Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Le dangereux projet de Triel-Vernouillet :

10 septembre 2014

Un centre commercial géant sur une friche Eternit archi-polluée

Le préfet des Yvelines n’a peur de rien. Il autorise l’implantation d’un centre commercial de 40 000 mètres carrés sur un site amianté d’Eternit . Un feu vert donné sans état d’âme - au prix d’une réécriture des servitudes d’utilité publique - à l’emplacement de cette usine où, selon l’autorité environnementale elle-même, «  ont été fabriqués, enfouis et confinés des matériaux contenant de l’amiante et des polluants chimiques  » et qui de surcroît « se trouve pour partie en zone inondable et sur les champs captants d’eau potable  ». Des associations de défense de l’environnement ont saisi la justice. L’Andeva sera à leurs côtés.

L’usine Eternit a fermé ses portes en 1997. La société, restée propriétaire du site, ne l’a que partiellement dépollué.

85 000 m3 de déchets

La base de données
Basol indique dans une fiche remise à jour en juillet 2014 : «  Les études faites sur ce site industriel de 12 ha environ ont montré une pollution des sols par l’amiante, les hydrocarbures et solvants.
En effet, des remblais avec des déchets amiantés (amiante - ciments, boues amiantées, ...) ont été réalisés sur près de 8 ha environ avant 1976, lorsque l’activité exercée sur le site relevait de la rubrique 89-2  : atelier de broyage, trituration et tamisage de produits minéraux.
 »
L’avis de l’autorité environnementale du 27 mai 2014 relève que «  dès 1976, 85 000 mètres cubes de déchets, contenant de l’amiante mais également d’autres polluants chimiques (cadmium, zinc, solvants, hydrocarbures...) ont été enfouis et confinés sur le site, dans une poche rendue étanche par des membranes géotextiles spécialement étudiées  ».
Quel est à ce jour l’état de ce géotextile «  spécialement étudié  » soumis aux agressions de la végétation et des rongeurs  ? L’avis ne le dit pas.

Les servitudes de l’arrêté de 2001

Un arrêté préfectoral de décembre 2001 avait imposé des servitudes d’utilité publique rappelées dans l’étude d’impact  : «  Sont notamment interdites certaines occupations dites «  sensibles   » (habitations, écoles, jeux d’enfants...)  »  ; il interdisait aussi les travaux de fouilles en sous-sol sur une partie du site ainsi que «  les plantations susceptibles d’atteindre des matériaux amiantés ou d’altérer le confinement  ». Il imposait une « surveillance sans limite de durée » du site avec analyses et vérifications de confinement.
Deux bâtiments (Dalami et Fibrociment) ont été démolis depuis. Fin 2012, durant trois jours, un incendie a aggravé le délabrement du plus grand hangar restant (4000 mètres carrés).
Le sous-sol reste pollué :
52 sondages récents révèlent la présence de polluants (amiante, trichloroéthylène, PCB, métaux, sulfates...). L’étude d’impact précise que « le site se trouve en partie en zone inondable   » et sur les champs captants d’eau potable. Ces faits auraient du être suffisants pour plomber ce projet commercial «  Deck 78 » et inciter le préfet à un minimum de prudence.

Un projet à risques majeurs

En mars 2013, l’Agence régionale de santé (ARS) avait donné un avis défavorable.
L’avis rendu le 27 mai 2013 par l’autorité environnementale (signé par le Préfet secrétaire général pour les affaires régionales), souligne les insuffisances de l’évaluation qualitative des risques sanitaires (EQRS)  : «  La phase de réalisation des travaux mériterait davantage de précisions  » ; l’étude d’impact devrait être précisée, afin qu’on puisse «  apprécier toute l’étendue des travaux en zone amiantée et la suffisance des mesures proposées »  ; ce projet « manque d’éléments précis » sur le risque d’inondation, etc.
L’argument d’une « nouvelle dynamique économique et commerciale » a prévalu sur les exigences de santé publique : le préfet a pris, dès le 12 février 2014, un nouvel arrêté «  sur mesure  » allégeant les servitudes pour permettre «  l’implantation de locaux à usage commercial ». Il n’a pas attendu les conclusions de l’enquête publique qui n’ont été connues que le 20 mai. L’ARS a finalement émis un avis favorable, mais assorti de nombreuses réserves.

Des questions sans réponses

Les questions posées par ce projet sont importantes :

1) Pourquoi la consultation publique prévue par la loi n’a-t-elle pas eu lieu  ?

Les pouvoirs publics ont obligation de permettre au public de participer aux décisions administratives ayant un impact sur l’environnement, et plus particulèrement aux arrêtés préfectoraux de servitudes d’utilité publique en matière de sites pollués en raison d’activités industrielles de fabrication de produits à base d’amiante. Cette obligation résulte tant de la loi et de la Constitution que du Droit international.
Or ce second arrêté préfectoral a été pris sans que les citoyens intéressés puissent s’exprimer, avant les résultats de l’enquête d’utilité publique.
Il est donc illégal.
L’évidente minimisation des risques et le non respect de la loi justifient totalement le recours auprès du tribunal administratif.

2) Pourquoi ne pas dépolluer entièrement le site ?

Le commissaire en charge de l’enquête d’utilité publique évoque bien l’hypothèse d’une «  dépollution totale du site - seule solution complète - c’est-à-dire l’évacuation totale des terres polluées mises en centre et leur remplacement  ». Mais c’est pour mieux la rejeter, sous prétexte qu’elle « représenterait un chantier considérable techniquement et économiquement et surtout avec de très importants risques de pollution (terrassement, chargement, transport ». En fait, la solution retenue est de «  laisser la poussière sous le tapis », en confinant un sol qui restera pollué. Ce qui n’empêchera pas de solliciter des autorisations pour y creuser des excavations ni de retirer une couche superficielle de terre polluée pour l’envoyer en décharge spécialisée.

3) Quels risques pour les riverains pendant les travaux ?

Les bâtiments restants seront déconstruits. La présence d’habitations proches imposerait un confinement extérieur global (méthode utilisée pour la déconstruction de l’usine CMMP à Aulnay-sous-Bois), pour éviter de contaminer l’environnement.
Or le mode opératoire reste flou, le maître d’ouvrage se bornant à affirmer que «  la réglementation sera respectée ».
Les riverains ont donc du souci à se faire sur les risques de pollution au voisinage du chantier pendant la période de travaux.


Deux associations saisissent la justice

Deux associations de défense de l’environnement et de la qualité de vie, ont saisi le Tribunal administratif de Versailles pour demander l’annulation de l’arrêté préfectoral du 12 février 2014.
Monsieur Grenier, Président de l’association « Bien vivre à Vernouillet ». nous explique pourquoi :
« La chronologie de ce projet démontre que nous sommes en présence d’une affaire intrigante. Il y a une réelle volonté de masquer la réalité et les risques présents et à venir pour la population. Malgré les incertitudes financières et les nombreuses incohérences de ce projet que nous avons signalées aux maires, ils ont signé les permis de construire, le 11 juillet pour Triel et le 18 juillet 2014 pour Vernouillet. Nous espérons qu’avec l’aide de l’Andeva (que nous avons contactée par l’intermédiaire de Monsieur Arnaudeau) et du cabinet d’avocats ce projet ne verra pas le jour. Dans tous les cas le problème de dépollution du site restera entier et nous continuerons à suivre attentivement l’avenir de ce site et à agir dans l’intérêt de la santé publique »

http://www.
bien-vivre-a-
vernouillet.org/


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)