Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Elles ont gagné en faute inexcusable

1er janvier 2001

Maryse et Suzanne ont chacune perdu leur
mari, décédé d’un
mésothéliome. Elles ont décidé de
poursuivre leur employeur, Alstom et Babcock, afin de faire
reconnaître la faute inexcusable de ces entreprises.
Elles viennent de gagner leur procès au bout de deux ans
environ. La reconnaissance de cette faute était leur
première motivation. Elles expriment leur satisfaction et
leur soulagement tout en soulignant que cette victoire ne
remplacera pas la perte douloureuse de leur
compagnon.


- Maryse
- Suzanne



MARYSE :
" Je voulais entendre dire qu’Alstom avait mis en
danger des êtres humains "

"Avec le temps, je me suis dit
ça irait mieux. Mais, aujourd’hui, j’ai encore
beaucoup de rage »
, témoigne Maryse, 53 ans,
qui a perdu son mari en 2000.

Le frère de son mari est mort en juillet 2000
d’un mésothéliome. En septembre, son mari,
âgé de 50 ans, est tombé malade et est
également décédé d’un
mésothéliome en novembre de la même
année.

Maryse vient de gagner contre la
société Alstom où son mari et son
beau-frère ont été contaminés par
l’amiante.

"Le fait que cette
société ait été condamnée pour
faute inexcusable me soulage, mais, en même temps, je sais
que mari ne sera jamais remplacé. Je n’ai pas encore
tourné la page. "

Elle s’empresse d’ajouter qu’elle
attend le jugement écrit et qu’elle ne sait toujours
pas si Alstom va faire appel du jugement. Le jugement a
été prononcé le 12 décembre dernier par
le Tass (Tribunal des affaires de Sécurité sociale)
de Bobigny.

Maryse estime que le procès a
été assez rapide mais aussi éprouvant. Toute
l’année 2003 a été une année de
procédure avec une remise d’audience.

« Nous avons obtenu environ 150.000
euros pour le décès de mon mari et les
préjudices subis par ma fille et moi. Mais ce
n’est pas vraiment l’argent qui
m’intéresse. Je voulais avant tout obtenir une
reconnaissance et entendre dire qu’Alstom avait mis en danger
des êtres humains.

Bien sûr, l’argent est bienvenu car
j’ai du mal à gérer ma vie en ce moment et
à entretenir la maison que nous avions achetée
ensemble.

Au final, j’aurais toujours obtenu cette
reconnaissance. Je suis arrivée à mes fins et
j’ai aussi pu témoigner et prévenir les
collègues de mon mari et tous les autres afin qu’ils
ne subissent pas ce que nous avons subi. "


SUZANNE :
" Ce n’est pas une entreprise qui
reconnaîtra ses torts
d’elle-même "

" J’ai du mal à accepter
de l’argent en contrepartie de la vie de mon
mari ",
ajoute Suzanne, 76 ans.

Son mari est tombé malade en 1990. Il est mort
d’un mésothéliome en 1999, à
l’âge de 71 ans.

Pour Suzanne, la reconnaissance de la faute de son
employeur, Babcock, primait sur l’argent.

Le jugement a été prononcé le 10
octobre dernier par le Tass de Paris. Elle, aussi, attend le
jugement écrit et ne sait pas si cette société
va faire appel. Elle a obtenu 135.000 euros.


"Je sais qu’au Fiva, on est
presque sûr d’obtenir une réparation
financière.

Je comprends que l’on puisse avoir besoin
d’argent et que l’on veuille être certain
d’avoir gain de cause, mais pour moi il est dommage de ne pas
essayer de faire condamner une entreprise responsable de la
contamination de ses employés. Ce n’est pas elle qui
reconnaîtra ses torts d’elle-même !
C’est grave de mettre la vie des gens en danger pour un
travail.

Un procès, c’est plus
aléatoire et cela peut prendre du temps même si, dans
notre cas, la procédure a été relativement
rapide. Elle a duré deux ans.

Finalement, mes fils et moi, nous nous sentons
soulagés et contents mais toujours en colère parce
que les patrons savaient et n’ont pourtant rien
fait ! "

Propos recueillis par Pierre Luton


Article paru dans le bulletin de l’ANDEVA N°12
(janvier 2004)