Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Faute inexcusable de l’employeur

1er juin 2017

- Quinze ans après les arrêts du 28 février 2002
- Arkema Saint-Auban (Alpes de Haute Provence) : Le scandale de l’amiante continue au tribunal
- L’Aldeva Drôme-Ardèche écrit à la présidente du T.G.I. : Trois ans, c’est trop !
- Bourges : deux fonderies du Berry condamnées pour la première fois


Quinze ans après les arrêts du 28 février 2002

Quinze ans ont passé depuis les arrêts historiques du 28 février 2002 qui imposent à l’employeur une obligation de sécurité de résultat.

Ces arrêts ont donné un formidable élan aux actions en faute inexcusable de l’employeur.

Dans le contexte actuel, on pouvait craindre que cette jurisprudence favorable ne soit remise en cause.

Ce n’est pas le cas : sauf exception, la faute inexcusable est en général reconnue par les les tribunaux des affaires de Sécurité sociale (TASS).

Mais les indemnisations sont en baisse dans certains tribunaux. Il arrive que l’indemnisation de la Cour d’appel soit inférieure à celle accordée par le Tass.

Si vous avez été indemnisé-e en première instance avec une exécution provisoire, et si l’entreprise que vous avez fait condamner a fait appel, ne dépensez pas l’argent versé sur votre compte suite à la décision du Tass, tant que la cour d’appel n’a pas statué ! Le remboursement d’une partie de cette somme pourrait vous être demandé.


04.ARKEMA SAINT-AUBAN (Alpes de Haute Provence) :

Le scandale de l’amiante continue au tribunal

Condamnée plus de 100 fois en faute inexcusable et 650 fois pour le préjudice d’anxiété, Arkema s’obstine à nier ses responsabilités.

A chaque nouvelle audience, les plaidoiries de son avocate sont une douloureuse épreuve pour les victimes et les familles.

Le Caper 04 a distribué un tract pour dénoncer ce comportement. René Villard, le président du Comité, nous en parle.

« Il serait grand temps que ces messieurs reconnaissent leurs erreurs et les préjudices causés aux victimes »

Pourquoi avoir distribué un tract aux portes de l’usine ?

Le 21 mars dernier, cinq dossiers ont été plaidés par notre avocate, Maître Julie Andreu, devant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (Tass) de Digne.
Nous avons été choqués par les propos tenus par l’avocate d’Arkema vis-à-vis des salariés et des victimes présents à l’audience.

Cela fait de 17 ans que nous accompagnons des victimes au tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS) de Digne.

C’est toujours le même cabinet d’avocats qui défend la direction. Nous le retrouvons devant le TASS, le Conseil des prud’hommes, la Cour d’appel ou le Tribunal administratif, pour évoquer des cas douloureux, en particulier ceux de victimes décédées d’un cancer broncho-pulmonaire, ou d’un mésothéliome.
La Direction reconnait-elle ses fautes ?

Non, les victimes peuvent en témoigner. Elle a été condamnée plus de 100 fois pour faute inexcusable devant le TASS de Digne ou la Cour d’appel d’Aix. Elle a été condamnée plus de 650 fois pour le préjudice d’anxiété et il y a eu un accord Arkema France.

Il y a de plus en plus de victimes décédées en laissant des familles dans la douleur. Par respect pour les veuves, nous avons arrêté de donner un nombre de décès, car il était systématiquement contesté par la direction.
Après toutes ces condamnations, on aurait pu penser qu’ils allaient enfin reconnaître leurs erreurs et faire en sorte que les victimes n’aient plus besoin de se déplacer devant les tribunaux. Ce n’est pas le cas.

Que s’est-il passé à l’audience du 21 mars ?

Notre avocate a retracé le parcours professionnel d’un salarié atteint d’un cancer bronchopulmonaire : il a été exposé pendant 19 ans à des cancérogènes dans un atelier, puis il a quitté l’usine pour devenir apiculteur.
L’avocate de la Direction s’est ridiculisée en disant qu’il avait attrapé son cancer au contact des abeilles ! De qui se moque-t-on  ? Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour éviter que le pollueur ne soit le payeur ?

Et la plaisanterie ne s’arrête pas là ! Un autre salarié avait travaillé 40 ans sur le site de Saint-Auban. L’avocate de la Direction n’a retenu que 4 années sur 40 et a réclamé une baisse de son indemnisation !

A-t-elle oublié que le site de Saint-Auban a été reconnu par décret dans sa totalité en 1999 pour la période 1962-1994 ?

La Direction connait bien ce décret, puisqu’elle l’a combattu pendant des années et qu’aujourd’hui elle s’en sert pour ses « plans sociaux » et profite de ces « départs anticipés amiante ».

Il serait grand temps que ces Messieurs de la Direction admettent leurs erreurs et reconnaissent les préjudices subis par des salariés à qui ils n’ont pas donné les moyens de travailler en sécurité. Nous sommes persuadés au CAPER 04 qu’il serait grand temps de ne plus importuner les victimes en les convoquant devant le TASS.

Que propose le CAPER ?

Il serait judicieux de se mettre autour d’une table pour essayer de trouver un accord acceptable pour tous, afin d’éviter de nouvelles épreuves aux victimes qui entendent ce genre de « conneries » lors des audiences. Nous l’avons démontré, le CAPER 04 est prêt à négocier des accords qui vont dans l’intérêt des victimes. L’accord sur l’anxiété en est la preuve.

Si, à Saint Auban, la Direction n’a pas ce pouvoir de décision, elle n’a qu’à faire remonter l’information auprès de la Direction Générale qui, elle, a ce pouvoir.


L’Aldeva Drôme-Ardèche écrit à la présidente du T.G.I. : Trois ans, c’est trop !

« Des adhérents de notre association ont saisi le tribunal des affaires de la Sécurité sociale. Ils restent dans l’attente d’une audience, et ce parfois depuis plus de trois ans. »

L’un d’eux « est atteint d’une pathologie particulièrement grave, puisque un taux d’IPP de 100% a été notifié par la Caisse primaire d’assurance maladie. Une demande d’audiencement prioritaire a été adressée par son avocat au Président du TASS qui l’a rejetée. »

Dans un courrier du 20 mars, Michel Dorel, le président de l’Aldeva Drôme-Ardèche a alerté la présidente du Tribunal de grande instance de Valence sur cette situation insupportable pour les victimes et les familles.

Celle-ci a répondu le 6 avril : « Votre demande a été évoquée avec cette juridiction. Ces dossiers vont être audiencés dans les meilleurs délais ».

L’association veillera à ce que cet engagement soit respecté.


BOURGES
Deux fonderies du Berry
condamnées pour la première fois

Indemnisé par le Fiva, Patrick tenait à faire condamner les employeurs responsables de sa maladie. C’est maintenant chose faite.

Ancien mouleur, il avait été exposé à l’amiante pendant plus de 30 ans, d’abord à la Fonderie Manoir à Bourges, puis chez FCI à Vierzon. Atteint d’une asbestose, il avait déposé un dossier au Fiva qui lui avait versé une indemnisation.

Le Fiva a engagé une action récursoire en faute inexcusable de l’employeur contre la Fonderie Manoir et FCI. Cette action a permis au Fonds de récupérer le montant de l’indemnisations versée à la victime (23 000 euros) qui a été mis à la charge des deux employeurs fautifs et non de la branche AT-MP (financée par les cotisations de tous les employeurs). Elle a aussi permis que le capital versé par la Sécurité sociale à Patrick pour sa maladie professionnelle soit doublé.

« C’est une grande victoire, explique Serge Moulinneuf, le président de l’Adeva Centre, car la Justice reconnaît enfin la faute des employeurs. »

L’Adeva Centre espère que cette action incitera d’autres salariés à se retourner contre leur employeur.

Manoir a décidé de faire appel.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°54 (mai 2017)