Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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L’Oradour-sur -Glane de l’amiante

2 mai 2014

Dans cette vallée de la mort, coincée entre le Calvados et l’Orne, les malades de l’amiante se comptent par centaines.
Aujourd’hui, les usines qui avaient empoisonné les travailleurs et riverains ont fermé et ont été laissées à l’abandon.
Rassemblées, les victimes continuent la lutte pour la protection de leur région et pour que justice leur soit enfin rendue.
Tous attendent un grand procès de l’amiante où les responsables de leur contamination répondent de leurs actes.

« Dans presque toutes les familles il y a des victimes »

« À Condé-Sur-Noireau et dans les villes alentour, tout le monde connaît quelqu’un atteint d’une maladie due à l’amiante ; dans presque toutes les familles, il y a des victimes et parfois même plusieurs, explique Jean-Claude Barbé, vice-président de l’Aldeva. Il y a une cinquantaine de décès par an et c’est chez nous que la première stèle en hommage aux victimes a été érigée. »

La seule source
d’emploi dans
la région

Pendant des années, dans cette région, que l’on ne surnommait pas encore la vallée de la mort, entre Calvados et Orne, la seule source d’emploi était les usines Valéo-Ferodo. Elles produisaient des systèmes de freinage et d’éclairage, des systèmes thermiques et électriques. Des familles entières travaillaient pour ces usines où l’amiante était utilisé sans aucune protection ni information sur sa dangerosité.
Aujourd’hui, dans ce paysage désertique et déserté, il est difficile d’imaginer la douzaine d’usines qui tournait à plein rendement, les parkings pleins de voitures, les allées et venues des ouvriers qui souvent habitaient à proximité.


Une poudre blanche semblable à de
la neige

Durant des dizaines d’années, les usines n’empoisonnent pas seulement leurs salariés mais aussi les riverains qui respirent la poussière d’amiante qui s’échappe dans l’air, les femmes des travailleurs qui lavent les bleus de travail de leur mari, les enfants qui jouent dans les jardins alentours.
Certains se souviennent même qu’autour des usines, une poudre blanche, semblable à de la neige, recouvrait les toits et les arbres.
«  Quand nous étions gosses, raconte Jean-Claude Barbé, nous nous amusions à secouer les sapins, à côté des usines pour voir l’amiante virevolter. C’était un beau spectacle. Nous ne pouvions pas penser que nous étions en train de nous empoisonner. Aujourd’hui, le nombre de victimes environnementales est impressionnant. »

Le coiffeur et
la fermière

Parmi les adhérents, les exemples sont nombreux de malades qui n’ont pas eu de contact direct avec l’amiante. Un coiffeur a appris qu’il avait des plaques pleurales simplement pour avoir eu, dans sa clientèle, des ouvriers de l’usine qui avaient de la poussière d’amiante plein les cheveux. Une fermière dont les vaches broutaient non loin d’une usine et qui étaient parfois couvertes de fibres d’amiante a aussi été contaminée. «  Et ces exemples ne sont pas isolés poursuit Jean-Claude Barbé, l’amiante était partout, on a même trouvé un nid fabriqué avec  ! »

Une prise de conscience tardive

« Ce n’est que dans les années 1970 que l’on a commencé à comprendre que l’amiante pouvait être dangereux, explique Roger Amand, trésorier de l’Aldeva. Certains collègues tombaient malades. Dans l’usine, nous avons pris un peu plus de précaution, notamment avec des vêtements qui nous protégeaient un peu et avec un système d’aspiration de l’air un peu plus performant. » Mais les progrès sont lents. Roger Amand se souvient même que dans les années 80, avec ses collègues, ils prenaient leur pause sur des tas d’amiante !

Les premières
actions en faute
inexcusable

À la fin des années 90, progressivement, au sein des associations de la Fnath et de l’Aldeva, les travailleurs se regroupent afin d’obtenir une reconnaissance en maladie professionnelle. «  Je me souviens que nous étions nombreux en 1998 à attaquer notre employeur en faute inexcusable, même si certains ont eu peur d’aller jusqu’au bout de la procédure. »

La cessation
anticipée d’activité

Ce sont les débuts de l’Acaata. Comme Roger Amand, les salariés qui ont travaillé en contact avec l’amiante montent un dossier pour partir en préretraite. «  Je me suis renseigné et après de nombreux examens qui ont prouvé que j’étais malade, j’avais une asbestose, j’ai pu partir en préretraite amiante, poursuit-il. »

Caligny :
une polémique
sur le stockage
des déchets

« La situation est terrible : Toutes les usines qui sont maintenant fermées, tombent en ruines et n’ont pas été désamiantées, explique Jean-Claude Barbé. Elles continuent de polluer les environs. »
L’usine du Pont à Caligny où l’on fabriquait des tresses d’amiante, du chanvre pour les presse-étoupes, des tissus pour vêtements calorifuges est encore pleine d’amiante, ce qui inquiète les associations de victimes. Or, passé un délai de 30 ans, l’entreprise n’est plus tenue de prendre à sa charge la dépollution du site.
« Valéo a tout de même accepté de s’en charger mais en proposant de confiner les déchets sur place. Or cette solution n’est pas souhaitable, explique Jean-Claude Barbé. Enfouir les déchets auprès de la rivière est dangereux surtout en cas d’inondation et surtout que non loin il y a une station de pompage qui alimente en eau potable une partie des abonnés de la Communauté agglomération du Pays de Flers. Et puis il y a également un risque lié au temps, que se passera-t-il si l’on oublie où est cet enfouissement ? »

Ne pas contaminer l’eau de la rivière

L’Aldeva et l’association Pour une vie sans amiante à Caligny, présidée par Jocelyne Guillemin, continuent de se battre pour que cette usine cesse de contaminer l’eau et le village et soit désamiantée dans des conditions correctes.
Mais le cas de cette usine n’est malheureusement pas isolé. Un peu plus loin dans la vallée, c’est un incendie qui a partiellement ravagé une usine, La Martinique, et a laissé les débris à ciel ouvert sans qu’aucune précaution ne soit prise.



Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014)