Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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15-16 novembre 2017 : journées francophones sur le mésothéliome

11 décembre 2017

200 personnes ont participé aux journées francophones sur le mésothéliome qui se sont tenues au CHI de Créteil les 15 et 16 novembre. Une quinzaine de membres de l’Andeva et de ses associations locales étaient présents. Les organisateurs avaient souhaité que cette réunion « s’adresse à des partenaires scientifiques, ainsi qu’aux associations de patients, dans une perspective de définir l’impact de nos recherches pour améliorer la prise en charge des patients, préciser les relations avec le public et les questions posées par les patients et leurs proches. »

Des exposés ont présenté l’état actuel des connaissances sur ce cancer rare spécifique de l’amiante. Ils ont été portés par des spécialistes de divers domaines (épidémiologistes, biologistes, pneumologues, cancérologues, chirurgiens, radiologues, médecins spécialistes de pathologies professionnelles, économistes de la santé). Elles ont surtout porté sur le mésothéliome pleural, mais des informations intéressantes ont été données sur le mésothéliome péritonéal.

Ces journées se sont tenues 26 ans après la création de l’IMIG (l’iMig « International Mesothelioma Interest Group »), réseau international sur le mésothéliome. Il est envisagé de faire des journées francophones tous les deux ans.

Les exposés étaient très denses et mettaient en jeu de nombreuses notions scientifiques. Il ne nous est pas possible ici d’en faire un compte rendu exhaustif. Nous ne retiendrons dans les notes qui suivent que quelques points qui nous ont paru essentiels, sans prétendre atteindre ni la rigueur scientifique ni l’exhaustivité.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, un compte rendu officiel, rédigé et relu par les scientifiques qui ont organisé ces journées, sera disponible en ligne sur Internet, avec les noms et les fonctions de tous les intervenants.

Notes sur ces deux journées

Epidémiologie

Les données épidémiologiques récentes, issues notamment du PNSM (programme national de surveillance du mésothéliome) évaluent à 1100 le nombre de nouveaux cas de mésothéliome pleural. Cette pathologie est en progression chez les hommes et chez les femmes (avec un doublement des cas chez les femmes depuis 1998. Les données du Fiva confirment cette tendance : 461 mésothéliomes indemnisés en 2014, 514 en 2015, 608 en 2016. Le mésothéliome est considéré comme un cancer rare (inférieur ou égal à 6 nouveaux cas par an.

Expositions à l’amiante

Les présentations ont apporté peu d’éléments nouveaux, si ce n’est la nécessité de tenir compte du « poids » des expositions récentes, facteur souvent négligé, dans la survenue de la maladie. La recherche présentée sur l’établissement d’un indice synthétique d’exposition à l’amiante a donné des résultats peu convaincants, voire aberrants.

Les expositions environnementales sont encore souvent sous-estimées. Une étude canadienne a montré des excès persistants dans les régions où se trouvent des mines d’amiante, des chantiers navals ou des industries de transformation chez les hommes mais aussi chez les femmes avec une composante environnementale.

PNSM

Le programme national de surveillance du mésothéliome existe depuis des années. Il pourrait formaliser ses contacts avec les réseaux de centres experts (Mesoclin pour le mésothéliome pleural, Renape pour le mésothéliome péritonéal). Un suivi de populations ciblées a été fait sur les mésothéliome hors plèvre et les mésothéliomes pleuraux avant 50 ans

Sous-déclaration

Le mésothéliome est, comme la tuberculose ou la légionellose, une maladie à déclaration obligatoire auprès des autorités sanitaires. Pour cette maladie spécifique de l’amiante, la Sécurité sociale n’exige aucune durée minimum d’exposition pour la reconnaissance d’une maladie professionnelle et le Fiva considère que le diagnostic vaut preuve d’exposition. Sa prise en charge devrait donc être grandement facilitée. Or il y a une sous-déclaration très importante de cette pathologie aussi bien auprès des caisses primaires que du Fiva. Cette sous déclaration révèle absence d’information des victimes et de leurs proches sur leurs droits particulièrement marquée chez les personnes âgées, les personnes vivant seules et dans les professions indépendantes (artisans…). Les autorités sanitaires devraient organiser une information systématique.

Le coût social du mésothéliome

Diverses études ont été menées en France, en Italie ou au Canada sur le coût économique d’un mésothéliome. Pour évaluer ce que coûte ce cancer à la société, il faut prendre en compte non seulement les coûts directs (soins, transports) et indirects (capacité à travailler, qualité de vie, mortalité). Il faut également prendre en compte les conséquences directes et indirectes de la maladie sur les proches du patients. Les conclusions de cette étude donnent un ordre de grandeur de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Les progrès de l’anatomopathogie

L’anatomopathologie et l’immunohistochimie qui permettent de valider le diagnostic de la maladie par un examen microscopique des cellules ont fait des progrès considérables ces dernières années. Les techniques de conservation des tissus se sont améliorées (congélation). Les examens permettant de distinguer cellules bénignes et malignes sont plus fiables. On distinguait jusqu’ici trois types de mésothéliomes : la forme épithélioïde, (la plus courante), la forme sarcomatoïde, (la plus rare) et la forme biphasique (comportant à la fois des aspects épithélioïdes et des aspects sarcomatoïdes). Une analyse plus approfondie permet aujourd’hui de distinguer des « sous-types » plus précis, avec des incidences importantes sur le pronostic de survie et sur le choix des traitements. Les études montrent une meilleure survie à cinq ans chez les femmes.

La biologie cellulaire

Des études sont en cours sur les altérations génétiques et leurs liens avec le pronostic, ainsi que sur les cellules souches tumorales.

Les examens radiologiques

En matière de radiologie, l’examen TDM (le scanner) avec injection de produit de contraste reste l’examen de référence pour le diagnostic et le suivi. Il faut cependant en mesurer les limites : c’est un outil médiocre pour détecter l’invasion du diaphragme par le cancer, donnée très importante pour les cliniciens et les chirurgiens. Avec l’IRM l’investigation du diaphragme est plus probante. Le recours à l’IRM peut se justifier dans ce cas, mais cet examen ne peut se substituer au scanner.. D’autres techniques sont à l’étude, avec des examens répétés accompagnant la diffusion de produits de contraste. Elles restent pour le moment expérimentales.

La chimiothérapie, immunothérapie

Concernant les traitements par chimiothérapie la situation reste très difficile. Le traitement de première ligne reste Permexed – Cisplatine. L’essai MAPS 2 a apporté une progression de la survie avec des effets secondaires non négligeables.

C’est l’immunothérapie, qui semble offrir les perspectives les plus intéressantes. Il s’agit de stimuler les défenses immunitaires de l’organisme. Cette voie avait soulevé de grands espoir il y a 15 ans. A cette époque on n’avait pas encore compris que les cellules cancéreuses mettaient en place un système bloquant la réponse immunitaire de l’organisme. La compréhension de ce phénomène permet aujourd’hui de travailler à la fois pour stimuler les défenses immunitaires et pour lever le blocage de ces défenses par les cellules cancéreuses.

Des exposés techniques difficilement accessibles au profane présentés par de jeunes chercheurs et chercheuses ont montré que de nombreuses équipes motivées et compétentes travaillaient sur des cultures cellulaires avec des résultats intéressants.

La chirurgie

Pour le mésothéliome, à la différence du cancer du poumon, la chirurgie ne permet pas d’espérer enlever la totalité de la tumeur. Il subsiste des cellules cancéreuses. D’où la fréquence des récidives. Les techniques chirurgicales ont connu des évolutions : la pneumonectomie, chirurgie très lourde est aujourd’hui très rarement pratiquée. Les chirurgiens pratiquement plutôt une pleurectomie. Cette intervention doit être précédée d’une évaluation de l’état général du patient et du sous-type histologique. La chirurgie peut être précédée ou suivie d’une radiothérapie. Elle doit être pratiquée dans des centres experts et n’a d’intérêt que si elle procure un allongement de la survie sans dégradation majeure de la qualité de vie. En cas de refus du patient son choix doit être respecté.

Les modèles pré-cliniques

Des chercheurs ont présenté des études in vitro sur des cellules et in vivo sur l’animal pour évaluer les effets des molécules anti-tumorales. Ils sont censés prédire l’efficacité du traitement sur l’humain et doivent contribuer à bâtir des stratégies thérapeutiques.

Vers des traitements personnalisés du mésothéliome ?

Des perspectives semblent ouvertes par l’immunothérapie et les thérapies ciblées pour ajuster un traitement aux caractéristiques spécifiques d’un patient.

Douleur, nutrition, soutien psychologique

Le contrôle de la douleur a également progressé, qu’il s’agisse des douleurs post-opératoires ou des douleurs générales. L’existence de centre antidouleur permet une meilleure prise en charge en cas de persistance après administration d’antidouleurs classiques.

Une attention particulière doit être portée à la nutrition. Le jeûne peut améliorer l’efficacité de la chimiothérapie (en raison de la plus grande fragilité des cellules cancéreuses)

Le soutien psychologique est une dimension importante du traitement, sans doute évoquée trop rapidement au cours de ces journées.

Le mésothéliome péritonéal

Le mésothéliome peut affecter différents organes :
-  La plèvre qui enveloppe le poumon (70% des cas)
-  Le péritoine qui enveloppe la cavité intestinale (20% des cas)
-  Le péricarde qui enveloppe le cœur (10% des cas)

Pour le mésothéliome péritonéal, une technique semble donner des résultats prometteurs : il s’agit d’une chirurgie associée à une chimiothérapie de contact avec de la bétadine en hyperthermie. Un réseau de médecins spécialiste de cette pathologie (RENAPE) existe dans trois centres (Lariboisière, Lyon, Cochin).

Un forum sur les rapports médecins-malades

Le quatrième forum sur les rapports médecins-malades s’est ouvert par une intervention de D. Duménil, de SciencAss’, un réseau de partage d’expertise scientifique entre des scientifiques à la retraite issus de l’Inserm et des associations de malades. Il permet à des chercheurs bénévoles de partager leurs connaissances pour aider les associations de malades (traduction-résumé de textes, veille scientifique, aide au montage de projets, de colloques…). Cela peut permettre aux associations de renforcer leurs capacités d’information auprès des maladies. (sciensas.inserm.fr/ (secrétaire de l’Andeva)

Puis fut diffusée une intervention vidéo d’Eric Jonckheere, le président de l’Association des victimes de l’amiante en Belgique (Abeva), qui a perdu 4 membres de sa famille atteints d’un mésothéliome tués par l’amiante d’Eternit. Il insista sur la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire, avec une écoute et un respect de la parole du patient.

Patricia Pichon, présidente de l’association AMARAPE (tumeurs rares du péritoine) expliqua que son association travaille avec le réseau RENAPE. Elle soutient la recherche sur ces maladies rares, dont le mésothéliome péritonéal.

Marie Soncini, une veuve de l’amiante, expliqua comment le mésothéliome avait brisé la vie de son mari, qui travaillait à Jussieu. Elle expliqua le vécu douloureux de l’accompagnement de fin de vie et du deuil et remercia le comité anti-amiante Jussieu de son aide.

Alain Bobbio évoqua les acquis très importants des luttes menées par les victimes de l’amiante avec l’Andeva (FIVA, « pré-retraite amiante ») et l’impact des actions en faute inexcusable de l’employeur, mais aussi les difficultés actuelles : sous-déclaration des mésothéliomes à la Sécurité sociale et au Fiva, retards sur le suivi médical, baisse des indemnisations accordées par les tribunaux civils, volonté des magistrats d’enterrer le procès pénal en faisant dire à une expertise le contraire de ce qu’elle dit… Il réaffirma le soutien de l’Andeva au réseau Mesoclin et le bilan positif du travail commun mené depuis six ans.

Marc Hindry évoqua l’importance de la prévention du risque amiante. Il expliqua que quatre principaux pays producteurs d’amiante continuaient d’exporter ces fibres mortelles. Il dénonça les faux scientifiques, tels que Boffetta, qui se sont mis à leur service.

Patricia Pichon, elle-même atteinte d’une pathologie rare du péritoine tira le bilan de son expérience vécue. Elle insista notamment sur l’importance des échanges entre malades, la qualité de vie, l’importance de s’adresser à des centres spécialisés, ainsi que l’écoute et l’empathie dans l’accueil des patients.

Lydie Jablonsky tira les leçons d’une double expérience : en tant que fille de victime, ayant accompagné la fin de vie de son père atteint d’un cancer du poumon, et en tant que présidente de l’association Adevartois. Elle insista sur la nécessité d’améliorer la prise en charge de patients atteints de pathologies lourdes et de leurs proches. Elle doit être rapide et globale en incluant la dimension psychologique. L’annonce d’un cancer ne doit pas être faite n’importe comment. Certains patients ont le sentiment de ne pas être écoutés par le corps médical. Elle expliqua l’aide apportée aux victimes par l’association qui permet de tisser des rapports de confiance.

Le professeur Scherpereel souligna l’importance de l’apport des associations. Après avoir salué les avancées en matière d’anatomopathologie, il rappela les objectifs du réseau de centres experts cliniciens MESOCLIN et tira un bilan de ses points forts et de ses faiblesses. Il souligna l’importance de la dynamique médecins-patients et présenta un Guide « vivre avec un mésothéliome pleural malin » en cours d’élaboration qui a été proposé à la relecture des associations. Il annonça que les recommandations sur le mésothéliome seraient réactualisées début 2018.


Sur le blogue de l’Andeva, on peut voir les vidéos de :

- Eric Jonckheere (Président de l’Abeva)

- Lydie Jablonski (présidente de l’Adevartois, Andeva)

- Alain Bobbio, secrétaire national de l’Andeva

- Professeur Arnaud Scherpereel (chef du service de pneumologie - cancérologie thoracique de l’hôpital Calmette de Lille)