Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva)

30 janvier 2014

- Pour la première fois en France
- L’amiante d’Eternit a empoisonné mon épouse
- Une urgence
- L’article 1384 du code civil
- Un nouveau délai de prescription pour le Fiva au premier janvier 2014


POUR LA PREMIERE FOIS EN FRANCE
Une cour d’appel condamne un employeur à rembourser l’indemnisation versée par le Fiva pour une épouse contaminée par les bleus de son mari.

Michel Salard a travaillé 22 ans chez Eternit Caronte. Pendant 19 ans, Zoé, son épouse, a lavé les bleus couverts de poussières d’amiante qu’il ramenait à la maison.
En 2008, elle fut atteinte d’un mésothéliome qui causa son décès le 1er novembre 2011.
Le Fiva indemnisa sa famille, puis engagea une action récursoire devant le tribunal de Grande instance pour faire payer l’employeur.
Le 15 décembre 2011, le TGI d’Aix a reconnu la responsabilité d’ECCF (ex-Eternit SAS) et l’a condamnée, en application de l’article 1384 du Code civil, à payer les sommes versées par le Fiva à la famille Salard.
Le 18 novembre 2013 la Cour d’appel d’Aix a confirmé que c’est bien l’employeur et non la branche AT-MP de la Sécurité sociale qui doit payer l’indemnisation.

L’article 53 de la loi du 23 décembre 2000 impose au Fiva de se retourner, chaque fois que c’est possible, contre l’employeur, pour récupérer le montant des indemnisations versées à une victime de l’amiante ou à sa famille.
Le Fonds qui est subrogé dans les droits du demandeur doit « user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi » pour saisir une juridiction civile. S’il s’agit d’un salarié, le Fiva doit engager une action en faute inexcusable de l’employeur.
S’il s’agit d’une victime environnementale, cette action n’est juridiquement pas possible, mais il est possible de démontrer la responsabilité de l’employeur en invoquant l’article 1384 du Code civil. Cet article rend responsable «  en dehors de toute notion de faute  » celui qui avait la garde de « choses inertes  » dont l’utilisation anormale a pu causer un «  dommage  » (maladie, blessures, décès...).
Les attendus de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix méritent d’être cités.

« Gardienne
des poussières d’amiante »

« La SA Eternit était gardienne des poussières d’amiante générées par son activité de fabrication et de commercialisation des matériaux en amiante-ciment et plus précisément des plaques.
En sa qualité de propriétaire et exploitante de l’usine Caronte de Martigues, elle avait l’usage, la direction et le contrôle de ce produit toxique provenant des fibres d’amiante utilisées dans ses ateliers.
Elle conservait cette garde lorsque les poussières étaient transportées à l’extérieur, notamment jusqu’au domicile de ses ouvriers par leurs vêtements de travail, veste et pantalon en toile de coton bleu, qui en étaient imprégnés et qu’elle leur fournissait gratuitement, tout en s’abstenant d’en assumer elle-même le nettoyage, leur laissant le soin individuel de procéder à cette tâche en dehors de ses locaux.
 »

Un dossier
solidement étayé

La clé de cette victoire, c’est d’abord la solidité du dossier constitué par Michel et le Caper Eternit Caronte.
Des attestations écrites, précises et concordantes ont confirmé l’exposition.
Elisabeth Thomas par exemple se souvient d’avoir « comme toutes les épouses des travailleurs d’Eternit dû secouer puis laver les vêtements de travail » de son mari, car «  l’employeur refusait de prendre en charge le nettoyage ». Elle a toujours en mémoire « une volée de poussière blanchâtre qui s’échappait de ses vestes et pantalons  » lors du secouage avant de les passer en machine. Les enfants de Zoé ont vu leur mère laver ces bleus qu’elle «  secouait vigoureusement  » et « dépoussiérait avec une tapette ». Des procès-verbaux du CHSCT montrent que les représentants du personnel avaient réclamé à plusieurs reprises le lavage des bleus par Eternit.

Un exemple
à suivre

Une action engagée par le Fiva devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale - si la faute inexcusable de l’employeur est démontrée - permet à un salarié victime de l’amiante ou aux ayants droit d’un salarié décédé porter la rente Sécurité sociale au taux maximum.
Une action engagée devant le Tribunal de Grande instance par une victime environnementale ou sa famille ne leur procure aucun avantage financier, mais elle permet de faire reconnaître la responsabilité de l’employeur et de mettre l’indemnisation à sa charge.
«  A présent, nous espérons que d’autres associations suivront cet exemple et s’engageront dans cette voie  », conclut Nicolas Cris­tofis, le président du Caper des anciens salariés d’Eternit Caronte.


MICHEL SALARD :
«  L’amiante d’Eternit a empoisonné mon épouse. C’est aux responsables de ses souffrances de payer, pas au Fiva. »

« Pendant des années les délégués et le comité hygiène et sécurité ont réclamé que les bleus soient lavés par l’employeur. Il refusait en disant qu’Eternit n’était pas une laverie ! C’est donc mon épouse qui lavait les bleus couverts de poussières que je ramenais à la maison. Pendant 19 ans, jour après jour, elle a respiré des fibres d’amiante. Et, 29 ans après la fermeture de l’usine, elle a eu un mésothéliome. Elle est décédée dans de grandes souffrances. D’autres épouses d’ouvriers d’Eternit ont été atteintes d’une maladie due à l’amiante.
Quand un juriste du Fiva m’a proposé d’engager cette action en justice, j’ai accepté sans hésiter. C’est l’amiante d’Eternit qui a empoisonné ma femme. Le Fiva a avancé l’argent, mais ce sont les responsables de ses souffrances qui doivent payer l’indemnisation. Cuvelier, le PDG, est personnellement responsable. C’est lui qui éludait la question, quand nous demandions le lavage des bleus. Il doit rendre des comptes à la Justice.
 »


L’article 1384 du Code civil

Il institue « une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose inerte qui par son caractère ou sa position anormale est intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime. »


Une urgence

La rente annuelle versée par le Fiva pour indemniser l’incapacité est réévaluée automatiquement le 1er janvier de chaque année., mais pas les préjudices extrapatrimoniaux (souffrance physique et morale, perte de qualité de vie, préjudice esthétique).
Après la création du Fiva, les montants du barème sont resté inchangés pendant 6 ans, perdant ainsi 8,7% du fait de l’inflation. Le 22 avril 2008, le CA du Fiva les a réévalués de 8,7%.
Cinq ans et demi plus tard, ils n’ont pas bougé. Les réévaluer est une urgence.


Un nouveau délai de prescription pour le Fiva au premier janvier 2014

Le délai de prescription est le délai au-delà duquel un dossier n’est plus recevable par le Fiva. S’il est dépassé, la victime ou sa famille perd ses droits à indemnisation.

On passe de 4 ans à 10 ans

En février 2007, la conseil d’administration avait fixé le délai de prescription à quatre ans. La brièveté de ce délai avait abouti à priver plusieurs centaines de demandeurs de toute indemnisation. Une situation inacceptable que l’Andeva et la Fnath ont dénoncée.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 a corrigé cette injustice en portant le délai de 4 à 10 ans, comme nous l’avions demandé. Elle a permis de rattraper des centaines de dossiers.

Le délai de prescription de dix ans est entré en
vigueur au 1er janvier 2014.

La date du point de départ

Le point de départ du délai de prescription n’est pas le même pour toutes les situations :

- Pour la maladie initiale
C’est la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’amiante1 ;

- Pour l’aggravation
C’est la date du premier certificat médical constatant cette aggravation dès lors qu’un certificat médical précédent établissait déjà le lien entre cette maladie et une exposition à l’amiante1.

- Pour les ayants droit d’une victime décédée
C’est la date du premier certificat médical établissant le lien entre le décès et l’exposition à l’amiante1.

Comment compter ?

Le délai de 10 ans se compte de date à date.
Une exception : les certificats médicaux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés avoir été établis le 1er janvier 2004 2.

Vigilance !

En 2012 et 2013, aucun dossier n’était encore susceptible d’être prescrit 2. A partir de 2014, les choses changent. Toutes celles et ceux qui suivent des dossiers Fiva doivent être très attentifs.
1) Un certificat intial ou un certificat de décès ne mentionnant pas de lien avec l’amiante ne fait pas courir le délai de prescription.
2) Le barème d’indemnisation a été adopté en 2004. Avant 2014, le délai de prescription de 10 ans ne pouvait pas être opposable au demandeur.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°44 (janvier 2014)