Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

Vous êtes ici : Accueil » L’ANDEVA » Le Bulletin de l’Andeva » Numéro 21 (novembre 2006)

L’ANDEVA A DIX ANS
une des plus belles réussites militantes de ces dernières décennies

30 décembre 2006

Que pouvait-on rêver de mieux pour célébrer les dix ans de l’Andeva que ce cortège imposant et digne dans les rues de Paris et ces milliers de regards tournés vers ces ballons qui s’envolent, symbolisant ces vies emportées par l’amiante ? Chacun d’entre nous gardera longtemps le souvenir de cette manifestation du 30 septembre. Merci à celles et ceux qui, à Vincennes comme dans toutes les associations régionales, se sont engagés sans compter pour réussir cette mobilisation, comme ils s’engagent tous les jours depuis dix ans pour faire avancer les droits des victimes de l’amiante. Ensemble, nous avons fait de l’Andeva l’une des plus belles réussites militantes de ces dernières décennies.

Ensemble, nous avons montré à l’opinion et aux pouvoirs publics notre détermination et notre capacité à lutter « pour la justice, contre l’oubli et la défense de nos droits ». Merci également aux organisations syndicales, mutualistes et politiques qui nous ont soutenus, spécialement à la CFDT et à la CGT qui ont mobilisé de nombreux militants pour venir grossir les rangs de la manifestation. C’est un geste politique fort qui signe la reconnaissance de notre association en tant qu’acteur social incontournable sur la question de la prévention et de la réparation des risques professionnels.
Que faire de ce capital militant accumulé par notre association ?

Nous avons beaucoup progressé dans l’indemnisation des préjudices des victimes de l’amiante, mais il reste encore des lacunes à combler. C’est particulièrement vrai pour la réparation des maladies professionnelles. C’est encore plus flagrant s’agissant du Fiva où le montant des offres reste inférieur de moitié à la moyenne des tribunaux. A ce jour, une douzaine de cours d’appel ont répondu à nos demandes en augmentant significativement les offres du Fiva. Il incombe au conseil d’administration du Fonds, où les représentants des pouvoirs publics sont majoritaires, de réévaluer le barème. Il faut aussi élargir la brèche ouverte par les victimes de l’amiante. La réparation intégrale de droit commun doit remplacer la réparation forfaitaire d’un autre âge pour toutes les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Nous devons aussi travailler à une meilleure homogénéisation de l’indemnisation sur l’ensemble du territoire. Au Tass de Lille le montant des indemnisations a été brutalement divisé par trois, voire par quatre. Ce dysfonctionnement majeur de la Justice est inacceptable.
Un autre chantier, celui de la prévention, n’a pas progressé autant que la réparation. Toutes les leçons de la catastrophe de l’amiante n’ont pas été tirées. Certes il y a aujourd’hui un arsenal de textes réglementaires assez complet par rapport à d’autres pays industrialisés : sur la gestion de l’amiante en place, le retrait d’amiante non friable, la prévention du risque CMR, l’évaluation des risques, le risque chimique... On peut encore les améliorer, mais le problème le plus criant, c’est qu’ils ne sont pas appliqués. Nous devons tout mettre en œuvre pour que cela change. Avec la procédure de mise en danger d’autrui et les premiers résultats encourageants de l’affaire Alstom à Lille - s’ils sont confirmés en appel - nous disposerons « d’une arme de dissuasion » qu’il conviendra de savoir utiliser.

Le chantier pénal doit être poursuivi. Les résultats engrangés ces derniers mois sont encourageants. Mais le grand procès pénal tant attendu est encore loin. Traduire en Justice les responsables d’une catastrophe d’une telle ampleur et d’une telle complexité nécessite que la Justice évolue. Par exemple les procédures pénales en matière d’homicides et de blessures involontaires ne sont pas adaptées aux affaires de santé publique, comme l’amiante. Des aménagements seront donc nécessaires. Mais ce sont des choix de société sur lesquels nous devrons peser.

Enfin, on ne saurait finir ce tour d’horizon sans évoquer l’indispensable réforme de la cessation d’activité des travailleurs de l’amiante. Partir en retraite plus tôt parce qu’on a une espérance de vie plus courte, c’est la Justice. Il n’est pas équitable de laisser sur le bord du chemin de nombreux travailleurs qui ont été très exposés, comme ceux du bâtiment, le secteur où l’on meurt le plus de l’amiante. Le système doit être amélioré. Nous avons fait des propositions précises au ministre du Travail qui nous a reçus fin octobre.

Voilà quelques pistes pour les années à venir. Il faudra sans doute encore de nombreux samedi 30 septembre pour obtenir des progrès dans toutes ces directions. Mais l’ampleur de ce drame et le souvenir de ceux qu’il a fauchés sont des puissants moteurs pour l’action. Nul doute qu’ils nous aideront encore à déplacer quelques montagnes.

François DESRIAUX


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°21 (novembre 2006)