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Condé-Sur-NoireauLes enjeux d’un procès pénalCondé-sur-Noireau est une ville martyre de l’amiante qui a payé un lourd tribut de souffrances et de deuils. Pendant des décennies, les usines Valéo-Ferodo ont répandu en toute impunité des poussières qui ont semé la mort non seulement dans ses usines mais aussi leur environnement. Une interminable marche vers la JusticeLe 10 septembre 1996 est déposée au tribunal de grande instance de Caen la plainte pénale dans le dossier Ferodo-Valéo. En 2005, les magistrats spécialisés du pôle de Santé publique du Tribunal de grande instance de Paris sosont saisis du dossier. En 2006, Madame Bertella-Geffroy, juge d’instruction, met en examen les anciens chefs d’établissements des sociétés Ferodo, Valeo, Honeywell et Ferlam (messieurs Masson, Picard, Préfot, Riutort, Surget et Sylvestre). En 2007, elle met en examen le docteur Raffaeli, médecin du travail. Toutes ces mises en examen sont aujourd’hui confirmées. Madame Bertella-Geffroy recherche ensuite les responsabilités de plusieurs membres du Comité permanent amiante (CPA), organisme « informel », créé, financé et manipulé par les industriels de l’amiante, devenu le fer de lance de la lutte contre l’interdiction de l’amiante. En 2011 et 2012 sont ainsi mis en examen des participants au CPA : Dominique Moyen, ancien directeur de l’INRS, Jean-Pierre Hulot, secrétaire du CPA, Arnaud Peirani, chargé de mission au ministère de l’industrie, Daniel Bouige, ancien directeur de l’Association française de l’amiante (AFA) et directeur de l’Association internationale de l’amiante (AIA), Cyril Latty, ancien président de l’AFA (aujourd’hui décédé), Bernard Gibouin, ancien membre de l’AFA, Jean-Luc Pasquier, de la Direction des Relations du Travail, ainsi que Patrick Brochard, pneumologue, caution scientifique du CPA. Elle met aussi en examen, Martine Aubry, directrice du Travail de 1984 à 1987 et Olivier Dutheillet de la Motte, directeur du travail de 1987 à 1995, représentés par Jean-Luc Pasquier 17 mai 2013 : la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris annule ces neuf mises en examen. 10 décembre 2013 : la Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre de l’instruction, où elle relève deux contradictions : Les personnes concernées sont remises en examen. La Cour renvoie l’affaire devant la même juridiction autrement composée. Mars 2014 : le rapporteur public auprès de la chambre de l’instruction autrement composée se prononce pour une nouvelle annulation de toutes les mises en examen ! Nous ne savons pas encore quelle sera la position de la chambre. L’attitude scandaleuse du ParquetL’arrêt rendu le 10 décembre par la Cour de cassation est clair et solidement motivé. Il a pour effet un retour à la situation antérieure, autrement dit une remise en examen des neuf dernières personnes concernées. Le Parquet résiste à la Cour de cassation Les conclusions du procureur général près la Cour d’appel de Paris prennent le contrepied de l’arrêt de la Cour de cassation en réclamant une nouvelle fois l’annulation totale des neuf mises en examen ! Pas de pouvoir La position du Parquet repose sur deux arguments fallacieux : l’absence de pouvoir réglementaire des représentants de l’Etat qui ont été mis en cause et l’absence de preuves d’une quelconque influence du CPA et de ses membres sur les décisions gouvernementales. Pas d’influence du CPA Le deuxième argument a déjà été réfuté avec précision par la Cour de cassation, qui a noté dans son arrêt du 10 décembre que par deux fois la France s’était opposée à l’interdiction de l’amiante : en 1986 en Europe et en 1991 aux Etats Unis et que « ces prises de positions faisaient suite, l’une au dépôt d’un rapport, l’autre à la transmission d’un avis du CPA. » Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014) |