Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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10.1 Préjudice d’anxiété

23 septembre 2016

- Multi-exposés : les mineurs de Lorraine ont gagné la première manche
- Dockers : des employeurs "immunisés" contre le préjudice d’anxiété ?


Multi-exposés : les mineurs de Lorraine ont gagné la première manche

Les mineurs ont été exposés aux poussières de charbon mais aussi à de multiples toxiques : silice, amiante, monoxyde et dioxyde de carbone, méthane, hydrogène sulfuré, fumées de soudure, et de diésel, produits contenant du benzène, trichloréthylène, huiles contenant des HAP, résines formo-phénoliques ou à base d’isocyanates ainsi qu’au travail de nuit.

Cette multi-exposition produit un effet de synergie délétère pour la santé, particulièrement quand il s’agit de cancérogènes.

Le 30 juin 2016, les prud’hommes de For­bach ont donné raison aux 834 mineurs, soutenus par leur syndicat CFDT, qui demandaient la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété lié à cette multi-exposition.

Le jugement en départage précise que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat.

Il a causé à ses salariés «  un préjudice moral spécifique  » qu’on «  ne peut pas qualifier autrement que de préjudice d’anxiété  ». Ils doivent vivre avec la crainte de contracter un jour une maladie grave, comme beaucoup de collègues.


Dockers : des employeurs "immunisés" contre le préjudice d’anxiété ?

Des centaines de milliers de tonnes d’amiante ont été déchargées sans protection, souvent à dos d’homme, par les dockers et les personnels de manutention portuaire.

Un arrêté du 7 juillet 2000 les rend éligibles à l’ACAATA s’ils ont travaillé durant une période déterminée sur les quais de certains ports (Saint-Nazaire, Dunkerque, Bordeaux...).

Mais la Cour de cassation refuse de reconnaître leur préjudice d’anxiété, si les entreprises de manutention opérant dans les ports listés ne sont pas elles-mêmes inscrites sur les listes. au motif que cet arrêté vise des lieux géographiques (des ports) et non des établissements où ils ont travaillé.

Elle présente ce barrage comme infranchissable car basé sur « un motif de pur droit  ». Mais cet arrêt est critiquable dans son fondement même  : « Il interdit aux dockers de rechercher la responsabilité d’employeurs qui n’ont pas respecté les règles d’hygiène et de sécurité qu’ils auraient dû appliquer, note Frédéric Quinquis. D’une façon surprenante et sans doute inédite, elle fait naître au bénéfice d’employeurs un principe d’immunité légale absolue dans leurs relations avec leurs salariés. »

Ajoutons que cet arrêt est aussi contraire au simple bon sens.

Comment un docker pourrait-il comprendre et admettre que l’Etat lui accorde une cessation anticipée d’activité au motif que l’amiante a réduit son espérance de vie et que la justice lui refuse le droit de réclamer à l’employeur qui l’a exposé la réparation de l’anxiété née de cette situation ?

[1] C. Cass. Ch. Soc.
15 décembre 2015,
(n°14-22441 et suivants)


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°52 (septembre 2016)