Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

Vous êtes ici : Accueil » L’ANDEVA » Le Bulletin de l’Andeva » Numéro 28 (décembre 2008)

Questions à … François Félix Blandin

28 janvier 2009

« Le brevet d’une machine permettant de réaliser des flocages sans amiante fut déposé en 1951 »


Trois frères (Henri, Michel et Philippe Blandin) fondèrent il y a plus d’un demi-siècle une entreprise d’isolation. Conscients du danger des flocages à base d’amiante, ils firent d’emblée le choix d’utiliser d’autres matériaux. Ils sont aujourd’hui décédés. François Félix Blandin, le fils de Michel, qui est aujourd’hui conseiller en prévention du risque amiante, apporte ici son témoignage.


Pouvez-vous nous dire quelle était l’activité de la société Blandin et Cie ?

C’était une entreprise du BTP spécialisée dans l’isolation par projection. Elle a vu le jour en 1951. La même année, les frères Blandin déposaient le premier brevet d’une machine capable de projeter des fibres de roches et des fibres minérales artificielles en remplacement de l’amiante.
Jusqu’alors, il n’existait, en France et à l’étranger, que des machines permettant de projeter des fibres d’amiante. La société Blandin assurait aussi la confection et la pose de faux plafonds, activité qu’elle arrêta à la fin des années 60.

Votre père et vos oncles ont cherché et trouvé des produits de substitution à l’amiante dès 1951. Avaient-ils conscience du danger dès cette époque ?

Je peux l’affirmer. Mon oncle Henri poursuivait des études d’ingénieur à Centrale. Il a fait son stage de fin d’études en 1950 à la Seloti, une des trois entreprises de projection d’amiante françaises, qui subsistaient après la guerre. Il était directement rattaché à la direction de l’entreprise. Les dirigeants parlaient librement devant lui. Il a pu constater qu’ils connaissaient le danger.
C’est pourquoi, lorsqu’il a voulu créer une entreprise d’isolation projetée avec ses frères, il a cherché d’emblée à remplacer l’amiante.
Il s’est heurté à un problème : il y avait bien des fournisseurs de fibres de roche, mais pas de machine capable de projeter ces fibres. Il a donc fallu la concevoir et déposer un brevet.
Les informations sur le risque amiante n’étaient pas diffusées dans le grand public. Mais, dans les cercles restreints des industriels du BTP qui utilisaient l’amiante, cette connaissance existait.
Le tableau 30 des maladies professionnelles dues à l’amiante avait été créé un an plus tôt en août 1950 (1).
Sur tous les devis de la société Blandin, il était précisé « sans amiante, sans silicate, sans silice libre ». L’Absence d’amiante était pour Blandin et Cie un argument commercial.

Votre père a-t-il connu personnellement des malades de l’amiante ?

Oui. Il était intéressé par les techniques de projection. Il avait beaucoup d’amis parmi le personnel des entreprises concurrentes, qui toutes utilisaient de l’amiante. Il les a vu disparaître les uns après les autres dès les années 50. C’étaient tous des anciens du métier, qui avaient repris leur activité juste après la guerre.

Quand a été inventé le procédé d’isolation par projection d’un flocage d’amiante ?

C’est dans les années 20 que sont apparus les premiers procédés de flocage, tous à base d’amiante.
Un procédé anglais, le procédé LIMPET, a été utilisé dans le monde entier, principalement dans les chantiers navals, notamment pour la réparation des flocages dégradés, qui protégeaient la coque et les séparations de compartiments. Dans la marine, ce qu’on craint le plus, ce n’est pas la voie d’eau, c’est l’incendie. Les compagnies d’assurance n’assuraient les navires qu’à condition qu’il y ait des protections anti-feu à base d’amiante. Il y avait des entreprises « licenciées LIMPET » dans le monde entier.

Avez-vous parlé avec votre père ou vos oncles, lorsque la catastrophe sanitaire de l’amiante est apparue dans toute son ampleur ? Quel bilan en tiraient-ils ?

Leur entreprise avait alors disparu, mais ils estimaient avoir fait œuvre utile : si une mesure d’interdiction des flocages à base d’amiante a pu être prise en 1977, c’est aussi parce qu’ils avaient mis au point un procédé de substitution 25 ans plus tôt...


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°28 (janvier 2009)