Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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1801.Les conseils du docteur Privet : une pleurésie liée à l’amiante peut être reconnue en maladie professionnelle

21 septembre 2015
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Qu’est-ce qu’une pleurésie ?

La pleurésie est la présence d’une
quantité anormale de liquide dans
la cavité pleurale. Le terme utilisé
couramment pour la désigner notamment
chez les radiologues est
« épanchement pleural ». La mission
des cliniciens est de caractériser
cet épanchement.

La plèvre

La plèvre, qui entoure les poumons,
est formée de deux feuillets : la
plèvre viscérale, accolée au poumon
et s’insinuant dans les scissures
 ; la plèvre pariétale tapissant
les parois de la cage thoracique
(au niveau des côtes, du médiastin ou
du diaphragme).

Entre les deux, la présence d’un film
de liquide permet de faire coulisser
les deux feuillets l’un sur l’autre. Les
poumons peuvent ainsi bouger librement
lors de l’inspiration et de l’expiration,
à l’intérieur de la cage thoracique
rigide.

Mais la plèvre est aussi une étape
importante dans le système d’épuration
des poumons qui comprend deux
circuits :

- les lymphatiques qui partent des
poumons et remontent dans le thorax
en passant par des relais (ganglions)

- les lymphatiques de la paroi thoracique
qui recueillent les particules
indésirables.

Deux grandes familles de pleurésies

Le maintien du film de liquide entre
les deux feuillets est lié à l’équilibre
des pressions dans les différents espaces.

1) Les pleurésies transsudatives

Si la pression sanguine vient à augmenter
dans la paroi, par exemple
par défaillance de la partie gauche
du coeur (insuffisance cardiaque), la
plèvre est inondée par un liquide clair
(comme de l’eau).

On a alors affaire à une pleurésie
transsudative. On parle aussi de pleurésie
cardiaque.

Ce type de pleurésie est également
une complication dans la cirrhose et
les maladies du rein.

2) Les pleurésies exsudatives

L’autre grande famille des pleurésies
est constituée par les pleurésies inflammatoires
ou pleurésies exsudatives.

Les pleurésies qui sont provoquées
par l’amiante appartiennent à cette
deuxième catégorie.

Une pleurésie
exsudative peut avoir
des origines diverses

Une infection

Dans les pleurésies d’origine infectieuses
et notamment les pleurésies
purulentes, la cavité pleurale est
envahie par du pus où pullulent les
germes responsables.

Ils sont mis en évidence lors de la
ponction pleurale, qui permet par ailleurs
d’évacuer le liquide.

Par le passé la pleurésie tuberculeuse
était fréquente et les séquelles qu’elle
a pu laisser (notamment des calcifications
pleurales) peuvent fausser le
débat sur l’existence de plaques pleurales
calcifiées.

Un cancer

Les pleurésies en réaction à un processus
cancéreux qui s’est développé
au niveau de la plèvre sont
fréquentes. La moitié des pleurésies
sont d’origine cancéreuse.

La thoracoscopie associée à un prélèvement
de la tumeur (biopsie) permet
d’identifier le cancer responsable
qui est dans la majorité des cas une
métastase à la plèvre d’autres localisations
 : poumon (en premier), sein,
ovaires, lymphome… Dans seulement
quelques pourcents des cas, il
s’agit d’un mésothéliome.

[La découverte d’une métastase
d’un adénocarcinome au niveau de
la plèvre peut poser le problème de
l’origine du cancer primitif, surtout s’il
n’y a pas d’éléments de preuve tangibles.
L’immunohistochimie aide au diagnostic
et un adénocarcinome au niveau
de la plèvre est à coup sûr d’origine
pulmonaire si le marqueur TTF1
est positif.]

Une maladie rhumatismale

Si le diagnostic des pleurésies infectieuses
et des pleurésies liées à un
cancer ne pose pas de problème,
par contre les pleurésies liées à une
maladie rhumatismale notamment la
polyarthrite rhumatoïde ont le même
profil biologique que la pleurésie liée
à l’amiante : il s’agit d’une pleurésie
dite exsudative.

Comment identifier une pleurésie liée à l’amiante ?

Le problème qui se pose régulièrement
est la distinction entre pleurésie
transsudative (inondation de la plèvre
principalement en lien avec une insuffisance
cardiaque gauche) et pleurésie
exsudative à rattacher à l’amiante
après exclusion d’autres causes.
La distinction ne peut être faite
qu’après l’analyse biochimique du
liquide pleural.

On considère une pleurésie comme
exsudative lorsque le taux de protéines
est supérieur à 30 grammes
par litre et que le taux de LDH (un
enzyme) est supérieur à 200 unités.
Mais les états frontières peuvent poser
un problème de contentieux.

La pleurésie exsudative bénigne liée
à l’amiante, qui peut être bilatérale,
peut survenir à n’importe quel moment
après la fin de l’exposition.

Elle est souvent régressive, mais on
estime qu’un certain nombre d’épaississements
de la plèvre viscérale
associés à des bandes parenchymateuses
ou à une atélectasie par enroulement
sont les séquelles de pleurésies
exsudatives ayant évolué à bas
bruit et qui sont passées inaperçues.

Conclusion

Toute pleurésie, étiquetée exsudative
après analyse biochimique
du liquide pleural et survenant
chez une victime qui a été exposée
à l’amiante durant au moins 5
ans et ce dans un délai de 35 ans
après l’exposition, devrait être
considérée comme une pleurésie
liée à l’amiante, à charge à la partie
adverse d’apporter la preuve
contraire.


LES CONDITIONS DU TABLEAU DE MALADIE PROFESSIONNELLE

La pleurésie exsudative figure au tableau n°30 des maladies
professionnelles (« affections professionnelles consécutives
à l’inhalation de poussières d’amiante »
), à la partie B (« lésions
pleurales bénignes »
).

1) Le délai de prise en charge est
de 35 ans, c’est à dire que la maladie
doit être constatée dans un délai
maximal de 35 ans après la fin de
l’exposition.

Si ce délai est dépassé, la reconnaissance
en maladie professionnelle
n’est plus automatique (la victime
ne bénéficie plus de la présomption
d’origine) et le dossier doit être soumis
à l’avis du Comité régional de
reconnaissance des maladies professionnelles
(CRRMP) qui statue
alors sur l’existence d’un lien direct
entre la maladie et l’exposition.

2) Une durée minimale d’exposition
à l’amiante d’au moins 5 ans est
exigée.

Si cette condition n’est pas
remplie, le dossier est également
soumis à l’avis du CRRMP.

3) Il faut être porteur d’une pleurésie
qualifiée d’exsudative
, en
lien avec une exposition prouvée à
l’amiante et excluant les autres types
de pleurésie et les pleurésies exsudatives
bénignes d’une autre origine
que l’amiante.
C’est la condition principale pour
que la maladie professionnelle soit
reconnue.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°49 (septembre 2015)