTF1 », mais de savoir que ce marqueur sera - s’il est positif - la «  carte de visite  » d’un cancer du poumon.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)