Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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RUSSIE : les manœuvres du lobby pro-amiante

11 septembre 2013

Le Centre international de recherche sur le cancer s’est-il mouillé avec l’industrie russe de l’amiante ?

The Lancet  critique fermement sa participation à une étude sur les cancers chez les mineurs de la ville d’Asbest en Russie.

L’ARTICLE DU LANCET

Le prestigieux journal britannique The Lancet a publié en février 2013 un article «   Le Centre International de Recherche sur le Cancer au banc des accusés sur ses liens avec l’industrie de l’amiante   » critiquant fermement le Centre International de recherche sur le Cancer (CIRC en français, IARC en anglais) pour sa participation à une étude sur les cancers chez les mineurs de la Ville d’Asbest en Russie.

LA REPONSE DE L’IARC

« 1) Toutes les formes d’amiante [y compris bien sûr le chrysotile NR] sont cancérogènes pour l’homme et cesser l’utilisation de l’amiante est le moyen le plus sûr d’éliminer les maladies dues à l’exposition à l’amiante.
2) L’Agence apportera son expertise en épidémiologie à l’étude menée à Asbest, Russie, destinée à apporter une meilleure quantification des risques de cancer déjà connus comme liés au chrysotile et des cancers suspectés d’être causés par le chrysotile.
3) L’Agence et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prennent au sérieux le problème des conflits d’intérêt et recourent à un processus rigoureux pour protéger ses recherches d’influences indues.
4) L’Agence confirme son soutien aux données publiées dans le British Journal of Cancer 106, 2012 [Les auteurs de l’article sont V. McCormack, J. Peto, K. Straif et P.Boffetta, NR] et présentées à une conférence de Kiev.
   »

NOS COMMENTAIRES

Le premier alinéa n’est certes pas écrit pour plaire aux partenaires russes de l’étude. Mais les trois alinéas suivants ne répondent pas aux principaux problèmes posées par cette coopération.
La conférence de Kiev citée, fut organisée par l’industrie russe de l’amiante en novembre 2012, avec le but explicite de fournir une base «   scientifique   » à l’opposition de la Russie à l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux de la Convention de Rotterdam. Tous les intervenants étaient liés à l’industrie de l’amiante de Russie, Kazakhstan, Ukraine, Canada, Brésil, Inde, Thaïlande et Vietnam, à l’exception de trois personnes : Mesdames B.  Swiatvoska et N. Szeszenia-Dabrowska, d’un institut de santé au travail de Pologne et madame V. McCormack du Centre International de Recherche sur le Cancer qui a présenté un exposé sur la mortalité par mésothéliome comme indicateur de l’importance des cancers du poumon.

Il est absurde pour un chercheur honnête de participer à une telle conférence. Cette participation a permis aux industriels de l’amiante russe de clamer que la conférence avait l’appui de l’IARC. La Russie a d’ailleurs utilisé cet argument à la Convention de Rotterdam de 2013 pour s’opposer avec succès à l’inscription de l’amiante chrysolite sur la liste des produits dangereux et pour retarder, voire annuler, l’interdiction de l’amiante en Thaïlande.

On peut penser que madame V.  McCormack et l’IARC ne sont pas d’accord avec les conclusions pré-écrites de la conférence de Kiev : «   il est prématuré d’inscrire l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux de la Convention de Rotterdam   », mais nul n’a entendu de protestation ni de la part de la chercheuse, ni de la part de l’IARC.
La présentation de la chercheuse de l’IARC est basée sur l’article du British Journal of Cancer. Plusieurs critiques scientifiques ont été adressées à cet article qui utilise abondamment les publications suspectes de McDonald, dont les études, financées par l’industrie canadienne de l’amiante, ont inventé la fable selon laquelle une seule variété de l’amiante (les amphiboles) serait responsable de tous les cancers, le chrysotile (la quasi-totalité de l’amiante commercialisé) étant inoffensif. Les recommandations proposées par l’article de McCormack, Peto et al. sont de plus très molles et citent certaines données périmées.

Du côté russe le principal «   scientifique   » en charge de l’étude que l’IARC a accepté de cautionner est Evgeny Kovalevskiy, membre de l’Académie de médecine de son pays.
Kovalevskiy a un long passé dédié aux intérêts des industriels de l’amiante. Il était co-auteur d’un rapport russe adressé à la communauté européenne en 2002 pour tenter de la faire changer d’avis sur l’interdiction. Il était l’un des témoins payés par l’Institut Brésilien du Chrysotile pour parler en faveur de l’amiante au Suprême Tribunal Fédéral brésilien. Il était l’un des organisateurs de la conférence de Kiev, aux côtés des escrocs habituels des instituts du chrysolite canadien et brésilien.
Penser que la science peut bénéficier d’une collaboration avec l’Institut russe du chrysolite et avec des scientifiques miteux et corrompus relève au mieux d’une incroyable naïveté. Il est grand temps que l’IARC ouvre les yeux sur les erreurs passées et présentes et règle ce qu’elle-même appelle des «   conflits d’intérêts   ». Le Centre a été créé pour produire des évaluations scientifiques et proposer des politiques de prévention internationales au sein de l’OMS.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°43 (septembre 2013)