Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Ordonnances : la suppression des CHSCT

21 septembre 2017

- Le MEDEF en rêvait, l’Assemblée l’a fait : la suppression des CHSCT est en marche
- L’expérience des associations le montre : dans les luttes sur l’amiante, des élus CHSCT ont su être efficaces
- Un contrepoids à la logique meurtrière du profit


LE MEDEF EN RÊVAIT, L’ASSEMBLÉE L’A FAIT
LA SUPPRESSION DES CHSCT
EST EN MARCHE

Le 1er août, par 421 voix pour, 74 contre et 23 abstentions, l’Assemblée nationale a voté une loi d’habilitation autorisant le Gouvernement à réformer le Code du travail par ordonnances « en fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».

Un recul majeur sur la Sécurité et la Santé au travail

En présentant la fusion des trois instances (DP, CE, CHSCT) comme une mesure de simplification administrative et un moyen d’améliorer la qualité du « dialogue social », Muriel Pénicaud, la ministre du Travail a brouillé les cartes.

Une présentation en trompe l’oeil

Elle a tenté de rassurer l’assistance en indiquant que « rénover n’est pas détruire », que toutes les attributions du CHSCT seraient transférées à la nouvelle instance, y compris celle d’ester en justice, et qu’on pourrait même envisager d’y créer une « commission HSCT ».

En fait, ces ordonnances ont une logique dont on ne tardera pas à mesurer les conséquences :
- d’un côté elles fragilisent la situation des salariés face à leurs employeurs, ce aura inévitablement pour conséquence une augmentation des risques d’accidents et de maladies ;
- de l’autre, elles privent les salariés d’une instance autonome, spécialisée, composée de représentants du personnel qui ne s’occupent que de la sécurité et de la santé au travail.

Une importante régression

Ce qui va se passer dans cette « instance unique » est prévisible : dans un contexte marqué par les menaces sur l’emploi et le blocage des salaires, la santé au travail deviendra inévitablement le « parent pauvre », celui qu’on traite en fin d’ordre du jour, sans approfondir les questions.

Contrairement aux déclaration de la ministre, certaines des prérogatives du CHSCT, loin d’être maintenues, sont d’ores et déjà menacées.

Ainsi la loi prévoit d’habiliter le gouvernement à revoir « les conditions et modalités de recours aux expertises ». C’est une question sensible. En effet le Code du Travail permet aujourd’hui au CHSCT de décider une expertise financée par l’employeur, y compris si l’employeur votre contre en cas d’accident grave ou de réorganisation.

Cette expertise CHSCT est devenue la « bête noire » du MEDEF qui souhaite rogner voire supprimer ce droit. Tout laisse craindre que le gouvernement se prépare à lui donner satisfaction.

Une mesure
par la Fnath et l’Andeva

La suppression du CHSCT avait déjà été évoquée en janvier 2015, quand se sont engagées les négociations sur la « modernisation du dialogue social ».

L’Andeva et la Fnath avaient alors dénoncé une mesure « extrêmement dangereuse pour la santé au travail et la prévention des risques professionnels ».

Les deux associations avaient alerté l’opinion publique : « les victimes de l’amiante et des risques professionnels, sont très inquiètes des conséquences qu’aurait une telle évolution du Code du travail ».

Elles avaient dit leurs craintes que dans la nouvelle instance unique, « la préoccupation santé conditions de travail ne passe à la trappe » et avaient défendu « la nécessité de préserver une instance représentative du personnel spécifique sur la santé au travail ».

La Fnath et l’Andeva expliquaient que « l’intervention des salariés et de leurs représentants sur l’organisation et les conditions de travail est un facteur déterminant de la prévention.

L’expérience commune de nos deux associations nous montre que la prévention des expositions à l’amiante, de la pénibilité, des TMS ou encore des risques psychosociaux, est plus efficace en présence de représentants du personnel formés et compétents sur cette thématique particulière de la santé au travail ».

Cette prise de position est plus actuelle que jamais.


L’EXPÉRIENCE DES ASSOCIATIONS LE MONTRE :
DANS LES LUTTES SUR L’AMIANTE,
DES ELUS CHSCT ONT SU ETRE EFFICACES

La mission du CHSCT est de défendre la santé des salariés dans tous les domaines : sécurité, hygiène et conditions de travail. La loi lui donne de vastes prérogatives qui peuvent être utilisées pour défendre les salariés exposés et les victimes de l’amiante et du travail.

« un outil pour la prévention et l’aide aux victimes »

La prévention,

En matière de prévention,le CHSCT dispose de moyens d’intervention importants :

Il participe à des visites de services.

Il a connaissance du Dossier Technique amiante (DTA) qui précise où est l’amiante, sous quelle forme et dans quel état.

En cas de danger imminent il dispose d’un droit d’alerte avec inscription sur un registre dédié et enquête rapide. Il peut soutenir un ou des salariés qui exercent un droit de retrait. Deux élus peuvent imposer la convocation d’un CHSCT extraordinaire.

Quand une entreprise extérieure intervient, les représentants du personnel peuvent participer au plan de prévention.

S’il s’agit d’un désamiantage, ils peuvent avoir communication du plan de retrait et en cas de danger saisir l’inspecteur du travail qui a le pouvoir d’arrêter un chantier si la réglementation n’est pas respectée.

Le médecin du travail aborde le suivi médical des actifs et des retraités au CHSCT où il siège. C’est un lieu privilégié pour en débattre avec les élus qui peuvent faire des propositions et informer les salariés.

Le CHSCT peut intervenir sur la formation sécurité des salariés de l’entreprise utilisatrice et des intervenants.

Son champ d’action a été élargi à l’environnement, ce qui lui permet d’intervenir pour protéger à la fois la santé des salariés et celles des riverains.

Le CHSCT n’est pas une simple commission, c’est un organisme indépendant, doté de la personnalité civile.

Il peut ester en justice.

Il peut intervenir dans une procédure pénale pour mise en danger de la vie d’autrui, s’il y a une violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité par l’employeur.

L’aide aux victimes

Des élus au CHSCT motivés peuvent acquérir une connaissance fine du travail réel dans tous les services d’une entreprise et tisser des liens de confiance avec des salariés dont ils ont amélioré le poste. Ces qualités leur permettent d’apporter une aide considérable à une victime ou une veuve qui veut faire valoir ses droits.

Le CHSCT doit être informé des nouveaux cas de maladies professionnelles. Il peut aider à retrouver la mémoire des expositions pour un dossier Sécu ou Fiva.

Il peut décider une enquête sur un accident du travail mais aussi sur une maladie professionnelle.

Lorsqu’une action en faute inexcusable de l’employeur est engagée, les juges sont très attentifs aux PV de CHSCT, si des élus ont alerté en vain la direction.

La connaissance fine des services peut aussi aider à monter un dossier d’inscription de l’établissement sur les listes ouvrant droit à la « pré-retraite amiante ».

Ceux qui veulent casser cet outil rêvent de nous ramener 35 ans en arrière.


Un contrepoids à la logique meurtrière du profit

Dans un contexte marqué par la précarisation du monde du travail, le CHSCT n’est pas une simple instance technique, c’est une digue face à une logique financière qui donne la priorité au profit de quelques-uns sur la santé de tous.

Cette logique meurtrière progresse et risque de tout balayer sur son passage.

Faire sauter cette digue, à l’heure où deux millions et demi de salariés sont encore exposés à des cancérogènes sur leur lieu de travail est irresponsable.

C’est réunir sciemment toutes les conditions pour faire flamber le nombre de maladies et de décès dus au travail.

Le CHSCT est un contrepouvoir face aux dérives patronales.

Au lieu de le supprimer, le gouvernement ferait mieux de se préoccuper d’élargir la protection des millions de salariés des PME et artisans, qui n’ont pas de CHSCT. C’est chez eux que les expositions professionnelles sont les plus fortes et que la conscience du risque est la plus faible.


Article tiré du Bulletin de l’Andeva N°55 (septembre 2017)