Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

Vous êtes ici : Accueil » L’ANDEVA » Le Bulletin de l’Andeva » Numéro 53 (janvier 2017)

Pénal - mise en danger de la vie d’autrui : Chru de Besançon, ateliers SNCF Saintes, Aubignas (Ardèche)

27 janvier 2017

- CHRU de Besançon : un hôpital public condamné pour la première fois en France
- Ateliers SNCF de Saintes : « Nous avons déposé une plainte il y a déjà 15 ans »
- Aubignas (Ardèche) : deux responsables mis en examen


CHRU de Besançon : un hôpital public condamné pour la première fois en France

Le 30 novembre dernier, le CHRU de Besançon a été reconnu coupable d’avoir mis délibérément en danger la vie d’une quarantaine de salariés en les exposant
à l’amiante pendant 4 années.

C’est une première dans un établissement public. La sanction financière est très faible, mais le jugement a une portée nationale.

La direction a fait appel. La Procureure aussi. La bataille judiciaire continue.

L’hôpital était poursuivi pour une mise en danger d’une quarantaine de salariés par «  violation manifestement dé­libérée d’une obligation réglementaire de sécurité  ». L’action énergique et efficace de l’inspection du travail a permis d’alerter la Procureure de la République. Tous les syndicats (CGT, CFDT, FO, Sud santé) et le CHS CT s’étaient portés partie civile. L’Andeva aussi.

Une première

Le tribunal a reconnu la responsabilité du CHRU pour une partie des faits. « C’est la première fois en France qu’un établissement public, et de surcroît un hôpital, est condamné pour la mise en danger délibérée de la vie de ses salariés concernant le risque amiante », ont dit l’intersyndicale et les avocats des parties civiles.

«  C’est un message fort pour la fonction publique : face à un risque mortel, les règles d’hygiène et sécurité sont applicables par tous, a fortiori par un établissement ayant une mission de santé  », a dit Michel Ledoux.

Une sanction symbolique

Le CHRU est condamné à verser 150 euros à chaque agent et 450 euros à chaque syndicat + une amende de 40 000 euros avec sursis.

« Cette amende représente 0,008 % des 500 millions d’euros du budget annuel du CHRU, ont souligné les représentants de l’intersyndicale. Comparé au salaire moyen annuel d’une infirmière, cela reviendrait à la condamner à payer 2,11 euros, même pas le prix de deux cafés !

Le même jour, la presse parlait des militants d’Air France condamnés à 3 et 4 mois de prison avec sursis et de chasseurs ayant tué des oiseaux protégés, condamnés a un an de prison ferme  !  »

Il y a une contradiction entre la gravité de la faute («  mise en danger délibérée de la vie d’autrui ») et le caractère limité de la sanction.

L’enjeu national d’une condamnation

Les avocats, dont l’ex-ministre de la santé Claude Evin, vont demander l’annulation de cette condamnation « infamante » en appel. On pourrait s’en étonner. En fait l’existence d’une condamnation a pesé plus lourd dans ce choix que le niveau de la sanction  : la reconnaissance par un tribunal correctionnel de la responsabilité d’un établissement de soins dans l’exposition délibérée de travailleurs à un risque mortel a une portée nationale.

« Il y a gros à parier que la FHF (la fédération hospitalière de France), qui regroupe tous les directeurs des hôpitaux publics, a fait pression pour que la Direction générale fasse appel, estime Christiane, retraitée CGT. Une condamnation risque en effet de donner des idées aux camarades qui connaissent de tels problèmes, dans d’autres hôpitaux ou services publics. »

Rendez-vous en cour d’appel

La Procureure (qui réclamait une peine plus sévère) et les parties civiles ont fait appel.

« Au CHRU, la situation est tendue, explique Pascal Hudry, secrétaire du CHSCT. Beaucoup sont déçus («  Tout ça pour ça  !  »). La politique managériale dégrade le climat social et ne favorise pas le « vivre ensemble ». Sur le terrain, rien ne semble devoir changer rapidement...

Nous ferons tout pour que le maximum de salariés aille au tribunal administratif pour exiger des indemnités et non pas des aumônes. Nous nous donnerons les moyens d’être présents et de gagner notre procès en appel. »


Ateliers SNCF de Saintes : « Nous avons déposé une plainte il y a déjà 15 ans

Suite au travail effectué par les équipes SUD Rail de Saintes et Bordeaux, une plainte pour mise en danger d’autrui a été déposée le 27 novembre 2001, au parquet de Saintes. Le dossier a été transmis aux magistrats spécialisés du pôle de santé publique à Paris.

L’Andeva, la fédération SUD Rail et plusieurs victimes se sont portées partie civile. Jean-Paul Dugoujon de SUD Rail fait le point sur cette procédure.

Pourquoi avez-vous déposé cette plainte  ?

Parce que la direction a manqué à ses obligations de sécurité et mis en danger la vie du personnel qu’elle a exposé à l’amiante.

La SNCF utilisait-elle beaucoup d’amiante ?

Oui, pour l’isolation du matériel roulant. Les agents de la maintenance à Saintes ont été fortement exposés.

Le danger était connu depuis longtemps. Les mesures de prévention ont été insuffisantes, tardives, voire inexistantes.

Où en est l’instruction ?

Un expert indépendant a été missionné par le juge d’instruction pour vérifier si l’établissement industriel de maintenance de matériel (EIMM) de Saintes respectait la réglementation passée et présente.

L’expert a passé en revue, l’évaluation des risques, le dossier médical, les protections individuelles, l’efficacité des déprimogènes, l’existence de douches à côté de la zone de travail, la conformité des locaux, les déchets...
Son rapport confirme les carences de l’entreprise et la légitimité de notre plainte. Il se termine par «  nous considérons que les locaux que nous avons pu visiter ne sont pas conformes à la règlementation en vigueur  ».

Y a-t-il eu des mises en examen ?

Une seule jusqu’à présent  : celle du chef d’établissement de 2001.
A ce jour, ni la responsabilité des directions régionales et nationales de la SNCF ni celle de la médecine du travail n’ont été mises en cause, alors que tout le dossier de l’instruction les implique.

Votre action a-t-elle déjà eu des résultats ?

A Saintes, nous avons obtenu la construction d’un bâtiment dédié au travail sur les matériaux amiantés (seule réalisation conforme dans les ateliers SNCF en France) ainsi qu’un début de prise de conscience dans les autres établissements. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Comment est-il possible d’améliorer la sécurité à la SNCF ?

Tous les travaux sur des matériaux susceptibles de libérer des fibres doivent être faits dans un atelier spécialisé, hermétiquement clos, équipé d’un sas.
Les agents doivent être formés et avoir une habilitation au risque chimique (la réglementation sur les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction s’applique à l’amiante).
Le repérage de l’amiante doit faire l’objet d’une signalisation visible par tous.

Que fait la Direction ?

Pour le choix des mesures de prévention ou le maintien d’amiante dans le matériel roulant, elle a l’habitude de décider seule.

Elle fait appel à des entreprises extérieures pour les travaux de désamiantage, mais sur quels critères ? Nous ne pouvons lui faire confiance.

SUD Rail demande un véritable recensement des personnes exposées. Un questionnaire a été envoyé en 1996 pour qu’elles puissent bénéficier d’un suivi médical renforcé et d’une attestation d’exposition à leur cessation d’activité. Mais le recensement est incomplet et il n’y a pas de document disant où se trouvait l’amiante.

Il reste beaucoup à faire sur les protections individuelles et collectives, l’étiquetage, la traçabilité des expositions, le contrôle des méthodes de travail, la coactivité...

15 ans après, où en est la procédure ?

Une expertise médicale a été ordonnée pour les plaignants de 2001, malades ou décédés de l’amiante. L’instruction s’éternise. Il faut la clôre au plus vite et passer au procès pénal. Sud Rail et les parties civiles vont y travailler avec les cabinets d’avocats de l’Andeva.

Une condamnation de la SNCF serait une sanction des manquements de l’employeur et un encouragement à renforcer la prévention.


Aubignas (Ardèche) : deux responsables mis en examen

AUBIGNAS
Deux responsables de Basaltine en examen
Un juge d’instruction du pôle de santé publique de Marseille a mis en examen deux dirigeants de Basaltine pour «  mise en danger d’autrui ».

Pour le Caper Ardèche, c’est «  une première victoire dans la lutte pour la prévention du risque amiante et un rappel au respect de la vie humaine et de la santé des salariés  ». L’Association compte compte à ce jour 21 victimes (dont deux décédées) dans cette usine.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N° 53 (janvier 2017)